Au Soudan, Omar el-Béchir est tombé, mais cela ne suffit pas pour les milliers de manifestants toujours rassemblés à Khartoum devant le QG de l’armée. Une manifestation malgré le couvre-feu imposé par les nouvelles autorités. Les Soudanais descendus dans les rues ne veulent pas du conseil militaire mis en place pour la transition, avec à sa tête le ministre de la Défense Awad Ahmed Banawf. Le nouveau pouvoir promet le dialogue et un futur « gouvernement civil » et indique qu’Omar el-Béchir ne sera pas livré à la justice internationale.
Après la reprise en main, les promesses. Après avoir annoncé la mise en place d’un conseil militaire de transition contesté dès ce jeudi 11 avril, l’armée semble maintenant décidée à donner quelques gages de bonne volonté au peuple soudanais, toujours très mobilisé. Ce matin, un général, présenté comme le chef du comité politique militaire, a pris la parole lors d’une conférence de presse retransmise à la télévision.
L’armée promet désormais qu’un « gouvernement civil » sera mis en place, sans fixer d’échéance ni préciser sa composition exacte. On sait tout de même que le ministre de la Défense sera un membre de l’armée et que les militaires désigneront aussi le ministre de l’Intérieur. Pas de quoi convaincre les manifestants à ce stade, eux qui regardent les manœuvres de l’armée avec suspicion.
À l’instar de Mariam al-Mahdi, la fille de l’opposant Sadek al-Mahdi, chef du principal parti d’opposition Oumma : « Les forces armées ne sont pas censées gouverner. Les forces armées sont censées protéger le peuple. Nous connaissons les coups militaires. Omar el-Béchir lui-même est arrivé au pouvoir après un coup d’État militaire et il est resté au pouvoir pendant trente ans. Aujourd’hui, notre pays est divisé. Il y a des troubles sociaux, des conflits intercommunautaires et des affrontements partout au Soudan. Notre économie est en grande difficulté. Donc, nous ne voulons plus d’un régime militaire. Les forces armées ne doivent pas diriger l’État, elles doivent protéger l’État. »
Pas de CPI pour el-Béchir
Le conseil militaire aux commandes depuis vingt-quatre heures a, en outre, promis d’engager un dialogue avec « toutes les entités politiques » du pays. Une première rencontre devrait avoir lieu dès cet après-midi. Mais impossible pour l’instant de savoir qui doit y prendra part, et si l’opposition choisira de parler avec les militaires.
Par ailleurs, les principaux chefs de l’armée ont confirmé vendredi lors de cette conférence de presse qu’Omar el-Béchir était en détention mais qu’il ne serait pas « livré à l’étranger ». En 2009, la Cour pénale internationale (CPI), basée à La Haye, a lancé un mandat d’arrêt contre Omar el-Béchir pour crimes de guerre et contre l’humanité lors de la guerre au Darfour qui a fait près de 300 000 morts, ajoutant en 2010 l’accusation de génocide. Mais malgré près de 150 voyages d’États, Omar el-Béchir n’a jamais été inquiété à l’étranger.
L’ONG Amnesty International a appelé à « remettre » Omar el-Béchir à la CPI afin qu’il soit jugé pour ses « crimes innommables ».
Nouveau vendredi de manifestation
Après avoir bravé le couvre-feu de l’armée cette nuit à Khartoum, les Soudanais se préparent à participer à la grande prière du vendredi. Certaines figures de l’opposition devraient les rejoindre pour marquer leur soutien et demander, à nouveau, un « véritable changement ».