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Zimbabwe: l’éviction du vice-président, test de la mainmise de Mugabe sur le pouvoir

Le président Robert Mugabe contrôle d’une poigne de fer le Zimbabwe depuis près de quatre décennies, mais l’éviction de son vice-président Emmerson Mnangagwa, un de ses anciens fidèles, pourrait avoir des répercussions incontrôlables à l’approche des élections générales de 2018.

Robert Mugabe president zimbabwéen

Emmerson Mnangagwa a été humilié cette semaine après un bras de fer avec la Première dame, Grace Mugabe, qui se retrouve désormais en position idéale pour succéder à son époux âgé de 93 ans.

Ce départ forcé lundi d’un des lieutenants de Robert Mugabe a fait éclater au grand jour les rivalités au sein du parti présidentiel de la Zanu-PF, au pouvoir depuis l’indépendance en 1980.

“La situation actuelle est pleine d’incertitudes”, estime Piers Pigou, spécialiste du Zimbabwe au centre d’analyse International Crisis Group (ICG). “On entre en terrain inconnu.”

“Il semble que Mugabe soit prêt à éliminer des pans entiers (de la Zanu-PF) qui forment la base du soutien historique du parti (…) et ce afin de consolider sa position et le leadership à venir”, avance-t-il.

A peine tombé en disgrâce, Emmerson Mnangagwa, 75 ans, a fui le Zimbabwe pour l’Afrique du Sud, selon ses proches.

Mais celui qui entretient des liens étroits avec les militaires a promis de défier Robert et Grace Mugabe, les accusant de se prendre pour des “demi-dieux”. Il a assuré qu’il “reviendrait au Zimbabwe pour diriger” la Zanu-PF, qui n’est pas “la propriété personnelle” des Mugabe.

La réponse du régime ne sait pas fait attendre: quelques heures plus tard, il était expulsé du parti, qui tient son congrès en décembre.

A cette occasion, Grace Mugabe, une figure très controversée, pourrait être nommée au poste de vice-président désormais vacant.

“La grande question est de savoir ce qu’il va désormais advenir de Grace Mugabe”, actuellement présidente de la puissante Ligue des femmes de la Zanu-PF, insiste Piers Pigou.

Le rôle qui pourrait être confié à la Première dame, âgée de 52 ans, risque de menacer l’avenir de la Zanu-PF. Cette femme au tempérament de feu, connue pour ses goûts de luxe, compte de nombreux opposants au sein du parti et du gouvernement.

“C’est le début de la fin pour la Zanu-PF. On assiste à la destruction totale de l’héritage de Mugabe”, souligne l’analyste indépendant Dewa Mavhinga à l’AFP.

“Si Grace arrive au sommet, elle tombera parce qu’elle s’est fait beaucoup d’ennemis. Elle est dangereuse. La Zanu-PF pourrait être détruite de l’intérieur”, ajoute-t-il.

– ‘Mafia’ –

On ignore quelle pourrait être la prochaine manoeuvre d’Emmerson Mnangagwa. Mais le chemin pour accéder au pouvoir semble semé d’embûches.

“Ce sera très difficile pour lui de se présenter comme un démocrate (…). On ne peut pas être membre de la +mafia+ pendant une cinquantaine d’années et soudain la dénoncer”, fait remarquer Dewa Mavhinga.

M. Mnangagwa a joué un rôle clé dans les violences qui ont ensanglanté la présidentielle de 2008, remportée par le président Mugabe après le retrait de l’opposant Morgan Tsvangirai.

Il est aussi soupçonné d’être l’architecte des “atrocités de Gukurahundi” dans les années 1980, alors qu’il était ministre de la Sécurité. L’armée avait massacré quelque 20.000 dissidents dans la région zimbabwéenne du Matabeleland.

Aujourd’hui, “la balle est dans le camp de Mnangagwa mais que peut-il faire en dehors du parti ?”, se demande Piers Pigou.

La semaine prochaine pourrait être cruciale: les anciens combattants de la guerre d’indépendance, qui ont pris fait et cause pour lui, ont prévu d’organiser des manifestations anti-Mugabe à Harare.

Mais leur tenue reste incertaine, d’autant que toute forme d’opposition dans les rues de la capitale est habituellement réprimée par les forces de sécurité.

Le ministre de l’Enseignement secondaire, Jonathan Moyo, a prévenu le “fugitif” Mnangagwa qu’il pourrait être rattrapé par la justice.

“La justice a la main longue. Elle peut atteindre quiconque partout et à n’importe quel moment”, a-t-il menacé, affirmant qu’Emmerson Mnangagwa était recherché dans la disparition de 15 millions de dollars de revenus tirés de l’industrie diamantifère.

Selon le cabinet BMI chargé d’évaluer les risques et basé à Singapour, le risque d’un coup d’Etat militaire au Zimbabwe a diminué avec l’éviction d’Emmerson Mnangagwa.

Il table aussi sur une nouvelle victoire de Robert Mugabe à la présidentielle de 2018. Le chef de l’Etat a déjà été investi par la Zanu-PF en dépit de son grand âge et sa santé fragile. Il est aujourd’hui le plus vieux dirigeant au monde.

(©AFP / 10 novembre 2017 09h37)

 

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