LE PAG PASSÉ AU CRIBLE PAR LE CNT
Un PM pas franchement convaincant
33, 87% de taux d’exécution en gros. De l’aveu du Dr Choguel Kokalla Maïga lui-même, c’est la notation chiffrée qui reflète au mieux l’état d’avancement dans la mise en œuvre de son Plan d’Actions Gouvernementales (PAG). Un chiffre qui démontre le peu de performance de la politique menée par le chef du gouvernement. Et qui illustre l’inefficacité de sa thérapie à redonner du tonus à un pays que lui-même qualifiait de « grand corps malade ». Un aveu d’insuccès qui n’a pas échappé aux membres du Conseil National de Transition, le jeudi 21 avril 2022.
Premier constat. Ceux et celles d’entre les citoyens qui étaient plutôt sceptiques voire dubitatifs sur le punch et la détermination du Conseil National de Transition à jouer son rôle de surveillant-censeur, ont été détrompés et rassurés. On va dire. Car, dans l’exercice de contrôle de l’action gouvernementale qui les a mis face à face avec le Premier ministre, les membres de l’organe législatif provisoire ont su se montrer des évaluateurs exigeants et pointilleux décidés à ne laisser nulle place du PAG où leurs mains ne passent et repassent. Ainsi, sans détours et sans complaisance, les honorables se sont fait les porte-voix des préoccupations, des doutes, des désillusions, des attentes et de l’impatience qui animent les Maliens. Le ton a été donné par Souleymane N. Diallo, le rapporteur de la Commission Loi. Lequel a lu une note introductive qui résonne comme une sévère notation de l’action du PM. « Lenteur dans les réformes, manque de respect du chronogramme dans la mise en œuvre du PAG, flou relatif à la réforme constitutionnelle… », l’honorable Diallo a relevé les multiples contre-performances qui entachent le bilan de Choguel Kokalla Maïga. Dans l’élan d’objectivité qui a porté son intervention, le rapporteur de la Commission des Lois a établi une observation des plus critiques : « Force est de reconnaître qu’en dehors du volet sécuritaire où nous enregistrons des résultats encourageants, les objectifs déclinés dans le chronogramme de juin 2021 à février 2022 ne sont pas atteints. » Pour Diallo, « les échanges avec la CÉDÉAO ne devraient en aucune manière constituer un facteur de blocage de notre processus de refondation. »
Preuve que les membres du CNT sont pleinement pénétrés de la situation peu luisante du pays et de l’anxiété des Maliens, la rhétorique complaisante n’était point de mise durant la séance. L’honorable Nouhoum Sarr, coutumier du franc-parler et du langage véridique, n’a pas usé de circonlocutions pour juger le bilan négatif du PM. « Monsieur le Premier ministre, le 1er août 2021, notre assemblée a validé votre plan d’actions. 8 mois après, ce plan est périmé […]. Vous n’avez réalisé que 30 % [de vos objectifs], soit 3/10. Une moyenne de renvoi si nous sommes à l’école. Monsieur le Premier ministre, de quoi avez-vous manqué que la nation n’a pas mis à votre disposition ? L’un des axes prioritaires de votre plan d’actions est l’amélioration de la bonne gouvernance. A ce sujet, il importe de rappeler que ceux qui luttent contre la corruption se doivent d’être irréprochables », a asséné Sarr qui s’est interrogé sur les scandales à répétition qui rythment l’agenda du gouvernement depuis des semaines : affaires scabreuses des Logements sociaux, opacité dans le dossier CANAM et recrutement suspect au niveau de la Police Nationale.
Deuxième constat. Choguel Kokalla Maïga, loin des ingrédients de sa rhétorique habituelle assaisonnée à la mayonnaise de l’autosatisfaction et de l’autocongratulation, a lui-même communiqué que son PAG était à un taux d’exécution globale de 33, 87%. Admettant « des insuffisances » (on comprend qu’il s’est épargné à lui-même le mot “ÉCHEC”), le chef du gouvernement s’est appesanti sur les succès militaires pour tenter de donner de l’éclat à son bilan. A-t-il pour autant convaincu son auditoire ? Visiblement, non. Car, l’évocation répétitive par le PM de « la crise du covid-19 », des « pratiques anciennes » et des « sanctions » du tandem CÉDÉAO-UÉMOA pour justifier les innombrables insuccès de sa politique, n’ont pas été des arguments imparables qui ont fait mouche dans la salle.
Troisième constat. L’exercice démocratique du jeudi 21 avril 2022 a été une séquence très suivie par les Maliens. Devant leurs télés ou tout ouïe à côté d’un poste-radio, de très nombreux citoyens ont écouté avec attention les différents propos, comme en écho à leurs aspirations et à leur ressenti collectifs. Nos concitoyens ont-ils été, eux, convaincus ou pas par les explications du PM ? Nous le saurons dans les heures à venir.
MOHAMED MEBA TEMBELY
Source: Les Échos Mali