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Tieman Hubert Coulibaly ministre des Affaires Etrangeres et de la Coopération Internationale : « Le Mali est sur une vague de succès diplomatiques »

La diplomatie malienne à l’heure des grands défis ! Telle peut être imagée l’ampleur des tâches qui meublent la mission du ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale, Tiéman Hubert Coulibaly. Jamais, depuis 58 ans, soit de l’indépendance à nos jours, un patron de la diplomatie malienne n’a hérité d’un contexte diplomatique aussi chaud, complexe et problématique sur le triple front sécuritaire, politique et économique. Mais, Tiéman Hubert Coulibaly semble avoir pris ces défis du bon côté, au vu des acquis qu’il peut d’ores et déjà légitimement revendiquer au crépuscule de son troisième mois à la tête du département.

Depuis Kigali (Rwanda) où il a pris part à la 18e Session extraordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine sur la zone de libre-échange continentale (19 mars au 21 mars), le ministre Coulibaly s’est confié à notre envoyée spéciale sur des dossiers aussi brûlants que l’état de la diplomatie malienne, l’impact de la présence au Mali des forces étrangères, le mandat de la Minusma, le blocage de l’Accord de paix, la présidentielle 2018. Pour lui, la diplomatie malienne vole de succès en succès. Exclusif !

 Info-Soir : Monsieur le ministre, quels les grands défis diplomatiques auxquels le Mali est confronté aujourd’hui ?

Tiéman Hubert Coulibaly : Le Mali est surtout confronté à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Pour cela, le Gouvernement du Mali fournit beaucoup d’efforts. La communauté internationale a été à nos côtés depuis le début. Notre défi consiste à magnifier tous les efforts qui sont faits pour que cet accord puisse connaitre des avancées aux bénéfices du Peuple malien d’abord.

Sur le plan diplomatique, aujourd’hui, le Mali a toute sa place. Le Mali parle de manière claire et nette,  par la voix de son Président, et par la voix de ses diplomates qui sont un peu partout au monde. Nous sommes un acteur important dans la construction de l’Afrique depuis le début. Le président Modibo Kéïta a été une  figure de la construction africaine. Nous devons continuer ce travail.

La signature de l’accord de libre-échange continental fait partie des défis que le Mali s’était imposé en terme de construction africaine. La construction de la paix au Mali est un élément de la stabilisation de notre sous région et de toute l’Afrique. Tant qu’un pays connaitra des difficultés sur le plan interne en termes  de sécurité, notre continent aura du mal à se développer. Parce que nous allons consacrer beaucoup d’argent à la question de la sécurité, à des opérations qui ne sont pas celles qui bénéficient directement au quotidien de nos populations.

Nos défis consistent à maintenir la mobilisation de la communauté internationale notamment pour la force conjointe du G5 Sahel, pour nous accompagner dans nos programmes de développement pour que nous puissions construire  une économie solide. C’est déjà le cas. Parce que, malgré la crise, le Mali, comme le disent nos partenaires du FMI depuis quelques jours,  a pu maintenir une économie robuste qui n’a pas subi les chocs que certains ont subis pendant les périodes de crise. Cela est à saluer. Nous allons continuer à maintenir la mobilisation de la communauté internationale sur les questions de sécurité, sur les programmes de développement et la construction d’une gouvernance solide.

 Deux mois après votre arrivée à la tête du département, qu’est-ce que vous avez fait en matière de diplomatie politique et de diplomatie économique ?

Il faut juste prendre comme repère chaud l’exemple de la réalisation de cette interview à Kigali, avec la présence du Mali à la 18e Session extraordinaire du Conseil exécutif de l’Union africaine sur la zone de libre-échange continentale.

Avant cela, nous étions au Maroc, où nous avons eu une visite extrêmement importante  avec le Premier ministre, un contenu économique très fort.

Avant le Maroc, nous étions en Algérie avec le Premier ministre dans le même genre d’exercice, consolider nos acquis diplomatiques avec ces différents pays et aussi faire en sorte que les actions économiques de ces pays et le Mali soient mieux structurées et orientées vers les intérêts des différents pays.

Le Mali est  un pays important en Afrique par sa géographie, par sa contribution à la construction africaine et aujourd’hui par le leadership nécessaire que nous devons avoir dans notre sous région pour amener la stabilité. Nous travaillons beaucoup à cela. Nous sommes présents partout où devons l’être. Nous défendons nos positions et faisons en sorte qu’une nouvelle ère de prospérité puisse être amorcée entre nous et nos voisins et puis nous et d’autres pays qui sont nos partenaires traditionnels tels que le Maroc et l’Algérie.

 Est-ce dire que vos efforts sont dirigés vers ces deux pays seulement en matière de diplomatie économique où vers d’autres continents ou zones du monde ?

Il y a l’ensemble de la CEDEAO vers lequel nos efforts sont dirigés. J’ai juste cité les deux précédents  déplacements que nous avons effectués en compagnie du Premier ministre ; autrement nous avons aussi des actions qui ont été menées en direction des pays européens et du Golfe. Pour parler du monde musulman, nous avons reçu, il n’y a pas très longtemps l’Emir du Qatar, le Ministre des affaires étrangères des Emirats Arabes-Unis, nous avons eu la visite officielle du président Erdogan de la Turquie. Toutes ces rencontres ont été l’occasion de créer des cadres de coopération au bénéfice de l’économie. Nous étions à Bruxelles il n’y a pas longtemps pour le G5 Sahel pour le soutien nécessaire à la force conjointe mais aussi  parler des questions de développement avec les pays membres de l’alliance Sahel.

C’est pour dire que ce n’est pas simplement l’Afrique, mais c’est en direction de l’ensemble du monde.

 Malgré la au Mali de la Minusma, de la force Barkhane, et de la force conjointe du G5 Sahel, la situation sécuritaire se dégrade. Certains parlent d’échec diplomatique. Pas vous ?

Ce sont des gros mots. On ne peut pas parler d’échec diplomatique concernant le Mali. Le Mali  qui a pu mobiliser l’ensemble de la communauté internationale. Le Mali avec qui tous ces pays entretiennent des relations au plus haut niveau diplomatique et politique. Je n’arrive pas à comprendre ce genre de comportement quoi que j’accepte que chacun ait son opinion en démocratie, mais la vérité est bonne à dire. Le Mali est sur une vague de succès diplomatiques. Je ne sais pas ce que recouvre une telle affirmation. Si nous voulons parler de la mise en œuvre de l’accord, le Gouvernement du Mali est sur une phase offensive. Nous avons rencontré le Conseil de sécurité à la fin du mois de janvier 2018. Nous sommes allés également au Sommet ordinaire de l’Union africaine pour que ces deux organisations importantes puissent endosser le chronogramme d’actions prioritaires qui a été proposé par les parties maliennes elles-mêmes à la 23e  session du Comité de suivi de l’accord. C’est ainsi que nous avons demandé que soit activé le régime de sanction afin que tous les protagonistes  de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali soient amenés à respecter leurs engagements. Il faut que chaque acteur soit stimulé dans ce sens. Nous ne voyons sur quel plan notre action gouvernementale pouvait être estampillée d’un cachet  d’échec diplomatique ; c’est plutôt le contraire.

 Dans le cadre de la situation sécuritaire au Mali toujours très précaire, pourquoi ne pas demander un mandat encore plus robuste de la Minusma ?

La mission pour l’évaluation en vue de la revue stratégique de la Minusma  était  à Bamako récemment. Je l’ai reçue avant de quitter pour remplir mes obligations diplomatiques à Niamey et à Kigali. Nous avons donné notre point de vue à l’Excellente diplomate qui a été chargée, avec son équipe, par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies, de cette mission d’évaluation en vue de la revue stratégique  et du renouvellement du mandat de la Minusma. Le Mandat de la Minusma est robuste. Nous n’avons pas arrêté, année après année, d’y ajouter de la robustesse. La question doit se poser du point de vue des règles d’engagement militaire et de la doctrine même concernant le maintien de la paix de l’Organisation des Nations-Unies. Nous comprenons très bien. C’est pour cela que nous avons dit que la Minusma elle-même à intérêt à ce qu’une force comme la force conjointe du G5 Sahel puisse être efficacement dotée  pour la lutte contre le terrorisme. Pendant que la Minusma a dit clairement qu’elle n’a pas mandat pour cela, elle pourra s’occuper d’autres questions logistiques, humanitaires, d’accompagnement dans le processus politique, d’accompagnement pour les élections qui arrivent ; assurer que la circulation dans les zones de rayonnement  puisse se faire convenablement au Mali. Il y a une impatience que nous comprenons très bien. Nous-mêmes, nous sommes impatients. Quand un Peuple est face à de telles situations, il est légitime qu’il manifeste son impatience, mais il est aussi nécessaire que nous ayons une connaissance juste  de la situation. Que nous ne nous laissions pas emporter par les passions du moment au risque de mal faire.

Il faut saluer la Minusma parce qu’elle est engagée au Mali. Certainement qu’il y a des composantes de cette situation, notamment la composante « Lutte implacable contre le terrorisme » que nous entendons mener et pour laquelle la Minusma n’a pas mandat du fait même de la philosophie des Nations-Unies en terme de maintien de la paix. Le débat est à ce niveau.

 Sur l’application de l’Accord d’Alger, les Nations-Unies semblent accuser le Gouvernement. Vos arguments de défense ?

Une fois de plus, moi, je n’ai pas eu l’impression d’être accusé, parlant du Gouvernement. Je parle avec les Nations-Unies. En revanche, ce que les Nations-Unies nous dit, c’est que nous avons un retard sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger signé à Bamako. Nous-mêmes, nous disons la même chose notamment sur la question du DDR. Nous n’avons cessé d’appeler les acteurs internationaux à aider et à encourager  chaque partie à engager cette  composante extrêmement importante de la mise en œuvre de l’Accord. Parce que, dans un conflit qui a fait l’objet d’un accord, accord étant la volonté de l’ensemble des  parties de taire la belligérance et de trouver  des solutions politiques aux problèmes qui sont posés, cet accord ne peut pas progresser s’il y a encore des hommes armés sur le territoire. Ceux qui sont légalement et légitiment autorisés à porter des armes, ce sont les militaires de l’armée malienne. Normalement, suite à cette signature, nous devons procéder au campement, au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration pour certains et ainsi que le processus de réinsertion dans le circuit socioéconomique. J’observe depuis quelques semaines qu’il y a des progrès. Le ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed qui est le président de la  Commission national DDR était à Tombouctou. Il a commencé l’enregistrement des combattants en vue du début du processus. Après, il y a le processus politique qui a fait l’objet d’intense  discussion au mois de décembre sur lequel il y a eu de vrais progrès également. Le Premier ministre a discuté directement avec les protagonistes, les mouvements signataires sur la feuille de route nécessaire à la mise en œuvre du chronogramme d’actions prioritaires, tous ceux-ci représentent des points positifs qui nous permettront d’avancer peut-être à petits pas, mais des pas sûrs. Je suis partisan de petits pas mais qui sont susceptibles  de nous amener là où nous voulons. Des foulées trop rapides, une précipitation ou un empressement peuvent à certains moments nous conduire dans le mur.

Selon vous, entre le Gouvernement et les mouvements signataires, qui bloque l’application effective de l’Accord ?

Je suis tenté de considérer que  les mouvements signatures ont quelques difficultés internes, mais ils sont de bonne foi. C’est ce que je m’impose de croire jusqu’à preuve du contraire. J’estime que ce sont des partenaires à la paix, je pèse mes mots. Ce sont des partenaires pour mettre en œuvre l’accord. Si des difficultés existent, nous pouvons nous mettre autour d’une table entre Maliens pour en parler. C’est ce que nous faisons de plus en plus. Il n’est pas toujours nécessaire qu’il y ait une tierce partie. Quelles que soient la bonne foi et la générosité de la communauté internationale, je pense que ces efforts ne seront jamais aussi efficaces que ceux qui seront fournis par les Maliens eux-mêmes. J’affirme que le Gouvernement ne bloque pas. Il n’a aucun intérêt parce qu’il estime que l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, quels que soient les reproches que nous pouvons lui adresser, est aujourd’hui la seule voie que nous avons pour construire une paix durable dans notre pays et travailler à la reconstruction de l’unité et l’harmonie nationale.

 Le Mali est à quelques mois de l’élection présidentielle dans le contexte sécuritaire que l’on sait. Quelle peut-être le rôle de la diplomatie dans la réussite du scrutin ?

D’abord convaincre tous les partenaires que le Gouvernement n’a pas d’agenda caché. Rassurer l’ensemble des partenaires que nous sommes tendus vers l’organisation de ces élections à commencer par l’élection présidentielle annoncée pour le mois de juillet. Que nous faisons tout pour cela et que c’est notre tâche principale. Cela fait partie aussi des éléments de stabilisation du pays. Certains pensent qu’il faut faire l’impasse sur l’élection, et aller dans une transition hasardeuse. Ce n’est pas notre point de vue. Notre point de vue est que nous devons nous battre pour organiser l’élection pour que les mandats qui sont arrivés à échéance puissent être renouvelés de manière à ce que les acteurs,  à commencer par le premier d’entre eux, aient la légitimité et la force nécessaires données par la loi afin de conduire le Mali là où il doit être conduit.

Le Ministre des affaires étrangères du Mali travaillera dans le cadre de la consolidation et de la mobilisation internationale, mais travaillera surtout sur ce thème là afin que nos partenaires n’aient aucun doute sur nos intentions et qu’ils sachent que là-dessus nous ne ferons pas de compromis. Il faut organiser les élections et que chacun nous aide dans ce sens.

Réalisée par Salimata Fofana

Envoyée spéciale à Kigali (Rwanda)

 

Par Infos Soir

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