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UEMOA : Les taux d’intérêt débiteurs appliqués à la clientèle peuvent-ils connaitre un fléchissement ?

A la faveur de la réforme de 1989-1993, le taux d’intérêt a été érigé en instrument pivot de la politique monétaire dans les pays de l’UEMOA, en droite ligne de la libéralisation des activités économiques, bancaires et financières et eu égard à l’impératif d’approfondir les marchés de capitaux de la zone et de les adapter aux mécanismes du marché.

 

Les conditions de banques applicables à la clientèle ont été libéralisées, à l’effet notamment de renforcer le cadre concurrentiel du marché du crédit et d’inciter les établissements de crédit, dans la limite des taux d’usure, à fixer librement leurs tarifs par référence au coût moyen réel de leurs ressources et à la qualité de leurs contreparties.

D’un autre côté, dans le but de protéger les petits épargnants, une réglementation minimale des conditions créditrices a été préservée. Il s’appuie sur un système de taux réglementés et applicables à certains produits d’épargne à hauteur d’un plafond déterminé. La rémunération des autres dépôts ou produits financiers est en revanche librement convenue entre les établissements de crédit et leurs clients.

Après trois décennies d’application, il apparaît que cette politique a encore besoin d’être approfondie afin d’assurer plus de transparence dans la facturation des services bancaires et financiers et, singulièrement, d’améliorer la sensibilité des conditions débitrices à l’évolution des taux directeurs de la Banque Centrale.

Dans la perspective de réduire le coût du crédit bancaire aux fins de relance de l’activité économique et subsidiairement une hausse du taux de financement de l’économie, la Banque Centrale a procédé à la baisse en 2014,du seuil d’usure des banques qui est passé de 18% à 15%et de 27% à 24% pour les systèmes financiers décentralisés (SFDcommunément appelés institutions de microfinance.

Toutefois, force est de constater que cet assouplissement n’a pas eu d’incidence marquée sur le taux de sortie des crédits dont le niveau est resté très élevé, probablement du fait d’une exagération dans l’appréciation des risques de contrepartie, en particulier s’agissant du financement de projets à moyen et long terme et de l’asymétrie d’information entre les institutions financières et leurs clients.

Aussi, une réduction du coût du crédit mérite-t-il une attention particulière afin d’accroitre la rentabilité et la compétitivité des activités économiques et de réduire l’exclusion financière.

  • Quelles pistes de solution pour un fléchissement des taux d’intérêt débiteurs ?

Dans un contexte d’élaboration et de mise en œuvre d’une stratégie régionale d’inclusion financière,le coût élevé du crédit constitue une préoccupation majeure des autorités monétaires, notamment au regard de l’impact mitigé des mutations profondes qui sont intervenues depuis plusieurs années dans le système financier (dynamisme et intensification de la concurrence dans le secteur bancaire, diversification des produits et services financiers offerts, développement des systèmes financiers décentralisés,  etc.).

Il est important de relever que la liberté des conditions de banques constitue un principe consacré par la réglementation libérale en vigueur au Sénégal et dans toute l’UMOA. Le contrôle de ses limites et notamment, le franchissement du seuil d’usure, relèvent de l’autorité de la Banque Centrale. Autrement dit, une banque peut fixer librement ses taux d’intérêt et autres conditions de banque applicables à la clientèle sans enfreindre la règlementation en vigueur, tant qu’elle ne franchit pas le seuil de l’usure fixé actuellement à 15% pour les banques et 24% pour les SFD.

Il apparaît indispensable de procéder à une analyse objective des déterminants des taux d’intérêt débiteurs. Des évolutions seraient souhaitables en vue de susciter l’harmonisation du mode de fixation des taux de base bancaires, d’améliorer la gestion de l’épargne contractuelle et de renforcer la publicité sur les tarifs ainsi que l’efficacité des systèmes de protection des usagers de services financiers contre les abus de même que les infractions à la réglementation et aux règles de la concurrence.

Dans cette dynamique, il serait envisageable de réfléchir sur une réforme du taux de l’usure à travers une modulation du seuil en fonction du secteur de l’économie et de la catégorie des opérations de crédit. Ainsi, ladite réforme pourrait être amorcée suivant un processus similaire à celui de la Banque de France. En effet, celle-ci publie tous les trimestres, pour chaque catégorie de prêt, un taux limite à ne pas dépasser. Ce taux est calculé sur la base des conditions pratiquées au cours du trimestre écoulé sur un échantillon d’établissements prêteurs.

La moyenne ainsi obtenue est alors majorée d’un tiers de sa valeur pour la détermination du taux de l’usure. Cette méthode présente l’avantage de la souplesse puisqu’elle permet une modulation du taux de l’usure en fonction du secteur de l’économie et de la catégorie des opérations de crédit.

Vu la liberté des conditions de banque, les leviers d’actions en vue d’impulser un allégement tendanciel des taux d’intérêt débiteurs devraient également porter sur la réduction des coûts de gestion des établissements de crédit et des ressources qu’ils collectent avec un recours à des stratégies innovantes de mobilisation des dépôts de la clientèle pour la rationalisation des coûts des services bancaires, l’optimisation et l’allègement des types de garanties et sûretés utilisées dans un contexte marqué par l’entrée en vigueur des mesures de Bâle 2 et Bâle 3 ainsi que la poursuite des campagnes de promotion de la bancarisation et de la concurrence.

Le respect du principe de liberté des conditions de banques amène par conséquent à orienter principalement nos recommandations vers le renforcement de la transparence du marché et la comparabilité des systèmes de tarification et la concurrence, en vue de l’amélioration de la qualité des prestations et d’une rationalisation progressive des prix des services bancaires et singulièrement des frais attachés aux services de base les plus courants.

Aussi, il faut se réjouir du début d’opérationnalisation du bureau d’information du crédit (BIC) qui constitue pour les établissements de crédit un outil d’analyse, d’évaluation et de gestion des risques, car leur permettant de prendre de meilleures décisions dans l’octroi des crédits, de réduire l’asymétrie d’information et d’augmenter le volume des crédits octroyés avec une amélioration de la qualité du portefeuille. Le BIC est donc un avantage certain pour les clients emprunteurs puisqu’il pourrait contribuer à améliorer l’accès au crédit avec de moindres exigences de garanties et par conséquent son utilisation optimale par les établissements de crédit assujettis pourrait davantage favoriser une réduction des taux d’intérêts débiteurs applicables.

Enfin, d’autres actions pourraient être envisagées. Il s’agit notamment du renforcement de la transparence de l’information sur le crédit et de la poursuite des efforts de diversification des produits financiers à travers la création d’établissements spécialisés de crédit-bail, d’affacturage, de fonds d’investissement et de sociétés de crédit mutuel.

Par Dr Aliou DIOP
Expert financier
dralioudiop@gmail.com

Lejecom

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