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26 MARS Un héritage, une bougie dans le vent

Le désaveu est cinglant pour les révisionnistes en boubou bigarré et leurs porteurs de plumes. Contrairement à leurs prévisions, les Maliens ont su se souvenir du sacrifice héroïque des Martyrs de mars 1991. Le Président de la Transition lui-même ainsi que plusieurs représentants au sommet de l’Etat ont aussi tenu à honorer la mémoire des fils et filles du pays qui sont tombés sous les balles de la Tyrannie pour que la Démocratie vive. Mais, en plus du devoir du souvenir, nous devons à présent nous unir, tous Maliens, pour rallumer la flamme des idéaux portés par cette date fondatrice des Espoirs du peuple malien.


Le confort est un serviteur trop souvent ingrat. Il nous rend amnésique à la dette mémorielle que nous devons au passé. Le présent est un compagnon généralement trompeur. Il nous fait baisser la garde et nous rend oublieux des sacrifices qu’il nous a fallu pour en arriver là où nous sommes. La certitude est une alliée faussement rassurante.  Elle nous détourne du nécessaire devoir de vigilance et nous amène à nous endormir sur les lauriers de nos acquis.

N’est-ce pas ce qui nous arrive à présent ? N’est-ce pas le piège du vide mémoriel dans lequel nous sommes tombés maintenant ? N’est-ce pas là la pente de l’oubli sur laquelle nous sommes en train de glisser actuellement ?

Cette triple interrogation, comment ne pas nous la poser ? Car, plongés dans le confort du présent et accrochés à la certitude de nos acquis, nous en sommes presque venus à oublier le chemin de sang qui nous a conduits sur la Terre promise de la liberté où nous nous tenons fièrement aujourd’hui. Le 26 mars 1991, c’était il y a trente ans. Une date si proche ! Une douleur si présente ! Un souvenir si vivace !

Pourtant, cet héritage de sang, sur lequel nous devons veiller en sentinelle infatigable, est continuellement profané et tailladé sous notre regard collectif passif. Cloués dans notre confort idéologique, nous avons négligé d’ériger la veille intellectuelle en règle d’or de la défense de la Démocratie. Résultat de cette torpeur : nous avons laissé le champ libre à de piètres esprits révisionnistes qui sont tentés par la honteuse velléité de réécrire l’histoire. Réveillons-nous pour la mémoire des Martyrs, camarades ! Et faisons de l’énergie intellectuelle, de la force de la réflexion, l’arme la plus redoutable contre le danger du négationnisme et du révisionnisme.

Confinés dans nos certitudes politico-idéologiques de la démocratie que nous croyions acquise ad vitam aeternam, nous avons omis d’être intransigeants sur le respect absolu de la Constitution de 1992. Un manque d’exigence qui, par notre faute collective, nous a rendus spectateurs indignés mais impuissants face aux entorses multiples perpétrées contre notre Loi fondamentale écrite du sang des Martyrs. Sachons-le, concitoyens ! La démocratie est la plus grande victoire que notre peuple a su, au prix de son sang, arracher des mains de la dictature. Consécration du Bien sur le Mal, le parapluie démocratique est le rempart le plus efficace que nous devons déployer contre la tentation de la confiscation tyrannique consistant à cloîtrer nos esprits, à étouffer notre parole et à entraver nos libertés. Alors, regardons enfin dans la même direction et œuvrons à l’unisson pour que renaisse, dans un délai concerté entre nous tous Maliens, la flamme salvatrice de cette Démocratie.

Le 26 mars 1991 a planté l’arbre des Espoirs dont les branches ont apporté à notre peuple l’ombre apaisante des libertés, le souffle vivifiant du multipartisme, les bourgeons judicieux de la libre entreprise et de la diversité économique, les fruits nourriciers de l’école pour tous. Le 26 mars a marqué pour notre nation la fin des ténèbres de l’autocratie et l’avènement de la lueur du « Mali pour nous ». Le 26 mars, idéal de solidarité, de justice, de péréquation des richesses, de paix, de tolérance, d’unité, de fraternité, de liberté dans toute sa plénitude et de vérité, est notre héritage commun le plus précieux. Le Président de la Transition l’a rappelé avec mérite, le samedi 26 mars, après avoir salué la mémoire héroïque des Martyrs de 91. Un geste de panache dont l’histoire lui saura gré.

La mémoire du 26 mars est comme une Bougie allumée dans le vent. Tellement flamboyante qu’elle peut nous servir à vaincre les démons de la division et à dissiper les ténèbres de la « Loi du plus fort ». Tellement fragile aussi qu’elle pourrait, si on n’y prendre garde, s’éteindre sous les coups des tourbillons de haines qui secouent notre patrie.

HAMIDOU KONATÉ  

Source: Les Échos-Mali

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