Les propos du président français, à l’égard de ses homologues du Sahel, suscitent colère et indignation au sein des populations. Pour elles, c’est l’occasion, ou jamais, pour leurs Chefs d’Etat d’affirmer la souveraineté de leur pays, face à la France.
« J’attends d’eux qu’ils clarifient et formalisent leurs demandes à l’égard de la France et de la communauté internationale… Souhaitent-ils notre présence et ont-ils besoin de nous ? Je veux des réponses claires et assumées sur ces questions. C’est la raison pour laquelle, j’ai invité à Pau, le 16 décembre prochain, les cinq Chefs d’Etat africains impliqués dans le G5 Sahel, pour pouvoir apporter des réponses précises sur ces points ».
Tenus, lors d’une conférence de presse, à l’issue d’un sommet de l’OTAN, à Watfort, près de Londres, ces propos passent mal dans les pays du Sahel.
Dans certains pays, comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso, les populations demandent à leurs Chefs d’Etat de ne pas s’y rendre à ce qui équivaut à une « convocation ».
Un pernicieux rapport de vassalité entre la France et ses ex-colonies
Opposés au départ de leur président à Pau, les Nigériens sont descendus dans la rue. Avec des slogans hostiles à la France. « Le président français souhaiterait que les Chefs d’Etat du Sahel lui donnent les garanties qu’ils prendront des dispositions pour empêcher les critiques contre la présence des forces militaires françaises. Donc, c’est un défi et un recul sur le plan démocratique. C’est grave, il a été très mal inspiré », indique Moussa Tchangari, leader de l’Association « Alternatives, Espaces Citoyens », une organisation de la société civile.
En clair, le président français demande à ses homologues du Sahel de réprimer, dans leur pays, toute critique contre l’armée française.
Et Issa Garba, porte-parole de l’ONG « Tournons la page » d’ajouter : « Le président Mahamadou Issoufou ne devrait même pas envoyer son directeur de cabinet à ce sommet. Ma conviction est qu’Issoufou ne devrait même pas y aller. Il n’a pas de compte à rendre à Macron ».
Quand Sarkozy, dit-il, le prédécesseur de Hollande à l’Elysée, avait des problèmes au Niger, il s’était déplacé. « C’est le président Macron qui a des intérêts au Niger. Mais, nous, quels intérêts avons-nous en France ? », conclut-il dans un accès de colère.
Un sentiment de rejet légitime
Au Mali et au Burkina Faso, les populations n’en pensent pas moins. Pour les Maliens, IBK doit opposer « un non catégorique » à l’invitation du président Macron à Pau. A l’instar d’un certain Alpha Oumar Konaré, qui avait refusé – contrairement à ses homologues du pré carré français – de se rendre à l’invitation de Jacques Chirac à Dakar.
Pour l’ex-président malien, dont IBK aura été le Premier ministre, six ans durant, « cette convocation relevait d’un pernicieux rapport de vassalité, instauré par l’ex-colonisateur.
« C’est à la France de clarifier sa position, considérée comme ambiguë », rétorque Master Soumy, rappeur malien. Avant de poursuivre : « La France doit prendre au sérieux le sentiment de rejet, de contestation et de dénonciation du peuple malien à son égard, car il est légitime ».
Ex-ambassadeur de France au Mali, Nicolas Normand résume mieux les raisons de la colère des Maliens contre la France. C’était dans une interview, accordée, récemment, à notre confrère « Sputnik-France » : « En 2013, l’opération Serval a constitué un péché originel qui ne nous a, toujours, pas été pardonné par les Maliens. En appuyant les séparatistes du MNLA (ndlr : Mouvement National de Libération de l’Azawad) et en libérant la ville de Kidal, donnée, ensuite, à ces séparatistes, l’intervention française a empêché l’armée malienne de libérer la totalité du territoire national »
Sur les cinq Chefs d’Etat du Sahel convoqués à Pau, le 16 décembre prochain, seul le président burkinabè annonce sa présence à ce sommet. Surfant sur la polémique suscitée, dans son pays, par les propos du président français, Rock Marc Christian Kaboré rétorque : « Nous allons répondre à cette invitation, car de part et d’autre, nous avons des choses à clarifier ».
Oumar Babi
Source: Journal le Canard Déchainé