Le mardi 2 avril au soir, le monde entier apprenait par communiqué rendu public par l’Agence officielle algérienne (APS), la démission du Président algérien Abdelaziz Bouteflika de ses fonctions de Président de la République. Il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’avec cette démission, l’Algérie tourne la page de celui qui, depuis vingt (20) ans, a conduit les destinées du pays, bien sûr avec des hauts et des bas. Pour en arriver à cette démission, il aura fallu exactement 41 jours (du 22 février au 2 avril 2019) d’une contestation populaire inédite en Algérie, assortie de plusieurs injonctions de l’armée populaire. Pire, les Algériens ne comptent pas se satisfaire de ce seul acte de démission du Président Bouteflika. Ils estiment que ce n’est là qu’une première étape d’un changement radical de régime, tel qu’attendu par le peuple. Les slogans sont assez explicites : ‘’Il faut qu’ils partent tous. Il faut que le gouvernement parte. On n’attend pas que le départ de Bouteflika’’. Ce serait une lapalissade que dire, un tel changement radical dans l’appareil d’Etat algérien aura forcément et indubitablement des impacts sur le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali. Il est de notoriété publique que dans ce processus, c’est l’Algérie qui tient les rênes de la médiation et à cet effet, ce sont des personnalités de ce pays, à l’image de Ramtane Lamamra et Ahmed Boutache, des hommes clés du régime qui maitrisent le mieux les dossiers se rapportant à la mise en œuvre de l’Accord inter maliens d’Alger. Il n’est un secret pour personne que, de tous les pays protagonistes dans la résolution de la crise malienne, c’est l’Algérie qui s’affiche comme l’épicentre des activités et ce sont les dirigeants actuels de ce pays qui détiennent les dossiers les plus importants de cette crise. Un changement radical de régime en Algérie, en ce moment, va-t-il négativement impacter la mise en œuvre de l’Accord ? Deux scenarios sont envisageables de notre point de vue.
L’enlisement du processus
Au pire des cas, le processus d’Alger peut souffrir d’un enlisement dans sa mise en œuvre en tout cas au moins pour une période transitoire dont il est difficile de mesurer la durée. Avec le changement dans l’appareil d’Etat algérien, le processus de mise en œuvre de l’Accord d’Alger pâtira certainement d’un arrêt presque total des activités et cela ne contribuera qu’à compliquer davantage une situation déjà décriée pour sa léthargie. C’est un secret de polichinelle. Depuis la signature de l’Accord d’Alger, sa mise en œuvre n’en finit pas de trainer, en grande partie par la faute de la Coordination des Mouvements de l’Azawad qui s’illustre sans cesse par des tergiversations et autres manœuvres dilatoires. Ce sont les vrais gagnants qui mangent des deux mains dans cette affaire. Rien ne dit qu’ils ne poursuivent pas leur trafic de tous genres qui leur rapporte gros et ils sont les salariés de l’accord, logés et nourris dans de luxueux hôtels pendant que les pauvres au nom de qui ils prétendent lutter moisissent sous la chaleur du désert. On sait que par moments, la communauté internationale et le comité de médiation piloté par l’Algérie ont timidement élevé le ton pour rappeler à l’ordre les ex-rebelles touareg, pour leur léthargie dans le processus de paix. Nombreux sont les observateurs qui s’accordent à reconnaitre l’excellence des relations entre le Mali et l’Algérie et que cet ‘’embonpoint’’ diplomatique a surtout pour socle les comportements d’amabilité que les dirigeants des deux pays ont su faire montre dans leurs relations, tant publiques que privées. Mais avec le changement radical de régime politique, il est fort à craindre que cela n’ait des impacts négatifs notamment dans le processus de paix au Mali. Cette crainte est d’autant légitime quand on sait que, d’un côté l’Algérie est incontournable dans le processus de paix et de l’autre côté, c’est plutôt la CMA qui s’illustre le plus, par ses tergiversations. Les nouvelles autorités algériennes ne seront-elles pas tentées de faire droit aux desideratas des ex-rebelles touareg ? Ce questionnement vaut vraiment son pesant d’or quand on sait que la plupart des dirigeants ex-rebelles touareg et bon nombre de dignitaires kidalois ont la double nationalité malienne et algérienne. Au nom justement de cette nationalité algérienne, les nouvelles autorités de ce pays ne seront-elles pas tentées de privilégier les positions des ex-rebelles touaregs par rapport aux autres protagonistes signataires de l’Accord ? Quoi qu’il en soit, la balle est dans le camp de la communauté internationale qui doit faire beaucoup attention pour que, face à ce changement de régime politique en Algérie, le processus de paix au Mali ne puisse pas porter des stigmates dudit changement. Au plan de la sécurité, il est de notoriété publique que durant ces quelques dernières années, bien qu’elle ne fût pas partie du G5-Sahel, l’Algérie a néanmoins déployé d’énormes efforts pour sécuriser ses frontières, notamment celles qu’elle partage avec le Mali. Toute chose qui a fondé bon nombre d’observateurs à affirmer que l’excellence des relations entre le Mali et l’Algérie se mesure à l’aune des relations personnelles et individuelles entre les dirigeants maliens et algériens. C’est à juste raison que d’aucuns se demandent si cette cordialité entre dirigeants maliens et algériens restera toujours de mise avec l’avènement d’une nouvelle classe politique dans le pays de Bouteflika. En tout cas, la question taraude les esprits et du coup certains citoyens maliens pessimistes se convainquent que, quoi qu’il en soit, le processus de mise en œuvre de l’Accord d’Alger connaitra un coup d’arrêt, ne serait-ce que momentanément, dès lors qu’un changement radical de régime intervient en Algérie.
Le processus de paix va enfin s’accélérer
Cet accord de paix signé entre Maliens sous le parrainage de l’Algérie n’est pas le premier du genre. Le premier signé dans les années 1990 et qui avait donné lieu à une gigantesque cérémonie dite la flamme de la paix avait volé en éclats à la surprise générale. A la seule différence avec cet autre accord, qu’il n’avait pas été parrainé en plus par la communauté internationale. Et certains des signataires dudit accord qui n’ont pas encore renié leur signature et restés depuis lors loyalistes, continuent de s’illustrer toujours en faiseurs de paix. Pourquoi le précédent accord n’a pas tenu longtemps ? Il faut justement douter de la sincérité de certains caciques du régime en voie de déconfiture qui tirent profit du chaos au Mali. L’azawad malien est vaste nomans’land très propice au trafic de tous genres : armes, cigarettes, drogues, européens etc. L’entourage du président algérien est honnis par les Algériens pour la bonne raison qu’il faisait main basse sur les ressources du pays et certainement instrumentalisent les preneurs d’otages et autres trafiquants qui écument le Sahara. Où se réfugie Iyad Ag Ghaly ? De sérieux accointances existeraient entre lui et des officiers algériens qui le protègent pour leurs propres intérêts. L’Algérie est soupçonnée d’être l’arrière-cour où se retranchent les terroristes maliens à chaque fois qu’ils sont traqués par Barkhane et les FAMA. Aussi, l’avènement de ce nouveau régime qui veut faire table rase du passé pourrait faire la lumière sur pas mal de troubles dans ce pays que l’entourage du président sortant entretient, quitte à ternir l’image de leur pays. Le dossier des rebellions cycliques au Mali pourrait connaitre enfin un regain de vitalité pour le renouveau des relations franches de bon voisinage. Par ailleurs, si la paix est vraiment une aspiration profonde des Maliens, ce n’est pas le changement de régime politique du parrain qui va remettre en cause leur volonté de développer leur pays dans la paix.
Flani Sira
Source: Notre Voie