Ces derniers temps, ça s’agite moins dans les états-majors politiques du pays, on y tire moins sur la caravane de la Transition… Comme si nos leaders politiques avaient subitement choisi de faire profil bas. Qu’est-ce qui explique cet apaisement ? Est-ce le calme avant la tempête ? Pour de nombreux observateurs, la conjoncture financière y est pour beaucoup.
Après avoir longtemps mis la pression sur les autorités en place afin de réorienter la Transition dans le sens de leurs intérêts ou de leurs ambitions, nos politiciens semblent avoir perdu la langue. A quelques exceptions près. En effet, Aliou Boubacar Diallo, Cheick Boucadry Traoré, Housseini Amion Guindo et Moussa Mara continuent à donner de la voix. Même si certains cherchent juste une popularité en ramant à contre-courant des autres. C’est le cas du jeune Moussa Mara dont les dernières prises de position par rapport à la vie de la nation frisent le populisme. Et cela contrairement à ses brillantes tribunes sur différentes questions de la vie de la nation, l’actualité nationale et internationale…
A quoi cela apporte-t-il politiquement de désavouer des autorités pour des actes qui sont applaudis par la grande majorité des Maliens ? Même si le peuple a le plus souvent tendance à réagir par passion, par orgueil et non par la raison qui doit primer quand il s’agit de relations internationales basées sur le rapport de force. Sans compter qu’on ne rend pas aussi service aux citoyens en les caressant dans le sens du poil. Mais, jusque-là, les Maliens (ceux qui aspirent au vrai changement) se reconnaissent dans les actes posés par cette transition. Ce qui ne signifie pas non plus que tout va bien dans le meilleur du monde.
Si certains (ceux qui dénoncent une prétendue dictature des Colonels) prennent les sorties médiatiques de Mara comme une preuve de courage voire de témérité politique, ils sont aussi nombreux à les considérer comme un appel du pied pour se faire adouber par la France en vue de la prochaine présidentielle. Ce qui, politiquement est contreproductif au moment où les Maliens indexent l’Hexagone comme la source de toutes ces crises qui empêchent le pays de prendre son envol.
«Les partis politiques ont-ils lâché prise ?», se sont interrogés la semaine dernière nos confrères de «Le Repère». Ils sont nombreux les observateurs qui ont fait le même constat et qui lient ce silence de cimetière au sevrage financier imposé par le gouvernement de la Transition. Difficile de leur donner tort quand on observe la situation de près. Selon certains leaders politiques, cela fait bientôt 4 ans que l’aide publique aux partis politiques ne tombe plus. Ceux qui continuent à donner de la voix sont ces leaders (Aliou Boubacar Diallo, Cheick Boucadry Traoré, Housseini Amion Guindo, Moussa Mara, Modibo Sidibé…) dont la main atteint le dos, comme on le dit si bien chez nous. Autrement, ils sont à l’abri du besoin; ils ne vivent pas de la politique.
Ce qu’ils investissent personnellement dans la vie de leurs partis suffiraient au bonheur de nombreux rivaux ou concurrents dans l’arène politique. D’ailleurs certains s’agitaient beaucoup juste pour mettre la pression sur les autorités en place et se faire remarquer afin de mieux négocier le prix de leur silence. C’est une stratégie qui a été payante avec des présidents élus, notamment les regrettés Amadou Toumani Touré et Ibrahim Boubacar Kéita.
Si nous avons bonne mémoire, Dr Oumar Mariko (SADI), avant de disparaître dans la nature, avait annoncé en octobre 2021 avoir porté plainte pour obliger le gouvernement à verser cette manne financière visiblement plus vitale à certains politiciens qu’à leurs chapelles. Et cela au motif que cette aide est un droit constitutionnel visant à renforcer la démocratie. Il est clair que l’aide publique est une précieuse bouffée d’oxygène pour une grande partie des partis politiques aussi nombreux aujourd’hui que les boutiques de quartier (on est passé de 196 partis en 2018 à 271 formations aujourd’hui). Ce qui n’est pas sans relancer le débat sur la nécessité de poursuivre cette aide de la même manière….
Et cela d’autant plus qu’elle coûte énormément cher au Trésor public pour un impact très discutable. «Sur une période de 17 ans (2001-2018), les partis politiques maliens se sont partagés une cagnotte supérieure à 27 milliards FCFA sous forme d’aide financière de l’État», a récemment publié le site «Ouestafnews» en citant Dr Ibrahim Sangho, responsable de Mission d’observation des élections du Mali (MODELE-Mali), qui a fait cette déclaration sur la base d’un document récapitulatif à sa disposition. «Mais il n’est pas prouvé qu’ils (partis) respectent les obligations posées par la loi par rapport à la destination de ces fonds», a-t-il ajouté.
Il faut rappeler que c’est l’article 30 de la Charte des partis politiques (adoptée le 1er août 2005 par l’Assemblée nationale) qui a institué l’octroi de 0,25 % des recettes fiscales comme aide financière publique aux partis politiques. Mais, des voix se sont toujours élevées pour dénoncer le détournement de cette aide à d’autres fins et proposer la mise en place d’un «mécanisme rigoureux de suivi». Bien naturellement, les états-majors se battent pour son maintien.
Ne serait-ce que pour éviter, disent des leaders politiques, que les partis ne deviennent des instruments au service d’intérêts privés et pour justement éviter les financements douteux ou criminels. Jusqu’à quand ce silence va-t-il durer ?
Kader Toé
Le Matin