La relance touristique est depuis quelques années l’objectif affiché par les autorités et les acteurs du secteur. Un ambitieux programme, qui veut s’appuyer sur la diversification et la relance de l’offre domestique. Mais réorienter les investissements dans des zones où souvent même la politique de développement touristique reste à définir et convaincre une clientèle nationale peu sensible au tourisme local sont les défis majeurs que doivent relever les acteurs, dans un secteur où les atouts sont pourtant nombreux.

« L’objectif est de diversifier l’offre touristique du Mali. Nous avons pensé à développer de nouvelles possibilités de découverte au niveau des régions de Sikasso, Koulikoro, Ségou et Kayes. Il s’agit de valoriser les attraits touristiques de ces régions pour aboutir à une situation de fréquentation pour rediriger le flux touristique », explique M. Sidy Keita, Directeur général de l’Agence de promotion touristique du Mali (APTM), Mali Tourisme.

Ce flux touristique était auparavant essentiellement orienté vers les régions de Mopti et celles du Nord du Mali, aujourd’hui affectées par la crise sécuritaire et fortement déconseillées par les chancelleries internationales.

Trouver une alternative

Face à la désaffection de la destination Mali par la clientèle internationale, les autorités en charge du secteur touristique se tournent vers « une clientèle à portée de main », capable de relancer la consommation domestique. L’un des objectifs visés par cette fréquentation par le Malien moyen des infrastructures de tourisme est de permettre aux entreprises du domaine de poursuivre leurs activités et ainsi de maintenir le secteur en vie. Mais donner l’envie et l’opportunité aux citoyens maliens de découvrir leur pays à travers ses richesses touristiques se heurte à plusieurs obstacles. Le faible pouvoir d’achat, « la barrière culturelle » et le déficit d’information sont les principales difficultés identifiées par les responsables de la promotion touristique, à l’issue de l’état des lieux dressé par eux. « Le tourisme domestique existe déjà, mais il doit être mieux structuré et formalisé », reconnaît M. Sory Ibrahim Guindo, Président de la Fédération nationale des guides du Mali. Depuis quelque temps émerge même « un tourisme religieux », même s’il doit être plus organisé, ajoute M. Guindo. Mais ce qui manque le plus au tourisme domestique, c’est la communication. Outre les sites peu ou pas connus, les voyages effectués par les Maliens à l’intérieur du pays sont essentiellement des déplacements pour des raisons sociales, rarement pour cause de soif de découverte, avouent les acteurs.

Inverser la dynamique vers des déplacements dans le Mali profond suppose une connaissance par le public des potentialités touristiques du pays, « une campagne de communication intense » dans laquelle se sont engagées les autorités en charge du tourisme. Ainsi, en plus des rencontres d’échange autour de la stratégie envisagée, elles prévoient l’organisation de la toute première édition, au mois de décembre 2019, des Journées Mali Tourisme. Ce forum, essentiellement destiné au public local, aura pour ambition de permettre aux collectivités et aux entreprises touristiques d’échanger mais aussi d’exhiber leur potentiel touristique, explique le directeur de Mali Tourisme. Toutes les régions seront représentées et exposeront leurs talents sur les plans artisanal et gastronomique et en termes de contenus culturel et pourront ainsi faire leur promotion, la finalité de l’activité étant de favoriser la redécouverte du patrimoine touristique par le Malien moyen.

Innovation impérative

« Initialement pensée pour la demande internationale », l’offre touristique nationale va devoir s’adapter au public local. D’abord pour se conformer au pouvoir d’achat, car il s’agit de proposer des infrastructures d’accueil accessibles aux Maliens. Ces investissements seront réalisés dans le cadre d’un partenariat public privé (PPP), que le secteur privé pilotera avec l’accompagnement des pouvoirs publics.

Ces investissements doivent aussi s’orienter vers le développement « d’infrastructures ludiques, comme les parcs d’attraction », pour lesquels la demande est latente, selon M. Keita. En outre, « ces produits » auront l’avantage d’être « désaisonnalisés » et ne dépendront pas de la demande internationale.

Si le Mali ne peut se prévaloir, contrairement à d’autres zones touristiques d’Afrique,  de nombreux sites naturels exceptionnels ou de la possibilité de développer une partie de ses activités touristiques autour de la mer, le pays peut cependant valoriser d’autres atouts.

Dans le cadre de la valorisation des ressources touristiques, il s’agit notamment  d’exploiter les « produits fleuves ». Le fleuve étant une ressource que se partagent plusieurs régions, l’une des stratégies en la matière consiste à organiser des activités pouvant les associer. Il s’agira par exemple de l’organisation de randonnées sur le fleuve à bord d’embarcations légères, bien aménagées, sur un tronçon navigable.

Il s’agit ici d’une approche basée sur le produit plutôt que sur « l’identité géographique ». « Le circuit balafon » est aussi une illustration de cette offre « d’expérience authentique aux visiteurs », avec des « contenus thématiques pouvant associer plusieurs localités ».

Pour attiser la demande locale, des études d’évaluation des potentialités ont été réalisées et des projets de valorisation ficelés, assurent les responsables de Mali Tourisme. Cette approche de « développement synchronisé » allie des « offres complémentaires », où plusieurs sites de la même localité peuvent être valorisés, et des investissements d’appui au secteur touristique. Ces évaluations du potentiel touristique de chaque localité permettent de chiffrer les investissements indispensables au démarrage ou au maintien de l’activité touristique sur un site donné.

Dans la première région, Kayes, l’existence de sites comme le  lac Magui, les chutes  de Gouina ou le Fort de Médine constituent autant d’attraits touristiques, dont la mise en valeur peut être optimisée avec la réalisation d’infrastructures comme des routes, des centres de santé ou les réseaux de télécommunication nécessaires à leur exploitation. Les Maliens sont, en tous cas, « majoritairement décidés à consommer ces produits », selon les responsables de Mali Tourisme.

Impliquer les  acteurs

À condition que la politique en la matière soit clairement définie et le plan de mise en œuvre élaboré. C’est l’ambition affichée par les acteurs du tourisme dans les recommandations de l’Atelier national sur la relance du tourisme organisé en juin 2018. Il s’agissait entre autres « d’élaborer et d’adopter une nouvelle Politique de développement touristique au Mali pour les cinq prochaines années ». Si le rôle de l’État est d’apporter un appui conseil, « les collectivités territoriales sont pleinement compétentes pour développer l’activité touristique », précise le directeur général de Mali Tourisme.

Ainsi, elles peuvent directement commanditer des études sur le potentiel touristique de leurs localités ou solliciter l’appui des autorités pour mener ces évaluations. Et, lorsque des projets sont identifiés, le financement peut faire intervenir les trois acteurs  clés que sont l’État, le secteur privé  et la collectivité. Dans ce partenariat, si le secteur privé dispose « d’assez d’informations » pour agir, il reste à « enclencher la dynamique pour que les collectivités aient les ressources » nécessaires à la réalisation des projets.

Un véritable défi pour ces collectivités, qui, à cause de l’approche unique orientée vers les anciennes zones, doivent adopter une nouvelle politique avec la définition de nouvelles. Or la situation actuelle oblige la plupart d’entre elles à s’orienter vers le financement des « secteurs prioritaires », avec des ressources insuffisantes pour développer les activités touristiques.

En attendant, les autorités, dont « l’ambition n’a pas été entamée par les difficultés », s’attèlent à mieux « structurer l’offre, notamment à travers l’organisation des acteurs locaux ». Ainsi, pour combler le vide d’informations sur le terrain, Mali Tourisme met en place des bureaux de renseignements pour répondre au besoin d’accueil des particuliers désireux de découvrir les zones touristiques. Un bureau a déjà vu le jour à Médine, dans la région de Kayes, et un autre sera bientôt opérationnel à Siby, à 40 km de Bamako. La structure de promotion du tourisme soutient aussi les promoteurs culturels, « parce que les festivals drainent essentiellement du public malien », et, parallèlement, continue les activités de renforcement des capacités des acteurs afin qu’ils continuent d’offrir des prestations de qualité.