Le premier conseil des ministres de la team Ouane N°1 s’est tenu ce 9 octobre 2020, sous la présidence de Bah N’Daw, président de la Transition, chef de l’État. Conformément à la tradition républicaine, le conseil était consacré à la lettre d’orientation du président au gouvernement. Dans le pur style martial, au regard des urgences et des défis qui sont ceux de la Transition, le président N’Daw n’a pas tenu à trop sacrifier à la coquetterie républicaine. Dans un protocole des plus sommaires, après avoir félicité les ministres pour la confiance placée en eux, le président de la Transition est allé droit au but. Chacun autour de la table du conseil a été pris en fonction de son potentiel et de ce que la nation attend de lui. Donc, pas de dispersion ni de divagation inutile, les populations ont des attentes légitimes, le pays a des exigences incontournables et des urgences incompressibles. Aussi, le président Bah N’Daw a-t-il expliqué aux ministres que la Transition ne pouvant tout faire en 18 mois, se doit de s’occuper de l’essentiel, des dossiers prioritaires : la restauration et la consolidation de la sécurité, de confiance et de la réconciliation, la mise en œuvre des résolutions du DNI et la tenue des élections.Dans le pragmatisme militaire, le président de la Transition a demandé aux ministres des résultats concrets et immédiats et au PM d’évaluer son équipe sur la performance et au quotidien. Autrement dit : tu n’es pas bon, tu es viré ; tu déconnes, tu es viré…
Voici sa lettre de cadrage appelée par innovation lettre d’orientation
LETTRE D’ORIENTATION DU CHEF DE L’ÉTAT, SEM BAH N’DAW, AU PREMIER MINISTRE ET AU GOUVERNEMENT DE TRANSITION
Monsieur le Vice-Président,
Tout en vous souhaitant la bienvenue dans l’architecture institutionnelle de la Transition et anticipant une excellente collaboration entre la Présidence et la Vice-Présidence, vous me permettrez d’adresser, en votre nom et en le mien, nos vives félicitations au Premier ministre, Chef du gouvernement. Sa nomination le 27 septembre 2020 n’est pas indifférente.
Elle constitue un jalon, en ce tournant capital de notre évolution en tant qu’État. Nul doute qu’il est le premier à en être conscient.
Monsieur le Premier Ministre, Chef du gouvernement,
Le choix porté sur votre personne se justifie amplement. Il s’explique par votre riche carrière qui vous aura permis d’acquérir une solide connaissance de l’administration publique et des arcanes de la diplomatie. Ce sont autant d’atouts décisifs en ce temps où notre réussite collective dépend de notre aptitude à négocier, notre volonté d’aller au consensus et notre capacité à nous rassembler.
Je ne doute pas qu’en homme de missions, vous avez pris l’exacte mesure de la responsabilité qui est désormais vôtre.
Le pays demande des résultats et nous lui avons promis des résultats.
Votre gouvernement doit donc se mettre immédiatement à la tâche. Vous lui avez fixé le cap le mardi 06 octobre lors du premier conseil de cabinet que vous avez tenu avec les ministres.
Le gouvernement est sous votre autorité, votre entière autorité. Évaluez-le de manière régulière, méthodique et rigoureuse. N’ayez aucune tolérance pour l’insuffisance de résultats, le manque de solidarité gouvernementale, l’inobservance des règles de la comptabilité publique ! Là-dessus, vous aurez tout mon soutien !
Mesdames et messieurs les Ministres,
À vous toutes, à vous tous, il me plaît de réitérer mes chaleureuses félicitations. Votre choix est dû à vos compétences propres ainsi qu’à votre engagement à tirer le Mali vers le haut. Cette tâche sera ardue. Mais la mission est noble et exaltante.
La Charte Nationale et la feuille de route de la Transition issues de la grande concertation qui a rassemblé les Maliens les 11, 12 et 13 septembre dernier, balisent notre chemin. Nous avons donc des missions précises.
Notre pays doit renouer avec la pleine légalité constitutionnelle, avec un président de la République élu dans les délais prescrits, et si possible avant.
Le grand bond en avant est également indispensable dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Nous le devons à ce pays qui nous a fait confiance et nous le devons aux centaines de soldats, maliens comme des forces alliées, tombés au front ainsi qu’à la mémoire de nombreux civils disparus.
Il nous incombe dans le même temps, de promouvoir une saine gouvernance de nos ressources financières.
Le Mali doit enfin jeter les bases d’une refondation nationale devenue nécessaire sur bien des plans afin de mieux asseoir le vivre ensemble, mettre sa jeunesse au travail, revaloriser son école et sa santé.
Monsieur le Premier ministre, Chef du gouvernement,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Tout cela, nous devons nous y attaquer en dix-huit mois. Il y a ce que nous devons réaliser entièrement, car c’est l’essence de la transition. Je veux parler des élections générales (référendaire, présidentielle et législatives).
Chaque pas que vous posez doit davantage rapprocher le Mali de l’échéance d’élections organisées dans la transparence, dans la régularité, dans le respect des textes et instruments qui régissent les élections, j’allais dire dans le respect scrupuleux des normes démocratiques afin que les vaincus félicitent les vainqueurs.
La fâcheuse tradition des crises post électorales doit désormais être un vieux souvenir pour ce grand pays qui est capable de relever chacun de ses défis.
Faites-en sorte que tous les textes qui doivent être relus le soient. Faites-en sorte que le fichier électoral ne soit plus source de controverses et de divisions, mais au contraire l’objet d’un consensus vérifié.
Faites-en sorte que le coût des élections soit conforme aux maigres moyens d’un pays en guerre contre le terrorisme, la maladie, la faim, la pauvreté !
Faites-en sorte enfin que la Transition soit le plus neutre possible entre les candidats et veillez à l’application correcte du code électoral !
Mais même tenir ces élections, il est des missions qu’il nous incombe de continuer, voire de renforcer.
La sécurisation et la stabilisation du territoire national est de celles-ci. Il vous faudra, prêter une attention particulière à cette question.
Depuis huit ans, nous sommes en guerre. C’est une guerre que nous n’avons pas voulue. Mais il n’y a pas d’autre choix que de la faire, de la faire sans faiblir, de la faire quoiqu’il nous en coûte.
Les moyens de nos forces de défense et de sécurité méritent d’être renforcés.
En même temps, les faiblesses au niveau de la stratégie doivent être corrigées et les failles humaines combattues. L’ennemi est connu et le vaincre est possible. À défaut de gagner tout de suite, cette guerre que je sais de longue haleine, nous devons remporter des victoires rassurantes.
Dans le temps qui nous est imparti, nous devons extirper de nos rangs les soldats qui ne font pas honneur à la tenue. Les exactions contre les civils, je reviens là-dessus, ne peuvent être que combattues. Leurs auteurs doivent être recherchés et jugés. L’armée doit assurer et rassurer le peuple. Elle n’a pas d’autre vocation.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,
La dimension politique de la grave crise que traverse notre pays ne peut être passée sous silence. À cet effet, la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation doit être redynamisée sans tarder autant que doivent être encouragées les initiatives concourant au retour de la paix et du vivre ensemble au Centre du Mali. La paix est le but, tout le reste doit concourir à l’atteindre et à la préserver.
Notre crise multiforme appelle, tout le monde en convient, une refondation de l’État.
La transition sera trop courte pour voir aboutir les réformes que cette refondation implique. Mais l’Etat est une continuité et une grande part du travail est faite, comme les travaux du Dialogue National Inclusif le démontrent.
J’ai promis l’opérationnalisation des mécanismes de suivi de la mise en œuvre des recommandations de cet important Forum qui a été salué comme un grand moment de notre Histoire.
Je vous saurai gré de la diligence avec laquelle, cette promesse sera réalisée.
Monsieur le Premier ministre,
Le Vice-Président et moi-même attachons le plus grand prix à l’exécution diligente des missions de la Transition.
Efficacité sans aucun doute, mais probité également. La probité n’est pas négociable et elle s’impose à nous tous pour relever le défi du Mali renouveau que les Maliens attendent.
Notre honneur est dans notre intégrité. L’avenir de la jeunesse malienne est dans notre intégrité. Le destin du pays est dans notre intégrité. Il n’y a aucune possibilité pour moi de transiger sur cet impératif.
Aucun d’entre nous ne sera au-dessus de la loi. Notre seule raison d’être est de travailler à satisfaire notre peuple.
C’est le serment que j’ai prêté. Je n’y dérogerai pas.
Chaque centime de ce peuple doit être judicieusement utilisé et je veillerai à ce qu’il le soit. Utiliser rigoureusement les deniers publics, c’est aussi réajuster le train de vie de l’État.
Le combat contre le fléau de la corruption se fera sans concession aucune. Elle doit se faire d’abord par notre propre irréprochabilité en tant que dirigeants. Mais elle doit se faire également, à travers les réformes systémiques. Il est de ce fait nécessaire que le gouvernement puisse avancer sur certains chantiers évoqués dans les journées de concertation nationale plus récemment et au cours de forums antérieurs.
L’imprescriptibilité du crime d’atteinte aux deniers publics est un de ces chantiers, de même que la lutte acharnée contre l’impunité et la suppression du privilège de l’immunité lorsque les deniers publics sont en cause. C’est à ce prix que la morale publique sera restaurée et que l’avenir de la nation majeure que nous sommes sera sauvé.
À vous toutes, à vous tous, bonne mission et que Dieu veille sur le Mali !
Bamako, le 9 octobre 2020
SEM BAH N’DAW
Président de la Transition, Chef de l’État
Source : INFO-MATIN