Le dimanche 27 février 2022 devait être la date du 1er tour de l’élection présidentielle censée marquer l’arrivée à destination du train de la Transition. Il n’en a rien été. L’évolution de la situation sociopolitique a rendu l’échéance « impossible à respecter » ou « indésirable à tenir ». Tout dépend du bord politique sur lequel les différents acteurs se situent. De quoi sera alors fait l’avenir électoral ? Un chronogramme verra-t-il bientôt le jour ? Ou bien faudra-t-il s’en remettre aux calendes grecques pour pouvoir de nouveau glisser un bulletin dans l’urne ?
Normalement, en ce lundi 28 février, il aurait dû régner sur Bamako et les autres grandes villes du pays une ambiance triplement mêlée de suspense aigu, d’espoir fébrile et d’effervescence médiatique. Dans l’esprit de tous et chacun, fervents adeptes du suffrage universel comme partisans de l’abstentionnisme, il y aurait eu une pensée principale ainsi libellée : qui et qui vont donc arriver en tête du dépouillement des urnes et s’affronter au second tour ?
Bien sûr, comme pour AOK et TMK, ainsi qu’il en a été pour ATT et Soumi Champion, ou encore IBK et toujours SOUMI ; les pronostics seraient allés bon train. Et, les réseaux sociaux se mêlant à la danse, la toile aurait vibré en mille et une fakes news sur les prétendus « résultats provisoires » dont les supporters des candidats divers auraient inondé Facebook ou WhatsApp. Les soutiens du candidat X l’auraient forcément déclaré « en tête » avant l’heure. Immédiatement, à grands coups de tweets et de post contradictoires, les partisans d’un tel ou tel autre compétiteur politique Y se seraient empressés de crier à « la désinformation » et de proclamer eux-mêmes à leur tour leur favori comme « no1 » du 1er tour.
Mais, tous ces scénarii appartiennent maintenant à la fiction. Car, le 1er tour de l’élection présidentielle, qui devait se tenir le dimanche 27 février, conformément au deal passé entre le colonel Assimi Goïta et la CÉDÉAO, n’a, bien sûr, pas eu lieu. En raison de ce que tout le monde sait, comprendre : l’impasse entre les autorités maliennes et les dirigeants de la sous-région quant au délai de la Transition ; le train made in Mali de l’aventure électorale ne quittera pas de sitôt la gare « transitoire » où il stationne depuis deux ans.
Pourtant, il va bien falloir que ce train se décide à huiler son mécanisme électoral et à mettre son moteur en mouvement vers des horizons rapprochés de « retour à l’ordre constitutionnel ». Mais, quand verra-t-on la locomotive repartir de la gare de Transition ? C’est la question à laquelle tous les exercices de la mathématique diplomatique peinent à trouver réponse pour le moment. Des élections dans 12 mois, 16 mois, 2 ans ou même 5 ans ? Rien de prometteur, pour l’heure, ne se dessine à propos d’un chronogramme électoral sérieux.
Malgré une reprise de discussions dites « constructives » entre frères brouillés maliens et sous-régionaux, aucun signe ne présage d’un accord rapide ouvrant la voie royale à des scrutins dans un demain proche. Car, bien que chaque acteur de la crise malienne jure, la main sur cœur, « amour et fidélité » au vote, il est clair que Koulouba… plutôt Kati et la CÉDÉAO divergent profondément sur la cadence à suivre. Les chefs d’Etat de la sous-région poussent de toutes leurs forces pour que le train s’ébranle à l’allure d’un TGV. Or, le pouvoir malien veut « se hâter lentement » et aller à « un train de sénateur ».
Pour les uns, qui n’ont pas hésité à déclencher l’artillerie des sanctions, toute la gloire du triomphe démocratique réside dans la rapidité à manier l’embrayage de la boîte à vitesse du suffrage. Pour les autres, brandissant à l’envi l’argument de « la Refondation », le maître mot est : « Rien se sert de courir. Il faut partir à point. »
En attendant une hypothétique fumée blanche annonciatrice de compromis entre Maliens et amis de la CÉDÉAO, les élections attendront donc. Forcément. Mais, si, en fait de gouvernance, « il faut donner du temps au temps », l’Histoire nous enseigne aussi qu’il est toujours une grande erreur de calcul que celle qui consiste à renvoyer une échéance aux calendes grecques.
MOHAMED MEBA TEMBELY
Source: Journal les Échos- Mali