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Sosoli Ma Kele Ban : Dialogue inclusif national ou la scission du Mouvement démocratique

Tiéman Hubert Coulibaly, président de l’Action Républicaine pour le Progrès, dit que les résultats du Dialogue inclusif national s’imposent à tous les Maliens. On peut lui répondre que seule la loi s’impose à tous les Maliens. On ajoutera: ainsi que les lois non-écrites, dont certaines, comme celle fondant nos six (6) régions dites administratives, de Kayes à Kidal, sont circonscrites à un domaine particulier. Le pays va mal depuis le soulèvement populaire essentiellement bamakois de 1991 : les démocrates (c’est-à-dire le mouvement démocratique) feraient mieux de l’assumer et de procéder à la refondation, non des institutions, mais du pays. Ont-ils perçu que c’est là désormais le vœu profond de la population, eux qui avaient intégré la rébellion, en la qualifiant de démocratique ?  Le Dialogue inclusif national tenu du 14 au 22 décembre 2019 a consacré la scission du mouvement démocratique en partisans de la paix (ou adversaires de la guerre) et partisans de la guerre.

   Les adversaires de la guerre

Les rebelles (les jihadistes, si l’on préfère) sont aux portes de Bamako, et ils y entreront sur un signal de Macron ordonnant le retrait de Barkhane, la MINUSMA étant neutre. En attendant, c’est le harcèlement de nos militaires. Le Chef de l’Etat, Chef des armées, après avoir longtemps stigmatisé le terrorisme, ce fléau mondial auquel nous n’échappons pas, parle désormais de guerre. « Le pays est en guerre », a-t-il déclaré le 23 décembre 2019 devant les pupilles de la Nation, réclamant, au passage, une trêve incontournable et durable. En effet, il ne s’agit pas d’une révolte localisée, avec des revendications particulières, mais d’une vraie guerre, vu que le Mali a demandé le cessez-le-feu par l’entremise de la Mauritanie, donc de la France, et l’a obtenu après la défaite de nos forces (comment l’appeler autrement ?) le 21 mai 2014, quand le Premier ministre Mara a été empêché d’atterrir à Kidal. Accusé d’avoir outrepassé ses prérogatives, il a dû s’expliquer en disant que « l’attaque lancée par l’armée malienne n’est pas venue de l’autorité politique ». Une semaine plus tard le ministre de la Défense a démissionné et Mara allait partir lui-même sous peu, avec l’aval du président de la République, ce que beaucoup de personnes, dont des membres de la classe politique, ont considéré comme un désaveu. Dès lors, comment s’étonner que Kidal ait été considéré par le secrétaire général de la MINUSMA comme un Etat, étant donné qu’il a son hymne national, son drapeau, sa fête nationale, et qu’il s’appelle l’Azawad ? Ce monsieur a été déclaré persona non grata et sommé de quitter le pays dans les vingt-quatre heures. L’a-t-il fait ? Sinon, était-il possible de le reconduire manu militari aux frontières ? Voilà un argument que peuvent d’ailleurs exploiter les partisans de la guerre. Quant aux Maliens qui ont répondu à l’invitation des rebelles, ignoraient-ils ces choses-là ?

Face aux rebelles, les partisans du statu quo (que nous appelons, pour notre part, état de ni paix, ni guerre), agiteraient le drapeau blanc, comme l’a fait le Chef des armées, IBK, pour le nommer, en mai 2014. Ce sont aussi ceux qui disent que Dioncounda a sauvé le Mali en appelant la France à la rescousse en 2012, alors que la route de Bamako était ouverte aux jihadistes. On le voit, ils se recrutent dans le parti majoritaire et ses alliés. Enfin, et pas des moindres, les amis de la paix sont ceux qui louent leurs maisons aux forces étrangères et qui ne voudraient sûrement pas perdre de si bons payeurs.

 

Les partisans de la guerre

Dans la population et dans la classe politique, des voix s’élèvent pour dénoncer la duplicité de la France, accusée d’intentions prédatrices. A Kayes une marche est organisée courant 2019 pour réclamer une alliance avec la Russie, notre vieille amie. Déjà en 2018, à Bamako, d’autres manifestants avaient dénoncé la « Flamme de la Paix » cérémonie organisée à Tombouctou sous Alpha, au cours de laquelle le régime avait symboliquement brûlé des armes. France et MINUSMA ne sont pas là pour combattre les rebelles : prenons donc nos responsabilités

Bamako n’est pas le Mali, font remarquer d’autres, se défendant d’être des va-t’en-guerre. L’armée et les partisans peuvent abandonner temporairement la capitale pour contre-attaquer à partir de n’importe quelle autre position, comme on l’a vu dans certaines grandes batailles de l’histoire. Les pays situés entre deux grandes puissances ou deux grandes civilisations ont été le théâtre de luttes interminables visant à les partager, comme on l’a vu avec la Pologne ou la Tchécoslovaquie, plusieurs fois démembrées et reconstituées ; ce serait le cas du Sahel (la bordure du Sahara, en arabe).

Le 23 décembre 2019, devant les pupilles de la Nation, le Président de la République a annoncé « une trêve incontournable et durable », annonce réitérée dans son adresse à la nation du 1e janvier 2020, tirant sur la corde sentimentale. Si ça passe, il laissera entre les mains de son successeur, dans un an (puisque le compte à rebours pour 2023 va commencer) la queue du fauve, comme on dit chez nous, lequel successeur dira, tout en nageant dans les milliards, que la situation désastreuse du pays est un héritage de son prédécesseur. Avec cette trêve, l’étau se resserrera autour du pauvre travailleur qu’on veut mettre à contribution sans qu’il s’en aperçoive.

L’opposition, dans sa grande majorité, n’a pas participé au Dialogue inclusif national, ayant ses propres termes de référence. C’est la énième et peut-être dernière implosion du mouvement démocratique.

En effet, le régionalisme avance sous le masque de la décentralisation et rappelle le fléau de l’ivoirité, quand, dans ce pays voisin, une partie du pays excluait l’autre de la nation. L’Honorable Mariko du parti SADI a bien perçu le problème, qui, dans un récent débat sur la chaîne Africable, a dénoncé le « l’émiettement » du pays en vingt régions, conduisant, selon lui, à son affaiblissement.

 

Maliens apatrides : Les réserves

Seuls les Maliens, unis, sauveront le Mali ; personne d’autre, entend-on dire. Mais qui sont les Maliens ? Selon l’analyste Kouyaté sur la radio de proximité FR3, on doit se le demander, du moment que l’on parle de « problème du Nord » et non de problème tout court. Est-ce à dire que pour le Tamacheck, le Malinké retraité établi à Kidal n’est pas « du Nord » ? Qui est du Nord et qui n’en est pas ? Ce samedi 10 décembre, Kouyaté en concluait que les Maliens ne connaissaient pas le problème qui leur arrivait, à savoir le diktat de l’ONU qui impose le fédéralisme, chacun de nos concitoyens considérant son propre point de vue comme parole d’Evangile.

Les six (6) régions administratives tirent leur légitimité à la fois de la loi et de l’Indépendance, cette dernière étant à la fois écrite et non-écrite. En effet, le 22 septembre (ou le 22 tout court), dans tout le pays, les villageois se retrouvent et font la fête. Bien terne, la création de deux nouvelles régions concédée par ATT, après celle de Tombouctou avec Moussa, dont n’avait déjà pas besoin, la ville des 333 saints ayant une autre légitimité. Les inquiétudes n’avaient-elles pas commencé depuis cette époque ?

D’autre part, 40 milliards à Ségou, 40 autres à Sikasso, rien que pour les infrastructures urbaines, sans parler des autoroutes, des hôpitaux et du développement rural : il faut en remercier ATT, IBK ,  Siaka Sidibé et Boubou Cissé. Où tomberont les prochains milliards ? Sans doute à Kita, Nara, Koutiala et Bougouni pour la construction de leurs gouvernorats, si l’on en croit l’Appel à manifestation d’intérêt du Ministère de l’Administration territoriale paru dans l’Indépendant du 31 décembre 2019.

Les patriotes apatrides viendront sûrement de ces régions sans tuteur politique et seront prêts à croiser le fer avec les rebelles-jihadistes dans une bagarre généralisée qui sera l’occasion de neutraliser ceux qui mettent leur intérêt personnel au-dessus de l’intérêt de la Nation.

C’est l’occasion de rappeler que le Mali d’avant la colonisation est différent de celui d’après les indépendances à tous points de vue : géographique, politique, moral. Indigné par la corruption généralisée, un jeune Bambara rencontré dans le taxi disait, dans un parler qu’on reconnaîtra : « An faman bè nyuan ma !» Voulait-il, avant le Dialogue inclusif national, rappeler cette maxime : « Sosoli ma kèlè ban ni cew ma nyogon nyè » ? (Les discussions ne résolvent pas les conflits : il faut en venir aux mains). Peut-être…

Ibrahima KOÏTA, journaliste

   sorymacalou 1960@gmail.com

Source: L’Aube

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