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Systèmes d’Echange Local, Monnaies Locales Complémentaires et crypto monnaies : Nouveaux mécanismes de financement numériques

« Ayé doussoukoun bléin » (cliquez sur j’aime), « aya partager » (partager au maximum), désormais, ces slogans retentissent dans le jargon des journalistes, des artistes et des influenceurs qui partagent du contenu sur les réseaux sociaux. Cependant ce qu’il faut savoir ce que derrière ces slogans de plus en plus fréquents se cachent des outils digitaux de financement. A travers quelques explications nous allons tenter d’expliquer ce qui se passe dans le financement des collectivités et projets dans les pays développés.

En janvier 2016, on comptait cinq mille monnaies locales à travers le monde : depuis 1982 L’Elef au Canada, depuis 2003 le Chiemgauer en Allemagne, 2010 l’Abeille en France, 2012 le Bristol en Angleterre, 2012 l’Epi en Belgique, 2013 l’Eusko au Pays basque, etc. Partout, de simples citoyens se réapproprient la monnaie et lui redonnent sa fonction initiale d’échange, de lien social. Avec le retrait de la CEDEAO des Etats du Sahel, la question de la monnaie revient systématiquement sur la table de discussion ce qu’il faut savoir c’est que la monnaie, c’est à la fois simple dans son utilisation et compliquée dès que l’on essaie d’expliquer d’où vient l’argent, qui la crée, d’où vient le crédit, où vont les économies. Oser se lancer dans l’aventure d’un projet de MLC, c’est découvrir qu’une simple association citoyenne peut se réaffecter cette maîtrise, aujourd’hui  confisquée par les établissements bancaires, obsédés de rendre service à leurs usagers mais d’enrichir leurs actionnaires. C’est un projet citoyen, dont les autorités locales ne sont pas exclues, bien au contraire. Mais c’est un mouvement ascendant. Dès que le projet est suffisamment lancé à travers la publicité sur les réseaux sociaux par les partages et à partir du moment où les autorités accordent leur reconnaissance à une démarche dont elles n’ont eu ni l’initiative ni la maîtrise, alors il est possible d’intégrer celles-ci au projet. C’est non seulement possible mais c’est aussi doublement souhaitable : rappelons que, d’une part, être élu c’est avoir été choisi pour avoir la charge et la responsabilité de l’action publique et que, d’autre part, les financements accordés proviennent des citoyens eux-mêmes. Précisons que les projets de MLC sont neutres sur le plan des partis politiques, des églises ou autres groupes constitués. Les utilisateurs et les prestataires sont signataires d’une charte qui les engagent dans un système d’économie solidaire et éthique : un projet créateur de liens.

Beaucoup d’adhérents aux projets MLC sont membres d’autres associations, déjà engagés diversement. Une MLC est le moyen par excellence pour relier des initiatives qui vont dans le même sens dans une même région. C’est dans ce sens que les MLC fonctionnent comme signe de reconnaissance. La MLC est aussi un moyen d’intéresser les nouveaux habitants à la vie locale pour empêcher les villages et les communautés rurales de devenir des dortoirs.

Même si bon nombre d’entre nous sommes heurtés par le fait d’être réduits à l’appellation de consommateurs, il n’en reste pas moins que le conditionnement culturel nous conduit souvent à nous comporter comme tel, autrement dit à chercher quelque chose qui réponde à notre besoin immédiat mais pas toujours nécessaire. En utilisant une MLC et en orientant sa consommation vers un réseau labellisé éthique, le consommateur sait que son acte d’achat n’est pas  neutre. Consommer devient un choix, celui de ne pas acheter n’importe quoi, n’importe où.

Sur un tout autre ordre, les MLC concernent un public encore trop restreint. Les projets déclarent tous ne pas souhaiter privilégier un type de public spécifique. S’il est vrai que certaines monnaies, œuvrent en étroite collaboration avec les associations de chômeurs, la plupart des MLC ne souhaitent pas cibler une population d’usagers en particulier.

La rapidité et l’ampleur du marketing digital avec Ali Baba ou Ebay dénote leur développement qui sont incontestablement l’indice que ces dispositifs sont perçus comme pouvant apporter des réponses aux dysfonctionnements actuels de l’économie et à des attentes profondes quant au renouvellement de la nature de l’échange et au renforcement du lien social. Les monnaies locales sont en train de s’affirmer comme un outil important pour favoriser le développement économique des territoires dans un sens plus solidaire et plus responsable. Une MLC concerne à la fois les individus participant, les entreprises, les banques, les collectivités locales et, par extension, l’État, chacun y trouvant différents avantages. Les citoyens concernés participent au développement de leur territoire, et développent leur compréhension et leur capacité d’action sur le monde. Ils peuvent en outre, selon les cas, bénéficier de rabais de la part des entreprises et/ou d’une bonification lors de l’achat de monnaie. Ils peuvent également espérer profiter de produits sélectionnés, locaux. Les entreprises peuvent résoudre une partie de leurs problèmes de trésorerie et espérer développer leur clientèle. Les banques peuvent proposer de nouveaux produits financiers. Les collectivités locales renforcent leur panoplie d’outils de développement du territoire, le rendent plus résilient, et peuvent espérer améliorer l’efficacité des politiques mises en place, tout en aidant citoyens et entreprises (voir notamment les livres Solutions pour un Sénégal nouveau et les territoires du développement d’Ousmane Sonko actuel Premier Ministre du Sénégal). Dans le livre du Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko propose d’arrimer le FCFA à l’Euro pour favoriser les monnaies locales complémentaires. Seulement aujourd’hui dans l’espace ouest africain, tout le monde s’accorde à dire que le Franc CFA est devenu une monnaie à problème. L’arrimer à l’Euro consisterait, à notre avis à dépendre toujours des européens ce qui fausse le discours de la souveraineté financière et monétaire en Afrique. D’un point de vue général, l’État voit en outre que se développer c’est la participation de tous par l’action dans la cité et la cohésion sociale. Il n’en demeure pas moins que le développement des MLC pourrait avoir des effets pervers qu’il convient de pouvoir anticiper afin de soutenir et d’encadrer le développement de ces projets le plus efficacement possible. Certaines expériences à l’étranger ont montré par exemple l’existence d’un risque de falsification de la monnaie (trueque argentin) ou encore de reproduction de certaines limites du système conventionnel telles que l’accumulation de dette ou la détention de valeur dans le cas de certains SELs (système d’échange locaux).  Et en même temps, le manque de recul (notamment en France) oblige pour l’instant à être mesurés quant à la possibilité d’identifier clairement les retombées  économiques et sociales voire citoyennes ou de mesurer l’impact réel des bénéfices attendus de la mise en place d’une MLC. Ces interrogations valent aussi en droit, a fortiori depuis la reconnaissance des MLC  dans le Code Monétaire et Financier suite à l’adoption de la loi relative à l’Echange des Systèmes Sociaux.   De la même façon, il est difficile de mesurer les éventuelles conséquences négatives que l’implantation d’une MLC pourrait générer à plus ou moins longue échéance même si nous pouvons au moins identifier quelques-uns de ces risques. Parmi ces risques force est de constater qu’avec le chômage, grand nombre de jeunes se retrouvent piéger dans leur reconversion vers ce système innovant par des jeux en ligne et applications numériques comme BET qui consistent à parier de l’argent sur les matchs de football ou des placements de trading qui sont rémunérés en cas de gain.

Avec la création de l’AES et le retrait du Mali de la CEDEAO, la problématique de la monnaie vient se poser légitimement. Les belligérances avec la France et l’échec de l’Algérie dans le processus de médiation entre malien doit entrainer l’abandon du FCFA au profit d’une monnaie assez forte pour générer des devises de manière à obtenir la liberté financière et l’autonomie monétaire. Des mécanismes de calculs de cette monnaie sont en train d’être étudiés dans les coulisses par les experts des trois Nations de l’AES. Du côté malien, de notre point de vue la base de calcul de cette monnaie peut s’effectuer déjà selon l’ancien système commercial du manden appelé « sara » qui veut dire tas ou lot pour définir le poids de la future monnaie en termes d’étalonnage ou de devise. Il est donc plus que nécessaire d’étudier en profondeur les crypto monnaies pour les maitriser afin de ne plus tomber dans la servitude financière car les partages et les « j’aime » sur les réseaux sociaux ne sont nullement gratuits.

Abdoulaye Alassane Traoré

Doctorant en sociologie

L’Alternance
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