Si cette gouvernance irresponsable n’avait pas donné toutes les assurances de sécurité, Soumaïla Cissé se serait-il hasardé d’aller battre campagne pour être la proie des ravisseurs dont on ne sait toujours à quelle horde ils obéissent ? Pourquoi ce président de la République s’adressant à la nation le soir même du rapt de son challenger et non moins chef de file de l’opposition malienne n’a pas eu ne serait-ce qu’un mot de compassion pour son ancien ministre des finances?
Deux questions, mais surtout deux fortes interpellations clignotant sans cesse au baromètre politico-social du Mali profondément meurtri. Voilà deux mois révolus que le beau pays conduit à l’indépendance le 22 septembre 1960 par Modibo Keïta et ses compagnons n’arrive plus à cacher son visage balafré par une impéritie incurable qui s’est emparée des manettes de l’État depuis un certain jour funeste de 2013! Sept ans (et pour combien de mois, combien d’années encore) le train littéralement calamiteux continuera à rouler sur les malheurs du plus grand nombre de nos concitoyens?
Il ne s’agit pas de pourfendre par amusement politique, mais d’indiquer avec clarté que Soumaïla Cissé est la face visible de l’iceberg d’un drame inommable. Le chef de file de l’opposition malienne a été sacrifié, est-on désormais convaincu unanimement, sur l’autel de la partition du Mali. On ne peut que s’en convaincre, tous les jours apportent la preuve que celui qui tient les rênes de la République, les bonnes brides qu’il manipule comme un enfant s’amuserait au manège, a partie liée avec les ennemis de la patrie. De mensonges d’État en vaudevilles (armée malienne reconstituée, députés spécifiques des localités de l’Adrar Ifoghas, des milliards invisibles pour une lutte fantomatique contre le Covid-19, encore et encore, jusqu’à des coups de pioche pour creuser la fosse où sera enterré le Mali originel), rien ne sera plus épargné pour faire aboutir cet agenda caché immonde. Soumaïla Cissé, soyons-en sûrs, de par son enlèvement est le principal chaînon qui va conduire à un référendum de la honte ne visant qu’à consacrer la partition de notre pays. Me Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre de la justice, Garde des Sceaux sous le Roi-partition, a bien perçu la supercherie. Dans un récent tweet, il a posé la question fondamentale et indiqué la démarche à nos concitoyens : « Et si Soumaïla Cissé n’était l’otage d’aucune Katiba, de qui serait-il l’otage alors? Continuons à appeler à sa libération…pour que les commenditaires de ses ravisseurs entendent et comprennent vite que le temps qui passe est intenable pour tous. » Cette opinion frappée au coin du bon sens vient d’être confirmée, en quelque sorte, par un tweet de Tiégoum Maïga, ancien patron de la communication à la présidence de la République et aussi frère cadet de Soumeylou Boubèye Maïga, ancien chef des services de renseignements, ancien ministre de la défense, ancien Premier ministre. En effet, à l’occasion du 61ème jour de l’enlèvement de Soumaïla Cissé, Tiégoum Maïga écrit : « Hier, IBK a supplié les ravisseurs de le libérer. Aujourd’hui, nous apprenons par RFI que Soumi a pu avoir des médicaments ; qu’IBK a sollicité l’Algérie ; que la France est disposée à aider. Dieu est Espoir. Prions pour que Soumi soit vite libéré. » Il est impensable que Tiégoum jette en l’air de telles certitudes pour seulement amuser la galerie. L’affaire prend donc une nouvelle tournure.
Depuis tout ce temps, au moins deux mois, Soumaïla Cissé n’aurait donc pas pu avoir des médicaments. C’est maintenant qu’IBK aurait sollicité l’Algérie et c’est maintenant que la France se dit disposée à aider. Où est alors détenu Soumi? Qui sont ses ravisseurs qui ont daigné lui donner des médicaments, sans doute parce qu’il est maintenant mal en point, de plus en plus, on le redoute ?
IBK, qui a pleuré abondamment sur les corps sans vie de Ghislaine Dupont et Claude Verlone, mais qui n’a versé aucune chaude larme sur les martyrs de Kolongo, Sobane Da, Boulekssi, Mondoro, etc., qui n’a pas eu non plus un traître mot de compassion pour le chef de file de l’opposition au moment où il le fallait, peut convaincre qui de sa bonne foi en sollicitant le Gondwana ou le Royaume des cieux? Le rapt de Soumaïla Cissé, pour toutes les raisons évoquées et celles qui restent à mûrir, est un véritable gong qui ne finira pas de sonner sur sa conscience.
Mais réjouissons-nous sans nous consoler. Le monde entier est désormais mobilisé pour la libération de Soumi. Des leaders africains et des acteurs de la société malienne, tous ont reçu le message de Mme Cissé Assan Traoré et de sa belle-soeur. Quant au fils du couple Cissé, Bocar Soumaïla Cissé, il avait situé les responsabilités : « Nous ne savons pas qui a enlevé Soumaila Cissé. Nous n’avons pas pu communiquer avec lui. Nous n’avons aucune preuve de vie. On a été à plusieurs fois rassurés par le gouvernement du Mali, par la MINUSMA. Mais au-delà, nous n’avons pas d’informations sur des négociations. » Dans ces phrases, désarroi d’un fils qui a hâte à retrouver son père, sont cachés ceux que Me Mamadou Ismaïla Konaté désigne comme les commenditaires des ravisseurs de l’honorable Cissé. Et, en ce qui le concerne, Amadou Kolossy, le maire de Koumaïra, dont on a voulu exploiter cyniquement la libération, a apporté un démenti catégorique : « Je n’ai dit à personne que j’ai vu Soumaïla Cissé. » Des rumeurs peuvent circuler, librement, affirmant qu’il a été transféré vers l’Algérie. A-t-on le droit d’en douter? Bref, posons sans arrêt la question de Me Mamadou Ismaïla Konaté : « Et si Soumaïla Cissé n’était l’otage d’aucune Katiba, de qui serait-il l’otage alors?
Amadou N’Fa Diallo
LE COMBAT