L’épisode était si étrange que beaucoup d’observateurs demeurent encore dubitatifs sur la temporalité ainsi que sur le contexte des propos troublants de Choguel Maiga. C’est pourtant bel et bien le PM fraîchement reconduit qui s’était montré méconnaissable par sa volte-face, en nuançant subitement sa traditionnelle dévotion vis-à-vis des Colonels.
Lors d’une récente sortie, en effet, le chef du Gouvernement, probablement dans l’embarras du choix entre loyauté régalienne et redevabilité partisane après l’affront du remaniement, a défrayé la chronique par ses surprenantes affirmations prophétiques sur le devenir de Transition. Dans une apparition très virale sur les réseaux sociaux, il siffle sans ciller le tarissement du narratif patriotique. Le discours patriotique, a-t-il laissé entendre, doit laisser la place à des actes plus concrets au risque de provoquer la lassitude des Maliens et de retourner leur sympathie. «Il vaut mieux travailler et quitter à temps avant d’être renvoyé», a renchéri Choguel Maiga, en étayant son propos par la nature périssable de la rhétorique nationaliste ainsi que par la tendance des masses et soutiens politiques à s’en lasser au profit des besoins sociaux les plus vitaux. Un paradigme nouveau s’impose, en définitive, suggère le PM, d’un ton où son plaidoyer pour le changement de cap se confond avec le ressenti et l’amertume de son isolement au sein du gouvernement remanié. En tout cas, depuis la sortie tonitruante du président du M5-RFP, les interrogations et spéculations fusent de toutes parts ainsi que les efforts pour dénouer l’énigme des affirmations survenues tel un cheveu dans la soupe. D’aucuns y voient une sincérité trop maladroite dans la description d’une logique, tandis certains sont persuadés d’un malaise insidieusement suscité pour mettre en garde sur sa capacité de nuisance et ses aptitudes constructives. C’est à cette construction que Choguel Maiga fait probablement allusion en suggérant de réorienter les efforts vers le développement socio-économique qu’il juge dont il reconnaît la durabilité et l’ascendant sur la vente d’illusions et d’émotions. L’affirmation sonne manifestement comme un aveu d’infantilisation des Maliens dopés de doctrine patriotique aussi fantaisiste que contre-productive et finalement déclarée obsolète après ses incidences quasi irréversibles sur le tissu socioéconomique : bras de fer avec la CEDEAO sur fond de résilience coûteuse induite à l’embargo, rupture avec les partenaires stratégiques et les ONGs sans mesures de rechange, réduction des exercices budgétaires à un régime de fonctionnement de l’Etat faute d’aides budgétaires et d’investissements étrangers. Le chemin du retour à la réalité est en définitive jonché d’embûches et d’écueils imputables au même mythe patriotique ayant inspiré aux autorités la dédicace d’une journée à la «Souveraineté Retrouvée». Le 14 janvier est ainsi poignardé par son concepteur en personne, qui assène par la même occasion un coup fatal au Programme d’Action Gouvernementale sur lequel repose ses missions de chef de gouvernement. Et pour cause : la suggestion du PM de se consacrer désormais au développement est la preuve que les deux années passées à la Primature n’auront servi qu’à la platitude discursive.
A KEÏTA
Le Témoin