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Belko Ouologuem : « Les gens comprendront qu’il n’y a pas seulement contestation de Dieu dans la philosophie »

Le Mali a célébré, le 19 novembre, la journée mondiale de la philosophie autour de la crise environnementale. Dr Belko Ouologuem, enseignant-chercheur et ancien chef du département de philosophie de l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako (ULSHB) dresse pour Benbere un état des lieux de l’enseignement de la discipline.

 

Benbere : Pourquoi une journée dédiée à la philosophie ?

Dr Belko Ouologuem : C’est en 2005 que l’Unesco a décidé d’instituer une journée internationale en tenant compte du rôle joué par la philosophie depuis l’antiquité pour l’épanouissement de l’homme, des libertés individuelle, collective, de pensée, de croyance et d’association. Cette journée est faite pour célébrer l’Homme dans son indépendance et dans sa liberté.

Comment la journée mondiale de la philosophie est-elle célébrée au Mali ?

Au Mali, on célèbre la journée par des conférences-débats. A partir de 2008, elle s’était interrompue pour des raisons liées à l’instabilité de notre pays et des questions de positionnement de certains qui étaient à l’épicentre de l’organisation de la journée. En 2016, nous avons repris la célébration. Cette fois-ci, d’un commun accord avec les trois structures qui enseignent la philosophie au niveau supérieur : l’École normale supérieure de Bamako, le département de philosophie de l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako (ULSHB) et la Faculté de philosophie de l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO).

Nous l’organisons, à tour de rôle, par des thèmes d’actualité qui concernent notre pays, qui ne sont pas forcément en droite ligne de ce qui est décidé par l’Unesco. Mais, parallèlement, nous invitons à analyser, à comprendre, à critiquer ce qui se passe dans notre pays pour apporter notre petite contribution à la construction de l’édifice national.

Quel regard portez-vous sur l’enseignement de la philosophie au Mali ?

L’enseignement de la philosophie au Mali évolue bien. Depuis la création des grandes écoles, au début des années 1960, il y avait la formation universitaire de la philosophie. Mais seule l’École normale supérieure délivrait les diplômes pour l’enseignement de la philosophie au niveau du secondaire général et de l’enseignement normal. Avec la scission de l’Université de Bamako en quatre universités, la naissance de l’Université des lettres et des sciences humaines, les sections sont érigées en départements. Aussi, depuis que nous sommes passés au système LMD en 2008, même si l’effectivité du passage s’est réalisée en 2014, nous avons décidé d’initier une formation postuniversitaire. Alors qu’on ne formait exclusivement que pour les secondaires.

Nous avons actuellement une masse critique importante, des compétences locales qui nous permettent, avec l’accompagnement de nos collègues de la sous-région, d’engager des formations en master et d’assurer ces formations sur place. Nous l’avons commencé en 2016 et la première promotion est en train de donner ses fruits. Trois étudiants ont déjà soutenu dans notre structure. De ce point de vue, il y a eu une bonne évolution de l’enseignement de la philosophie au niveau supérieur.

Comment expliquez-vous le fait qu’il y a encore beaucoup de préjugés sur la philosophie dans notre société ?

Il y a un fait historique et culturel qui n’est pas seulement propre au Mali. C’est aussi lié à la nature de la philosophie, surtout dans sa dimension contestatrice, critique qui est l’essence même de la philosophie. La philosophie et les philosophes ont toujours été malmenés depuis l’antiquité. Et l’histoire de Socrate en est une parfaite illustration. La contestation de l’ordre établi, et surtout quand cet ordre ne met pas en exergue la justice et la liberté de pensée, fait que la philosophie a toujours été considérée comme subversive.

S’agissant du cadre spécifiquement malien, nous sommes dans un environnement où les croyances religieuses sont imprégnées de façon extraordinaire. Il y a aussi le fait que les premiers philosophes maliens ont pratiquement tous été formés en Europe de l’Est, dans des régimes socialistes. Donc la philosophie qui s’est annoncée avec force est la philosophie marxiste, qui est fondamentalement athée. Du coup, tenir un langage philosophique athée dans un environnement socio-politique très religieux ne peut naturellement que provoquer un choc au niveau des citoyens et dans leurs mentalités.

Je crois qu’avec le nombre de diplômés en philosophie, l’extension de l’enseignement de la philosophie dans les écoles et lycées, et avec le développement en cours de la philosophie enseignée aux enfants, les gens comprendront qu’il n’y a pas seulement contestation de Dieu dans la philosophie, mais aussi des discours pour l’appropriation rationnelle de Dieu.

Source : benbere

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