A Chengdu, capitale de la province chinoise du Sichuan, travaille un médecin au parcours particulier. Issu d’une famille malienne spécialisée dans la médecine occidentale, Diarra Boubacar est le premier étranger titulaire d’un doctorat de médecine traditionnelle chinoise et fait du bénévolat en Chine depuis plus de vingt ans.
Aujourd’hui, il jongle entre son rôle de médecin en médecine traditionnelle chinoise et celui de formateur de personnel médical dans les montagnes reculées du sud-ouest de la Chine.
Après l’obtention de son diplôme en 1994, à l’Université de médecine chinoise de Chengdu, M. Boubacar s’est lancé dans un programme de bénévolat d’une organisation non gouvernementale (ONG) consacré aux villages reculés de la province du Yunnan. Depuis, dans le cadre de la coopération avec cette ONG, il a participé à des projets de bénévolat concernant la formation de personnel médical dans les villages et la prévention et la lutte contre le SIDA et la tuberculose, en parcourant les quatre coins de la Chine.
Parmi ses élèves figurent des personnes venues de diverses provinces, dont le Sichuan, le Yunnan, le Jiangsu, le Heilongjiang, le Hunan et le Qinghai. Certains élèves n’ont pas terminé leurs études primaires, ne savent pas écrire et ne parlent que le dialecte de leur région natale.
« Je tente de me faire comprendre le plus rapidement possible par les élèves de tous les niveaux », explique M. Boubacar. Bien qu’il maîtrise parfaitement le chinois ancien et le chinois écrit, il fait rarement des présentations au tableau et choisit des moyens d’enseignement ludiques, tels que des sketchs, le papier découpé et des objets concrets, afin d’expliquer les théories complexes de la médecine traditionnelle chinoise.
Certains de ses élèves viennent de départements provinciaux de la santé et d’instituts de médecine, d’autres sont « recrutés » par M. Boubacar lui-même. Il est allé dans un chantier du Yunnan et a passé toute une journée à chercher une femme qui avait abandonné ses études secondaires. Dans son village, elle était la personne possédant la meilleure éducation. Elle était donc la meilleure candidate pour être médecin de village.
« Etre médecin n’est pas facile, mais cela va résoudre ton problème de travail. En plus, il y a beaucoup de personnes atteintes de maladies gynécologiques dans le village, et on a vraiment besoin d’une femme médecin », lui a expliqué M. Boubacar. Ses propos ont finalement convaincu cette femme.
Récemment, la formation d’un médecin de village a failli lui coûter la vie. Début août, dans un village de Yushu, dans le Qinghai, à une altitude de plus de 3.700 mètres, M. Boubacar, âgé de 54 ans, a développé un oedème pulmonaire. Grâce à une bouteille d’oxygène, il a pu donner ses cours, mais il est tombé dans le coma après son retour à sa chambre d’hôtel. Un villageois est parvenu à le transporter à un hôpital du district après avoir traversé deux montagnes.
Marié à une habitante de Chengdu et père d’un garçon de 19 ans, M. Boubacar parle couramment le mandarin, le dialecte de Chengdu et comprend le cantonais. Il est aimé de la population locale en raison de son professionnalisme médical et de la bienveillance dont il fait preuve dans son travail comme bénévole.
« La planète est un village, et vous pouvez me considérer comme un médecin de village. Si chacun déploie des efforts dans son domaine, personne n’aura de gros problèmes dans ce village. Que ce soit la Chine ou le Mali, la nationalité ne représente pas grand chose », estime M. Boubacar.