Les formations politiques yéménites ont, à l’initiative des Nations unies, renoué dans la confusion lundi le dialogue sur une sortie de crise, après la prise du pouvoir à Sanaa par des miliciens chiites.
Peu après le début de la réunion, le parti nassérien (pan-arabe) a annoncé son retrait définitif du dialogue pour protester contre ces miliciens, appelés les Houthis. Ces deniers refusent selon lui de retirer la “Déclaration constitutionnelle” ayant formalisé leur coup de force.
En annonçant la veille “l’accord de toutes les parties” pour reprendre les discussions, l’émissaire de l’ONU au Yémen Jamal Benomar, avait averti que “le Yémen est à la croisée des chemins”, et exhorté les protagonistes à “parvenir à un consensus pour surmonter l’impasse politique”.
Ce pays, considéré comme Washington comme un allié dans la lutte contre Al-Qaïda, est plongé dans le chaos depuis la montée en puissance depuis juillet 2014 des Houthis.
-un premier accord, lettre morte-
Un précédent accord signé le 21 septembre sous les auspices de l’ONU, et prévoyant notamment le retrait des milices chiites armées de Sanaa, est resté lettre morte.
S’en est suivi un dialogue de sourds dont le dernier round était prévu samedi. Mais les Houthis en ont décidé autrement vendredi, en consolidant leur emprise sur le pays par une déclaration stipulant la dissolution du Parlement et l’installation de nouvelles instances dirigeantes.
Le Conseil des ministres saoudiens, réuni lundi sous la présidence du roi Salmane, a dénoncé la démarche des Houthis, la qualifiant de “coup d’Etat contre les autorités légitimes”.
Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a souligné pour sa part lundi que “La France insiste sur la nécessité de faire émerger rapidement une solution consensuelle avec l’ensemble des formations politiques yéménites, afin de mettre un terme à la crise et de relancer le processus de transition”.
Après son entrée dans la capitale en septembre, la milice armée issue de la minorité zaïdite a pris fin janvier le contrôle du palais présidentiel ainsi que les autres institutions de l’Etat, poussant à la démission le 22 janvier le président Abd Rabbo Mansour Hadi et le chef du gouvernement.
Alors que leur coup de force a été dénoncé par les principaux partis politiques, y compris par le parti de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, pourtant considéré comme leur allié, les Houthis ont poursuivi l’exécution de leur plan.
Ils ont ainsi formé à la hâte une commission de sécurité, incluant les ex-ministres de la Défense et de l’Intérieur du gouvernement démissionnaire, pour gérer les affaires du pays. Ce jusqu’à la mise en place d’un Conseil présidentiel chargé de former un gouvernement pour une période de transition de deux ans.
Dimanche, ils ont lancé un appel à candidature pour former un Conseil national de 551 membres, devant remplacer le Parlement dissous. Les députés sortants “ont le droit de faire partie de (ce) Conseil” et peuvent se porter candidats dans un délai expirant jeudi, a annoncé “le Comité révolutionnaire” de la milice chiite dans un communiqué.
-départ ‘irrévocable’ de Hadi-
L’agence officielle Saba, désormais contrôlée par les Houthis, a outre affirmé que M. Hadi avait indiqué à des visiteurs que sa démission était “irrévocable”.
Cette annonce intervient au lendemain d’une déclaration du général de l’ONU Ban Ki-moon qui a réclamé que le président Hadi soit “rétabli dans sa légitimité”, en s’inquiétant de la “détérioration” de la situation au Yémen.
Conscients de leur isolement interne après le rejet de leur coup de force, qui a suscité des manifestations hostiles et une mobilisation des tribus sunnites, les miliciens chiites ont menacé de sévir contre leurs détracteurs.
Le le ministère de l’Intérieur a annoncé dimanche l’interdiction des manifestations “non autorisées”, affirmant agir par crainte que les protestataires “ne soient la cible des combattants armés d’Al-Qaïda”. Cette crainte est régulièrement utilisée par les Houthis pour justifier leur coup de force.
Un collectif de jeunes, qui conduit les manifestations hostiles aux Houthis a mis en garde, dans un communiqué, les partis politiques contre la tentation de “légaliser le coup d’Etat” des miliciens chiites.