Monsieur Moussa Bolly nous invite cette semaine à prendre position sur le débat houleux sur le texte de loi concernant le statut des langues officielles parmi d’autres sujets de préoccupation. Comme d’habitude, nous sommes toujours heureux de partager avec vous nos réflexions du moment.
Nous savons que choisir une langue officielle dans une société melting-pot et fortement plurilingue comme le Mali n’est pas une chose facile. C’est pourquoi le texte de loi devrait faire le sujet d’une sérieuse concertation et conversation avec le peuple malien bien avant son élaboration, mais aussi après sa mise au point. Tout au long de l’histoire, les gouvernants du Mali indépendant ont très peu consulté nos populations avant de prendre des décisions concernant leur vie et celle de la nation. Il est grand temps que les gouvernants mettent un terme à ces pratiques abusives. En effet, aucun système de gouvernance ne peut ou ne doit se perpétuer sans le consentement de l’ensemble des administrés. Il faut à présent exiger que la prise en charge des aspirations réelles de nos populations à travers ses valeurs et ses croyances et au nom desquelles se fondent la légitimité des gouvernants soit effective. Le citoyen malien doit être la source et la finalité de l’action politique.
Notre suggestion au sujet de ce débat sur le statut de la langue officielle serait de faire attention et d’user de beaucoup de discernement avant de nous engager dans nos choix. Nous ne devons pas oublier que nos choix d’aujourd’hui auront inévitablement des conséquences sur notre futur. Toutes nos actions doivent surtout encourager le dialogue sur les grandes orientations et l’élaboration de politique et stratégies nationales pour consolider l’unité nationale, le respect de la diversité et le processus de la paix.
A cause de la colonisation et ses politiques d’assimilation, la langue française reste liée à un passé douloureux pour nous. Pour autant, sachons que nos législateurs ont choisi cette langue au lendemain de l’indépendance par nécessité. Le modèle de politique linguistique légué par la puissance coloniale leur imposa pratiquement le français pour satisfaire les exigences éducatives et administratives, mais aussi pour communiquer, comprendre et se faire comprendre par le reste du monde.
Notre histoire millénaire est sans doute glorieuse et l’image de notre pays est certes culturelle. Il va sans dire que l’intégration de nos langues nationales à la Constitution serait certes très bénéfique pour une organisation plus avancée de l’alphabétisation et l’enseignement de ces langues à tous les niveaux. Institutionnaliser nos langues et leur accorder des statuts et des fonctions en conséquence faciliteraient aussi la communication de la connaissance et la préservation de notre histoire et de notre culture. Cependant, à notre humble avis, il serait plus sage d’opter pour un plurilinguisme officiel c’est-à-dire faire plutôt un ajout de nos langues nationales au français comme officielles dans un premier temps de transition au lieu d’un changement radical de langue officielle. Mais encore, considérant la globalisation et nos stratégies de développement économique, il est important de pouvoir s’ouvrir davantage au reste du monde. Seule une langue monde peut permettre cela.
Allah sait mieux et IL est Le Meilleur Guide.
Cheick Boucadry Traoré
Source : Mali Tribune