Raphaël Granvaud et David Mauger viennent de publier un ouvrage intitulé Un pompier pyromane aux éditions Agone. Un ouvrage dans lequel les deux auteurs font des révélations sur le rôle de la France dans l’arrestation de Gbagbo.
« Pendant les années Gbagbo, la France n’est pas intervenue en Côte d’Ivoire pour résoudre la crise, mais au contraire pour l’aggraver ». C’est en substance la thèse soutenue dans cet ouvrage.
Une semaine avant la reprise des audiences du procès de Gbagbo devant la CPI, le 1er octobre, Raphaël Granvaud a répondu aux questions de Christophe Boisbouvier.
Raphaël Granvaud « Selon la version officielle, la France est intervenue avec l’opération Licorne pour des buts humanitaires et de manière complètement impartiale. Or ce qu’on démontre dans le livre, c’est que la France n’était pas du tout un arbitre neutre, mais au contraire un acteur de la crise et un acteur très engagé avec une volonté très ferme d’en finir avec le régime Gbagbo et des accointances qu’on a pu documenter à partir de plusieurs indices de complicité avérée avec la rébellion.»
En avril 2011, l’armée française est le fer de lance de l’opération militaire qui renverse le régime de Laurent Gbagbo. Pourquoi écrivez-vous que l’armée française a violé de façon évidente les résolutions de l’ONU ?
« C’est le même mécanisme qui s’est joué en Libye. C’est-à-dire que, sous couvert de protéger les civils, on a demandé une résolution du Conseil de sécurité qui permettait d’intervenir.»
« Et on a pris prétexte de cette résolution pour bombarder purement et simplement les moyens militaires de Laurent Gbagbo et permettre aux rebelles ralliés à Ouattara de gagner l’intérieur d’Abidjan, puis ensuite de même les accompagner jusqu’à la résidence de Laurent Gbagbo, où ils ont pu ensuite le capturer. Donc ce n’était évidemment pas le sens des résolutions de l’ONU.»
Vous expliquez l’aversion des Français à l’égard de Laurent Gbagbo à cause notamment des intérêts économiques de la France en Côte d’Ivoire. Mais pour autant, est-ce que le marché des matières premières de Côte d’Ivoire n’a pas échappé à la France dès cette époque-là ?
« En partie effectivement, dans le cacao il y a des intérêts américains qui sont très présents depuis cette période. Cela dit, la France conserve une part prépondérante dans l’économie ivoirienne. Quelques grands groupes comme Bolloré, Bouygues et quelques autres se taillent encore des parts importantes du marché. Et, par ailleurs, il n’y a pas que des intérêts strictement économiques. Il y a véritablement des intérêts stratégiques à l’échelle de toute la région. »
Source: le Monde