Il faut le dire à l’entame de cette Tribune, la Refondation engagée par les plus hautes autorités maliennes vise la transformation radicale du Malien et du Mali, du citoyen malien et de l’État malien. Cela se traduira par l’émergence de nouveaux citoyens, de nouveaux leaders pour conduire le changement et d’une gouvernance globale fondée sur une base morale inspirée du tréfonds des meilleures valeurs qui ont fait la grandeur et la splendeur de notre pays par le passé. Cela est d’autant plus nécessaire que depuis une dizaine d’années au moins notre pays est frappé de plein fouet par une crise multidimensionnelle et structurelle qui touche tous les domaines, tous les secteurs, et même les fondements de la société et de la République.
Notre pays est aujourd’hui à la croisée des chemins. Il connaît une période charnière pleine de défis et d’espérances. Une période particulièrement éprouvante mais qui offre aussi des opportunités. Cette crise est révélatrice des nombreux dysfonctionnements dans le système étatique, des déviations dans les pratiques sociales, des manquements aux règles démocratiques et aux principes républicains. Dans ce contexte fait de défis multiples et d’enjeux variés, le Mali est redevenu un objet de convoitises et le centre d’intérêts politiques, économiques, stratégiques, sociaux, culturels et religieux divers, divergents et parfois antagoniques.
Cela soulève légitimement une multitude de questionnements comme il interpelle et heurte parfois la conscience de notre peuple. Un peuple fier de son passé glorieux, un peuple qui a su à travers les âges magnifier le respect de la dignité humaine, fonder une solide cohésion sociale, bâtir une nation forte dont l’élan de solidarité sincère l’a poussé à prendre dans sa Loi fondamentale la décision d’abandonner une partie ou la totalité de sa souveraineté pour construire l’unité africaine.
Aujourd’hui, le peuple malien s’est réveillé. Il est déterminé à prendre son destin en main et à inverser la tendance actuelle qui n’est pas une fatalité mais une vicissitude de l’Histoire. Et puisque ce sont les idées qui font avancer le monde, il a décidé que l’heure a sonné pour une réflexion profonde et large sur la Refondation et la mise en œuvre des idées qui permettront de relever définitivement les multiples défis auxquels notre pays fait face.
Un Mali nouveau- À l’issue des Assises nationales de la refondation en cours, nous entreverrons un nouveau type de citoyen, un nouveau type de leader, une nouvelle forme de gouvernance des affaires publiques. Et voilà la finalité de la Refondation.
Quant à l’objectif de ces Assises, il consiste à faire un diagnostic sans complaisance de l’état de la nation, à en tirer les meilleures leçons, à analyser en profondeur la situation globale du pays et à faire des propositions concrètes permettant de construire une solution de sortie de crise qui soit en même temps une perspective de développement politique, économique, social et culturel à long terme et une espérance pour l’unité et la prospérité du peuple malien.
Mais pour changer véritablement la situation de notre pays, il faut d’abord que nous changions nous-mêmes. Au-delà du sursaut citoyen, il faut aussi un sursaut national, une union sacrée autour de notre précieux patrimoine commun, nos valeurs communes. Il faut, au-delà des clivages politiques, culturels et identitaires, agir ensemble dans la même direction afin de renforcer la cohésion de notre Nation. Il faut que le peuple se mobilise et travaille d’arrache-pied pour concrétiser les espérances de lendemains qui chantent démocratiquement pour tous, en toute sécurité.
L’heure de vérité- L’heure n’est plus aux hésitations, aux atermoiements, aux égos, aux clivages, au monopole de la légalité, de la légitimité ou de la vérité. À propos de vérité, notre sage Amadou Hampaté Bâ nous rappelle qu’en la matière « il y a ma vérité et ta vérité, or la vérité se trouve au milieu. Pour s’en approcher, chacun doit se dégager un peu de sa vérité pour faire un pas vers l’autre. » Cette sagesse du terroir prend aujourd’hui une allure prophétique et se révèle comme une guidance interne, une alternative endogène pour le relèvement de notre pays. Il faut donc s’engager dans le dialogue pour peser et apaiser la situation globale du pays, ouvrir des perspectives au peuple, notamment aux jeunes et aux femmes.
Dans cet esprit, la conduite d’un dialogue franc et direct entre Maliens confiée à un Panel de Hautes personnalités s’impose comme une nécessité absolue pour l’édification du Mali nouveau tant souhaité et espéré par nos concitoyens des villes et des campagnes. En vérité, le dialogue, la réflexion collective, l’analyse croisée et la recherche de solutions partagées des affaires de la Cité, du village, du campement nomade, du quartier procèdent d’une pratique millénaire dans notre pays. C’est dans cette optique que les Conférences des cadres étaient tenues sous la première et la deuxième République, que la Conférence d’entente nationale (CEN) de mars 2017, le Dialogue national inclusif (DNI) de décembre 2019 et les Concertations nationales de septembre 2020 ont été organisés.
Ces rencontres ont permis de faire un diagnostic poignant du mal être collectif, de pointer du doigt les maux qui minent le pays, de souligner notamment les disparités de développement dans notre pays, les frustrations et les griefs des populations, de comprendre que les difficultés politiques, économiques, sociales, culturelles, sécuritaires… sont le résultat de facteurs multiples qui viennent tous se greffer sur les limites de notre mode de gouvernance. Elles ont également permis de proposer des pistes d’actions pour guérir durablement les maux. Cela pour rappeler que la dynamique dans laquelle s’inscrivent les présentes Assises nationales de la refondation (ANR) n’est pas nouvelle. Elle n’est pas non plus une rencontre de plus ou de trop. Le diagnostic est certes fait et partagé, mais il est évolutif, dynamique, glissant.
Une dynamique nouvelle- La stratégie aujourd’hui est d’ajuster la pensée collective en fonction des développements nouveaux et de faire émerger une conscience collective sur le devenir du pays. De plus, les Assises nationales de la refondation (ANR) ambitionnent de tirer les leçons des exercices antérieurs, d’extraire l’essence voire la quintessence des propositions faites à la CNE, au DNI et aux CN, de les actualiser et de les verser au débat des ANR pour jeter les bases de la refondation.
Au total, les Assises nationales de la refondation (ANR) devront permettre de faire un diagnostic sans complaisance et sans tabou de la gouvernance globale du pays, de procéder à une analyse introspective et prospective collective et, pour une fois, de camper une vision du redressement national, de dessiner la trajectoire de la refondation et de ses étapes intermédiaires, d’arrêter les indicateurs de performance ainsi que les marqueurs de passage d’une étape à l’autre, enfin, de traduire les actes en projets et programmes pour les 25 années à venir.
Une vigie de la Refondation- Cela se fera grâce à la mise en place d’un Comité de suivi et d’évaluation qui sera une véritable vigie de la Refondation, dessinera les contours d’une planification économique à long terme reposant sur des règles de gestion vertueuse et performante ainsi que des mécanismes opérationnels financiers crédibles qui viendraient conforter la concrétisation de la Refondation et maintenir définitivement le cap du Mali nouveau tout au long de ce siècle, vers l’émergence et la puissance.
Les premières rencontres des Assises nationales de la refondation (ANR) tenues au niveau local ont déjà donné le ton et le contenu au processus de refondation. De façon concrète et précise, elles ont offert l’opportunité de débats francs, directs et courtois, de formulation de propositions fortes sur toutes les dimensions de la gouvernance du pays. Elles ont permis de mettre en commun les différentes attentes des populations quant au renouveau politique, institutionnel, sécuritaire, économique, social et culturel.
Une approche décentrée- L’approche adoptée par les Assises nationales de la refondation (ANR) a eu le constant souci du décentrement de la réflexion. Aussi, commencer les Assises par les Communes est-il une façon de reconnaître le rôle fondamental, fondateur, des communautés dans la construction du Mali nouveau, de poser les fondements de la Refondation sur des bases solides et des modèles de gouvernance endogènes qui s’inspirent de notre patrimoine historique et culturel.
À terme, ces échanges inter-maliens au sein des Assises nationales de la refondation (ANR) nous permettront de disposer d’orientations stratégiques claires, précises et holistiques, d’envisager des politiques publiques à court, moyen et long termes, ainsi qu’une base sociale des réformes structurelles qui consolideront le processus démocratique et amélioreront les performances de la gouvernance globale du Pays.
Une vision commune et endogène- La tenue des Assises et les résultats qui en découleront ne constituent pas la fin du processus mais plutôt son début. Dans cette optique, et compte tenu des attentes légitimes du peuple par rapport au renouveau de la gouvernance, le dialogue doit être considéré dans sa dimension holistique et permanente pour aider à construire une stabilité sur le long terme.
Les Assises seront immédiatement suivies par la mise en place d’un Comité de suivi et d’évaluation et d’une phase technique intense qui élaborera des cadres de référence. Il s’agira notamment d’aboutir à l’élaboration d’une stratégie cohérente qui combine et coordonne l’action publique dans tous les secteurs et d’engager une estimation budgétaire du coût de la Refondation. Dans cet exercice, il transparaît déjà que les ressources intérieures financeront en grande partie les dépenses liées à la Refondation et une partie des dépenses d’investissement. Le reste des investissements sera pris en compte dans le cadre de mobilisation de ressources extérieures, conformément à la législation en cours et à la pratique internationale.
Cela dit, la phase finale des Assises nationales de la refondation se déroulera les 27, 28, 29 et 30 décembre 2021, à Bamako. C’est l’occasion pour nous de remercier les autorités politiques, administratives, les confessions religieuses, les légitimités traditionnelles et coutumières, les forces de défense et de sécurité, les forces paramilitaires et les agents de santé, les partis politiques et regroupements de partis politiques, les organisations de la société civile, les collectivités territoriales, les ordres professionnels et autres corporations, enfin, toutes les populations maliennes pour leur mobilisation et leur engagement patriotique en faveur du Mali, leur participation massive et de qualité aux travaux des Assises nationales de la refondation (ANR). Leur engouement pour les échanges a été à la hauteur des enjeux de l’évènement, leurs fortes propositions feront le Mali de demain. Que Dieu bénisse le Mali et protège les Maliens ! Amine.
Par Zeïni MOULAYE
Président du Panel des Hautes
Personnalités
Source : L’ESSOR