Avec « Si loin de ma vie », l’écrivaine burkinabé livre le roman du « migrant », à travers le parcours de l’attachant Jeanphi.
Il s’appelle Jean-Philippe, mais on le surnomme « Jeanphi ». Il a grandi à Ouabany, un lieu qui n’existe pas, mais que l’on reconnaît : il se situe en Afrique subsaharienne, au Niger, au Mali, au Burkina Faso, au Sénégal – là d’où les jeunes gens rêvent de partir. « Parti pour réaliser mes rêves. C’était mon seul vœu, me donner une seconde chance. Tout le monde y a droit », déclare-t-il.
Histoires pétillantes
Au début de Si loin de ma vie, Jeanphi est obsédé par l’émigration. Son oncle, le chef du village, tente de le faire changer d’avis en lui parlant de ses racines. Un argument absurde, selon le jeune homme, qui préfère s’en remettre à l’une des histoires pétillantes dont son parent a le secret. « Lorsqu’on couche un poulet, qu’on lui pose un couteau sur le cou en lui disant par exemple : “Tu ne bouges pas, je vais au marché et au retour, je t’égorge”, le poulet ne bougera pas jusqu’au retour du marché et à sa mise à mort. Essayez, vous verrez. Moi, je ne suis pas un poulet. J’ai refusé de rester couché où le hasard m’a fait naître. » Là où ce refus l’a mené, on ne le découvre que plus tard, mais on sait d’emblée que son père en est mort de honte.
Avec Jeanphi, Monique Ilboudo a créé un héros spirituel et attachant. L’écrivaine, née en 1959, est également militante des droits de l’homme au Burkina Faso. Ses luttes servent de terreau à ses fictions. En 1992, elle publiait Le Mal de peau (Imprimerie nationale du Burkina ; rééd. Le Serpent à plumes, 2001), incarné par une femme burkinabée violée par un soldat blanc, et la fille née de ce crime. Huit ans plus tard, elle plaçait le génocide rwandais au cœur de Murekatete (Le Figuier). Dans Si loin de ma vie, elle creuse une question essentielle : pourquoi « cette quête commune », qui nous pousse……LIRA LA SUITE SUR lemonde.fr