Face à la recrudescence des violences sur les espaces universitaires, se soldant très généralement par des morts et des blessés, les Recteurs de cinq (5) Universités du Mali conjuguent les efforts pour faire face à la situation et demandent aux autorités compétentes de jouer leur rôle en toute responsabilité. C’est pourquoi ils insistent sur la mise en œuvre des recommandations du Forum sur l’insécurité dans les établissements scolaires et universitaires, tenu en janvier 2018. L’information a été donnée lors d’une conférence de presse, le vendredi 23 octobre 2020, dans la salle de conférence du rectorat de l’Université des sciences et politiques de Bamako (USJPB).
Depuis des années les violences éclatent entre les étudiants dans les espaces universitaires. Majoritairement membres de l’Association des élèves et étudiants du Mali (Aeem), ces jeunes devraient normalement œuvrer à la défense des intérêts matériels et moraux des élèves et étudiants afin qu’ils puissent apprendre dans les conditions idoines et voire confortables.
Hélas, ces objectifs assignés à l’AEEM sont aujourd’hui foulés aux pieds, car les membres de cette association s’entretuent, non pas en raison de leur volonté d’apprendre, mais plutôt pour des questions pécuniaires. Aussi, il n’est pas rare de constater que certains membres de l’association sont manipulés par les politiciens et ont, donc, le sentiment d’être des intouchables, parce que protégés par ces derniers.
Face à cette situation qui n’a que trop duré, les premiers acteurs de 5 Universités, à savoir les recteurs, étaient face à la presse pour lire une déclaration adressée au nouveau ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Comprenant que ce dernier n’est pas hors du sérail car enseignant dans ces universités, ils espèrent qu’il pourra trouver une solution définitive à cette situation dangereuse pour les étudiants mais aussi pour les professeurs.
Selon le Pr. Moussa Djiré, entouré de 4 autres recteurs, depuis plusieurs années, leurs facultés et instituts sont devenus des champs de bataille entre les étudiants pour les postes de responsabilité au sein de leur organisation, l’AEEM. A ce jour, il n’y a pas une université qui soit épargnée par les actes de violences, car de 2012 à nos jours, presqu’une dizaine d’étudiants a été assassinée, rappelle le Recteur Djiré. Il révèle que des pistolets artisanaux, des machettes, des couteaux, des marteaux, des ceinturons, des gourdins, des barres de fer, des ciseaux, des tournevis, des lance-pierres, des bonbonnes de gaz neutralisant sont devenus les nouveaux outils des étudiants qui ont remplacé les stylos et les livres.
« Le crépitement des balles, le recours à des loubards qui n’ont aucune attache avec l’université font partie de la nouvelle donne dans la mise en place des comités AEEM et dans le choix des responsables de classes », peut-on lire dans la déclaration. Du point de vue des recteurs, souvent les administrateurs et les enseignants sont agressés verbalement ou physiquement de la part de certains membres du Comité AEEM. « La violence est devenue un principe régulateur d’une sorte de mode de gouvernance que l’AEEM veut imposer aux autres acteurs du système éducatif que sont les enseignants et les autres étudiants », expliquent-ils et d’ajouter que cela a pris des proportions très inquiétantes, voire mafieuses.
Les mesures à appliquer immédiatement
Ainsi, c’est fort d’une analyse lucide des questions de violence que les recteurs et tous les acteurs sollicitent et encouragent le ministre de tutelle, en collaboration avec ses homologues de l’Education nationale, de la Sécurité, de la Justice et de l’Administration territoriale, à prendre des mesures énergiques, rigoureuses et immédiates face aux violences dans l’espace universitaire. En effet, les recteurs proposent à court terme, la mise en œuvre des recommandations du Forum sur l’insécurité dans les établissements scolaires et universitaires, tenu en janvier 2018. Il s’agit entre autres, la mise à l’écart de l’AEEM de la gestion des parkings, des résidences universitaires, et autres œuvres sociales universités ; l’ouverture dans les meilleurs délais des postes de sécurité au niveau de la colline de Badalabougou; l’évacuation de tous les occupants non étudiants des résidences; la traduction en justice de tous les auteurs des récents crimes; le suivi, le contrôle et l’application de ces différentes mesures par les autorités universitaires et les forces de sécurité et enfin la mise en place d’une commission de réflexion sur le syndicalisme estudiantin.
Au-delà de ces points soulignés, les recteurs suggèrent la suspension de toutes les activités de l’AEEM dans tous les établissements scolaires et universitaires, au moins pendant la période de la Transition : «cette suspension devra être mise à profit pour engager une réflexion sur le syndicalisme estudiantin, l’accompagnement des élèves et étudiants dans la mise en place de nouvelles règles d’organisation et de fonctionnement de leur association, avec la participation de l’ensemble des partenaires de l’école».
De plus, ils estiment que l’éducation et violence ne pourront jamais marcher ensemble. « La refondation de l’État, que nous appelons de toutes nos forces, se réalisera d’abord à l’école, une École pacifiée, avec des étudiants disciplinés et studieux, soucieux de bien se former, pour eux-mêmes d’abord, leur famille et toute la nation malienne », indiquent-ils.
S.K. KONE
Source: Bamakonews