Au Mali, lorsqu’on parle de violences conjugales, on pense directement aux insultes et aux sévices corporels alors que le viol en fait partie.
Combien sont ces hommes et femmes qui gardent le silence sur les viols conjugaux dont-ils sont victimes ? Sûrement des centaines pour ne pas dire qu’il en existe dans presque toutes les familles maliennes. Notre société est très conservatrice et cette forme de violence filtre très peu. Et je pense que c’est l’une des formes les plus fréquentes des VBG Violences basées sur le genre (VBG) dans la société malienne.
Il y a des femmes qui sont aujourd’hui dans leur foyer et qui ont l’esprit hanté, ne sachant pas comment expliquer à un proche qu’elles subissent des viols. Car cela serait vu comme impossible et aussi comme un acte d’insoumission vis-à-vis de leur mari.
Ce que dit le code pénal malien sur le viol
Le code pénal, dans son article 226, définit le viol comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise. Là déjà, le code pénal va plus loin, parce qu’il met l’accent sur le consentement mutuel des partenaires.
Selon Maïmouna Dioncounda Dembelé, conseillère sur les questions de violences basées sur le genre, « le viol conjugal est une question de respect pour son/sa partenaire. L’acte sexuel est quand même sensé être quelque chose de consentant qui procure du plaisir aux deux partenaires. Quand ce n’est pas le cas, il y a viol. »
« Le linge sale se lave en famille »
En vérité, jusque-là, la question de la sexualité au sein d’un couple reste tributaire de la procréation. Du coup, la notion et l’aspect de violence sont mal perçus par les gens. Et même les personnes sensées les accueillir ne considèrent pas le viol conjugal comme une violence, encore moins les femmes elles-mêmes. Par conséquent, elles n’en parlent jamais. Il y a aussi le fait qu’on considère cela comme le linge sale qui doit être lavé en famille. Cela, beaucoup de femmes l’apprennent dès le bas âge. « C’est un sujet dont les victimes parlent peu, surtout les femmes, déjà qu’il n’y a rien de prévu par rapport à l’accueil qu’on leur fait au niveau de la police, de la justice ou encore des organisations par rapport à ce qu’elles disent », déplore Maïmouna Dioncounda Dembelé.
Par ailleurs, un autre problème demeure : dans la définition du viol conjugal, le nom de l’auteur n’apparaît pas.
Pour beaucoup, il est normal que l’homme oblige sa femme à faire l’amour, parce que cette dernière « a dit oui à son mari devant Dieu et les hommes ». Selon Kassim, enseignant, la femme doit tout le temps être disponible pour son mari, car l’Islam le recommande. « Je n’ai pas besoin du consentement de ma femme. Elle est à moi et j’ai le droit de la toucher à n’importe quel moment, et elle doit obéir et accepter. Ce n’est même pas à discuter. »
C’est un sujet presque tabou
Il faut relever qu’il est difficile d’avoir des témoignages, même si beaucoup affirment que cette forme de violence existe et est très courante. Mais, en parler, c’est comme prêcher dans le désert. Sadio, une commerçante, confie que sa sœur a vécu « ce calvaire qui s’est finalement soldé par un divorce ». Sadio dit être pratiquement la seule à la comprendre, parce que ses plaintes auprès de leur mère ont eu l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. Alors que « son mari voulait forcement avoir des rapports sexuels avec elle, même lorsqu’elle était indisposée. Souvent, elle se plaignait des lésions à l’entrecuisse. »
Sur les réseaux sociaux, il est aisé de se rendre à une évidence qui est que les gens ne sont pas près d’accepter qu’il s’agisse d’un viol. Le mariage est en permanence mis de l’avant, selon moi, comme couverture.
Briser le silence
J’ai échangé avec une amie sur le sujet sur Facebook. Ma surprise fut grande, lorsque je lui posais la question de savoir comment elle expliquait le silence des victimes, qui pourrait porter plainte contre leur partenaire.
« Comment est-ce possible d’aller porter plainte contre mon mari pour viol ? Cela n’a aucun sens surtout pour une croyante comme moi. Et, d’ailleurs, les gens diront que je suis devenue folle. Ou encore que je cherche un motif pour ne pas remplir mon devoir conjugal ou, pire, le moyen de divorce », m’a-t-elle répondu.
Il serait très utile de sensibiliser les victimes pour juste sortir du silence. Cela vaut aussi pour que les personnes qui sont censées les écouter et les soutenir au niveau communautaire et aussi au niveau des services de promotion sociale pour qu’elles puissent être assez ouvertes à la notion du viol conjugal. Les victimes n’en parlent pas parce que généralement parce que, quelque part, elles ont du mal à trouver d’oreilles attentives.
Il faut vraiment une sensibilisation afin que les victimes délient leurs langues. Sinon nous aurons toujours des femmes tabassées parce que c’est du viol conjugal que résultent beaucoup de violences dans un couple.
Dans une vie de couple, il y a des limites à ne pas franchir pour la stabilité du mariage. Et lorsque ces limites ne sont pas respectées, le mariage se transforme en esclavage et je pense qu’il serait important de créer un espace de dialogue pour déconstruire la perception de la virilité et du devoir conjugal.
benbere