Voilà 31 ans qu’un Président français n’avait pas mis les pieds à Ouagadougou, du moins pour une visite officielle. Cette prochaine visite, c’est celui « qui ne fait rien comme ses prédécesseurs » qui le fait, Emmanuel Macron.
Le 17 novembre 1986 à Ouagadougou, François Mitterand introduisait dans son discours de réponse à l’impétueux capitaine Thomas Sankara : « Nous sommes venus ici par amitié pour ce peuple ; nous sommes venus ici par fidélité à l’histoire ; nous sommes venus ici par intérêt pour ce qui s’y déroule ». Avant d’ajouter, « Si j’étais ce soir devant un autre Chef d’Etat que le Président Sankara, devant une autre équipe, s’il n’y avait pas eu de révolution, je n’aurai sans doute pas eu à répondre à toutes les questions qu’il m’a posées, mais la disposition de la France à l’aider serait la même ! Retenez bien ce que je vous dis : ce n’est pas parce qu’il y a une équipe jeune, dérangeante, quelquefois un peu insolente, au verbe libre, ce n’est pas parce qu’elle est là que nous devons faire moins et nous retirer sur la pointe des pieds ».
Cette dernière visite de François Mitterand n’était en réalité qu’une brève escale du Président français revenant du Sommet France-Afrique de Lomé. Entre temps, en 1987, le chef d’État Thomas Sankara a été assassiné et le rôle de la France dans cet assassinat a longtemps a été sans cesse décrié. Sans preuves. Depuis la relation entre la France et le Burkina-Faso, s’est fragilisée. Ce fut le début de l’atmosphère anti-France à l’intérieur du pays. Depuis un nouveau visage, ou plutôt un clan, a dirigé pendant plus de deux décennies le pays des hommes intègres, celui de Blaise Compaoré « et famille ».
Tentatives d’un renouvellement
Pendant 31 ans, les trois derniers présidents français ont tenté de se démarquer dans l’élaboration de leur stratégie africaine, sans mettre le pied au Burkina Faso. Jacques Chirac s’est posé en « porte-voix de l’Afrique » et a caractérisé sa première visite en Afrique de l’Ouest de simple visite de prise de contact, sobre et « sans harangues et sans grands tam-tams ». Ensuite, Nicolas Sarkozy a marqué sa première visite en Afrique, à Dakar, par un discours moralisateur selon lequel « l’Afrique n’est pas assez entré dans l’Histoire ». Toujours lors d’un séjour à Dakar, François Hollande a prôné une relation d’égal à égal entre la France et l’Afrique.
Relation d’égal à égal
Mal-aimé, donc, depuis l’assassinat du Président Sankara, encore vive dans l’esprit de la population, une distance se crée officiellement entre les deux pays. Pourtant, 31 ans plus tard, le Jupitérien, Emmanuel Macron qui souhaite marquer sa totale rupture avec ses prédécesseurs, choisit Ouagadougou pour parler de sa politique africaine. La France procure une bonne part de son influence diplomatique dans ses relations avec l’Afrique, notamment ses anciennes colonies. Au Burkina-Faso, la France est de plus en plus mal-aimée, notamment par la jeunesse qui s’est beaucoup politisée depuis l’avènement « Iwili » de 2014, parce qu’elle est accusée d’avoir participé à l’ex-filtration du Président Blaise Compaoré et son refus d’extrader le frère de ce dernier, François Compaoré. Afin de redorer son soft-power dans ce pays, il a été décidé que ce mardi 28 novembre le discours aura lieu au plus près de cette jeunesse « politique », à l’université de Ouagadougou, où 800 étudiants poseront des questions « sans filtre » selon l’Elysée au Président Macron. Ce choix n’est pas sans rappeler celui de Nicolas Sarkozy à Dakar à l’Université Cheikh Anta Diop. Évidemment, ce sont les travaux du nouvel organe le Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) qui ont permis de choisir Ouagadougou, mais également qui a servi de source pour rédiger le discours tant attendu du Président français. Il est fort probable que l’éducation et le secteur privé seront au cœur du discours..
Après Ouagadougou, il s’envolera pour Abidjan pour le Sommet UE-UA qui devra modifier la relation asymétrique instituée par les Accords de Cotonou, et terminera sa tournée dans un pays anglophone, le Ghana.
journal du mali