Dimanche, 8 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour élire le prochain président de la République malienne. Six points pour comprendre ce scrutin attendu.
C’est un scrutin attendu et redouté. Dimanche 29 juillet, les Maliens iront aux urnes pour élire leur futur président de la République. Le contexte sécuritaire demeure instable, tandis que l’opposition a récemment fait monter la pression en dénonçant une « vaste tentative de fraude ». La campagne électorale, ouverte le 7 juillet, vient de se clore.
A la veille du premier tour, voici six points pour comprendre les enjeux de cette élection majeure, dont l’issue est très incertaine.
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24 candidats, 8 millions de votants
L’élection du futur président incombe à quelque 8 millions de votants. Pour accueillir les électeurs, 23 041 bureaux de vote sont répartis sur l‘ensemble du territoire. Depuis le précédent scrutin présidentiel de 2013, les deux favoris n’ont pas changé.
D’un côté, l’actuel président, Ibrahim Boubacar Keïta (dit « IBK »).
De l’autre, Soumaïla Cissé (dit « Soumi »), chef de file de l’opposition.
En 2013, Ibrahim Boubacar Keïta, candidat du Rassemblement pour le Mali (RPM), avait été plébiscité au second tour avec 77,6 % des voix face à Soumaïla Cissé. Cette année, le candidat de l’Union pour la République et la démocratie (URD) espère inverser la tendance.
Vingt-quatre candidats sont en lice pour ce scrutin, qui est pour beaucoup d’entre eux, dont « IBK » et « Soumi », l’élection de la dernière chance. Dix étaient déjà sur la ligne de départ en 2013.
Preuve de l’effritement de la majorité présidentielle, selon l’opposition, sept anciens ministres d’Ibrahim Boubacar Keïta et un ancien ambassadeur figurent parmi les compétiteurs. Mais l’émergence d’un front anti-Ibrahim Boubacar Keïta en cas de second tour n’est pas garantie, tant l’opposition semble divisée.
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Une campagne sous le signe de l’insécurité
Contrairement à 2013, où la campagne s’était déroulée « dans le calme, sans incidents », selon la mission d’observation de l’Union européenne, celle de 2018, entamée le 7 juillet, a été plus mouvementée.
Le 20 juillet, la coalition de groupes armés GATIA-MSA a rapporté « l’exécution sommaire de plus de vingt personnes » par des hommes armés aux environs de Menaka, dans le nord-est du pays. Deux jours plus tard, dans le Centre, un soldat était tué dans une embuscade tendue par des terroristes dans la forêt de Soumouni, selon le ministère de la défense. Une attaque au cours de laquelle onze djihadistes auraient été tués par l’armée.
Toujours dans le Centre, le 23 juillet, l’aéroport de Sévaré a été la cible de tirs d’obus lors d’une attaque djihadiste présumée, qui n’a pas fait de victimes. Le lendemain, une partie de la population de Tombouctou se révoltait contre les actes de banditisme dont elle serait victime, accusant les Arabes d’en être les auteurs.
Le même jour, au sud de Mopti, huit personnes ont été tuées dans l’explosion d’une mine. Des incidents qui, à la veille de l’élection, ont fait monter la tension.
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Abstention élevée attendue
C’est une habitude au Mali. Depuis l’avènement de la démocratie, en 1992, moins d’un Malien sur deux s’est déplacé lors des cinq scrutins présidentiels. La dernière élection, en 2013, avait cependant été particulièrement suivie, dans un contexte post-coup d’Etat qui avait ébranlé la République, quelques semaines après le déclenchement de la guerre dans le nord du pays. En 2013, le taux de participation était d’environ 49 % au premier tour, et de près de 46 % au second.
Mais cette année, l’insécurité pourrait faire grimper davantage l’abstention dans le Nord et dans le Centre. Pour sécuriser cette élection sous haute tension, 30 000 éléments des forces de défense et de sécurité seront déployés, selon le ministère de la sécurité.
Dans le Nord, les groupes armés signataires aideront les forces étatiques, mais dans le Centre, la sécurisation du scrutin sera à la seule charge de l’Etat.
La région de Mopti, qui représente près de 13 % de l’électorat, est la plus instable du pays. Entre 2016 et 2017, les incidents liés à la sécurité y ont été multipliés par trois, selon l’ONU. Une dégradation de la situation sécuritaire qui se confirme en 2018, avec au moins 43 civils tués entre avril et juin, dans le centre du pays.
Dans ces conditions, les électeurs prendront-ils le risque de se déplacerpour aller voter ?
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Risques de fraude
Pas si sûr. Une partie de l’opposition craint que les zones insécurisées du Centre soient des foyers potentiels de fraude. Selon le ministère de l’administration territoriale, à la date du 25 juillet, 72,9 % des 8 millions de votants avaient retiré leur carte d’électeur.
Les taux de retraits, supérieurs à la moyenne dans les zones qui concentrent pourtant l’insécurité — savoir Mopti (74,7 %), Gao (86,5 %), Tombouctou (79,6 %) et Kidal (81,4 %) —, ont été jugés suspects par plusieurs observateurs et candidats.
Selon les données de la direction générale des élections (DGE), ces quatre régions représentent près de 22 % de l’électorat total attendu aux urnes ce dimanche.
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La polémique autour d’un fichier électoral parallèle
Les soupçons de fraude sont au centre de l’attention depuis la déclaration fracassante de l’URD, le 20 juillet. Le directoire de campagne de Soumaïla Cissé avait alors annoncé l’existence d’un supposé fichier électoral parallèle, mis en ligne sur le site de la DGE.
Différent du fichier électoral audité par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), ce supposé fichier contiendrait notamment 275 761 doublons d’électeurs. Une « vaste tentative de fraude », selon l’URD.
La DGE, chargée de la gestion du fichier électoral, a reconnu une « erreur informatique », qui serait corrigée avant l’élection. « L’Agetic [Agence des technologies de l’information et de la communication] est en train d’apporter les corrections qu’il faut, a assuré Sidi Mohamed Diawara, conseiller spécial du premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga.
Selon lui, il y a un seul fichier électoral, et cette erreur informatique n’aura aucune incidence sur le scrutin et sur ses résultats : « La compilation des résultats sera faite sur la base des votes exprimés par les personnes qui figurent sur les listes des bureaux de vote. Ces listes ont été établies à partirdu fichier audité par l’OIF. Tout ça n’influe donc en rien sur le vote de dimanche. »
Après avoir reçu une quinzaine de mandataires des candidats à l’élection, le 26 juillet, le premier ministre a proposé une nouvelle rencontre, cette fois-ci avec les candidats, dont l’objet est d’entendre les propositions de l’opposition pour aller à l’élection de manière apaisée. Plusieurs d’entre eux s’y sont rendus le 28 juillet.
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Résultats et recours
Selon la loi électorale, les résultats provisoires doivent être proclamés « dans les cinq jours qui suivent la date du scrutin », soit le 3 août, dernier délai. Un laps de temps que les candidats peuvent utiliser pour souleverd’éventuelles irrégularités auprès de la Cour constitutionnelle, chargée de proclamer les résultats définitifs.
Les candidats pourront également déposer un recours dans les quarante-huit heures suivant la proclamation des résultats provisoires. En 2013, onze plaintes avaient été déposées, toutes rejetées. Le second tour est prévu le 12 août.
Source: lemonde