La semaine passée, nous traitions comme nos confrères les péripéties de l’achat de 36 blindés Marauder dans le cadre d’un contrat passé par le ministère de la Défense avec la société Sud-Africaine Paramount. Grâce à nos enquêtes, chaque jour a son lot de révélations.
S’il y a bien un domaine dans lequel le Mali s’est bien illustré ces dernières années, c’est sans nul doute celui de la création et de la multiplication des structures de contrôle. Inspections diverses des ministères dédiées, Directions du Contrôle financier, Direction du Contrôle général des services publics relevant de la Primature, Bureau du Vérificateur général sans compter la Casca et la Section des Comptes de la Cour suprême.
Pour qui sait les énormes ressources financières qui ont été engagées pour la création et le fonctionnement de ces entités qui coûtent au contribuable et surtout qu’elles regorgent de hauts cadres pluridisciplinaires de l’administration, une situation sans précédent vient de naître.
Au-delà des ressources publiques investies, les partenaires techniques et financiers ne sont pas demeurés en reste dans le renforcement des capacités des entités de contrôle ; le Canada a soutenu la transposition de la Structure du Végal ; l’Usaid a appuyé toutes les administrations à travers son programme Sngp pour la gouvernance locale, l’Union européenne etc. Pourquoi donc l’Etat a décidé, contrairement d’ailleurs à la pratique, de l’instruction d’autres dossiers dont l’opinion a suivi avec intérêt le traitement qui s’éternise. Les autorités du pays et les juridictions ont décidé d’exclure de toutes les investigations sur ce dossier Paramount nos services de contrôle afin de mieux éclairer l’opinion nationale sur cette information judiciaire annoncée par un simple communiqué laconique.
Au vu des communiqués successifs du procureur général lus à l’Ortm, suivis de la réaction des trois ministres Boubou Cissé, Tièman Hubert Coulibaly et Mamadou Igor Diarra, on est bien en droit se poser des questions. Au demeurant, au stade actuel du dossier, juste une information judiciaire a été ouverte par une Institution judiciaire supposée être indépendante de l’exécutif. Elle aurait même pu l’être sans émission de mandats d’arrêt avec son effet d’annonce.
Mais là où le bât blesse et selon nos recoupements, c’est bien un semblant d’audit réalisé par une conseillère de la présidence, promotrice d’un cabinet comptable en difficulté sur la place, (car ayant perdu les marchés de complaisance dont elle bénéficiait depuis des lustres) qui a déclenché toute cette affaire. Selon nos radars, un rapport d’audit des plus légers, dans le fond comme dans la forme dont aucun enquêteur sérieux ne se glorifierait, a été la seule pièce de conviction pour déclencher la procédure du mandat d’arrêt international contre les trois anciens ministres et l’ancien DG de la BMS.
Plus grave encore, c’est qu’il n’est pas dans les attributions de la Présidence de la République de faire des audits bien que le président a le pouvoir de les commanditer en instruisant au Premier ministre de situer les responsabilités. Pourquoi donc tout ce dysfonctionnement au sein de l’appareil de l’Etat ? En tout état de cause, le principe même d’un rapport d’audit repose sur le contradictoire et cette règle n’a apparemment pas été observée dans cette démarche.
Juste après sa prise de fonction, il y a plus d’un an, le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, avait bien rendu visite au Contrôle général des services publics assurant ses interlocuteurs que le Mali comptait sur eux dans la lutte contre la corruption, la délinquance financière et l’impunité. Le président de la Transition lui-même n’avait-il pas encouragé les services du Végal lors de la remise de son dernier rapport à persévérer dans ses missions ? Toujours des beaux discours car à ce rythme tous sont inutiles et participent au grand folklore quotidien.
En effet, voilà que soudainement, on rend toutes ces structures aphones sinon leur intervention aurait tout simplement permis de mieux fuseler un dossier de la Lopm, objet de critiques et éviter toute suspicion d’instrumentalisation de la justice ou l’absence de transparence. La faute administrative est très grave car elle remet en cause l’indépendance des 3 pouvoirs (l’exécutif, le législatif et le judiciaire) et certainement lourde de conséquences pour les acteurs impliqués, les personnalités politiques et victimes dont certaines peuvent-être innocentes à l’encontre desquelles des mandats d’arrêt ont été émis. Mais surtout pour la Cour suprême qui se retrouve désormais embourbée avec cette patate chaude dont elle a été illégalement saisie dans la forme et dans le fond.
Avec ce handicap de manque d’informations pertinentes, la Cour suprême qui est supposée regrouper la sommité du corps judiciaire a donc devant elle un grand défi à relever : se montrer juste en instruisant objectivement et sur la base des faits, des preuves qu’elle est tenue d’établir et professionnellement irréprochable et courageuse en reconnaissant si elle même s’est trompée.
Par ailleurs, devrait se remettre en cause, le Secrétariat général de la Présidence très souvent critiqué pour ses gaffes et dont relève cette conseillère à la retraite depuis 2007. A-t-il manqué de vigilance involontairement ou a-t-il induit le chef de l’Etat en erreur en lui faisant porter le chapeau d’une instruction judiciaire indirecte commandée pour poursuivre aveuglément des anciens ministres potentiels candidats aux prochaines élections sans lui donner les informations susceptibles de lui faire comprendre ce qui s’est vraiment passé ? Ou s’agit-il véritablement pour le pouvoir du jour de tordre le coup effectivement à la justice en la mettant au pas, mettre définitivement hors-jeu les anciens dirigeants devenus indésirables et toutes les structures d’audit et d’inspection desquelles le Mali s’est doté.
Wait and see !
Nouhoum DICKO