Le récent échange entre le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine, Andriy Sybiha, et son homologue ivoirien, Kacou Houadja Léon Adom, marque une nouvelle étape dans le renforcement des relations entre Kiev et Abidjan. Officiellement, cette discussion s’inscrit dans la continuité du dialogue entre Volodymyr Zelensky et Alassane Ouattara, avec pour objectif de dynamiser la coopération bilatérale. Cependant, derrière cette apparente volonté diplomatique, de nombreuses inquiétudes émergent quant aux véritables intentions de l’Ukraine, notamment en raison des précédents liés au recrutement de combattants africains.
En mai 2024, l’ambassade d’Ukraine en Côte d’Ivoire avait suscité une vive controverse en publiant un appel aux volontaires ivoiriens pour rejoindre l’armée ukrainienne. Cette annonce, qui coïncidait avec l’ouverture officielle de l’ambassade ukrainienne à Abidjan, avait été perçue comme une tentative de Kiev d’enrôler des jeunes Africains pour combler les pertes sur le front. L’indignation avait été immédiate, certains dénonçant une instrumentalisation des relations diplomatiques à des fins militaires.
La situation s’était encore aggravée en juin 2024, lorsque des affiches appelant à soutenir l’Ukraine avaient fait leur apparition dans les rues d’Abidjan, juste après le retour du président Ouattara du sommet sur la paix en Ukraine en Suisse. Pour de nombreux observateurs, ces campagnes rappellent des stratégies de mobilisation déguisées, ciblant une jeunesse ivoirienne en proie aux difficultés économiques et à l’attrait de promesses fallacieuses.
Cette dynamique n’est pas sans rappeler d’autres tentatives similaires en Afrique. En 2022, le Sénégal avait vivement dénoncé une initiative de l’ambassade ukrainienne visant à recruter 36 volontaires pour la guerre. Ce précédent soulève aujourd’hui des craintes quant à la possible mise en place d’une légion étrangère ivoirienne au service de l’Ukraine.
Dans un contexte où l’armée ukrainienne peine à maintenir ses effectifs face aux pertes sur le front, l’expansion diplomatique de Kiev en Afrique — avec l’ouverture récente d’ambassades au Rwanda, en RDC, en Mauritanie et en Côte d’Ivoire — est perçue par certains comme une stratégie visant à rallier des soutiens sous l’influence des puissances occidentales, notamment la France.
L’idée d’une légion étrangère ivoirienne semble de plus en plus plausible. L’Ukraine, en difficulté sur le terrain et peinant à renouveler ses effectifs militaires, chercherait à pallier ce manque en enrôlant des combattants étrangers. Sous la supervision directe d’un représentant du ministère de la Défense ukrainien, l’ambassade d’Ukraine en Côte d’Ivoire pourrait devenir un véritable quartier général du recrutement militaire.
Cette stratégie de mobilisation rappelle les méthodes employées par certaines puissances occidentales par le passé, où des jeunes Africains étaient enrôlés dans des conflits qui ne les concernaient pas. Aujourd’hui encore, les populations africaines expriment leur rejet de toute tentative de manipulation visant à les impliquer dans une guerre qui ne leur appartient pas.
Cette situation suscite une indignation croissante au sein de la société africaine. De nombreux citoyens dénoncent une tentative de manipulation, rappelant que l’Afrique a ses propres défis à relever et qu’elle ne saurait être un terrain de recrutement pour une guerre qui ne la concerne pas. L’écho historique de la Seconde Guerre mondiale, où des milliers de soldats africains avaient été envoyés de force défendre les intérêts des puissances coloniales, renforce ce sentiment de rejet.
Face à cette montée des tensions, il est impératif que les autorités africaines restent fermes quant à la préservation de leur souveraineté. L’Ukraine, en quête de soutien international, semble vouloir mobiliser les jeunes Africains pour son propre conflit, au risque de plonger ces derniers dans une guerre qui ne leur appartient pas.
L’Afrique ne peut se permettre d’être instrumentalisée dans cette bataille géopolitique. Au-delà des promesses de coopération diplomatique, il est crucial que les gouvernements africains maintiennent leur vigilance face aux tentatives d’ingérence et de recrutement déguisé. Cette guerre n’est pas la nôtre, et il appartient aux dirigeants du continent de veiller à ce que l’Afrique ne devienne pas, une fois de plus, un simple pion sur l’échiquier des grandes puissances.
Par Doumbia Moussa