Les femmes entendent faire entendre leurs voix lors du grand rendez-vous franco-africain, afin de consolider leur participation à l’émergence économique du continent.
Le Premier ministre Modibo Keïta a présidé, hier, la cérémonie solennelle d’ouverture du « Forum genre et développement ». C’était en présence de plusieurs membres du gouvernement, dans un théâtre Bazoumana Sisoko du Palais de la culture Amadou Hampâté Ba de Bamako plein comme œuf. Y étaient aussi des présidents d’institutions nationales, des diplomates étrangers et plusieurs anciens ministres.
Ce forum de 2 jours est l’un des 4 fora de mobilisation en prélude au 27è sommet Afrique– France qui se tiendra en janvier 2017. Il enregistre la participation de délégations venues de pays africains, de France… Sur le thème « l’entreprenariat féminin dans le domaine de l’agro-business – comment développer l’agro-business, clé de l’émergence de l’Afrique ? », cette rencontre réunit plus de 300 acteurs du développement. Elle se déroulera autour de séances plénières et de communications animées par des experts, chercheurs, universitaires, femmes leaders. « Une attention particulière sera accordée aux expériences de certains pays reconnus en la matière », précisent les organisateurs.
Organisé par le ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, cette rencontre vise, entre autres, à consolider la participation des femmes à l’émergence économique de l’Afrique, à réfléchir sur les outils capables de favoriser l’autonomisation socioéconomique effective des femmes. Il s’agit aussi de penser l’impact de l’environnement et des facteurs climatiques sur les activités agricoles des femmes entrepreneurs et sur leur accès à la propriété foncière.
Souhaitant la bienvenue aux délégations, le maire de la Commune V, Boubacar Bah, s’est appesanti sur la fonction créatrice de revue et de richesse de la femme africaine. A sa suite, la présidente de la commission d’organisation dudit forum, Maïga Sina Demba, rendra compte des recommandations issues des ateliers régionaux et national, suite aux missions effectuées auprès des productrices et femmes entrepreneurs dans toutes les régions du Mali.
De cette vingtaine d’ateliers, informera-t-elle, il a été constaté une similitude entre les difficultés auxquelles les femmes entrepreneurs sont confrontées. Parmi ces angoisses qui freinent la promotion des activités de nos productrices, l’ancien ministre Sina Demba énumérera l’accès difficile des femmes à la propriété foncière, aux facteurs de production et au financement. Elle révèlera que des femmes font face à des contraintes liées à l’accessibilité et la disponibilité des structures d’appui et de conseil. Les problèmes de qualité, de compétitivité et de conservation des produits devront aussi être pris en compte.
Corroborant ces difficultés soulevées, le représentant résident de ONU femme, Dr. Maxime Houinato, a affirmé que les femmes ont toujours constitué les fondations des économies nationales en Afrique. Avant de plaider pour la création d’un environnement favorable à l’entreprenariat féminin. Ces facilités à leur accorder, selon lui, devront comprendre la facilitation de l’accès au financement, le transfert de compétences techniques et technologiques pour augmenter la compétitivité des entreprises féminines.
Chapelet de mesures. « Le décollage économique, l’atteinte de dividende démographique ne seraient possibles que lorsque les femmes ont les moyens d’accéder à l’éducation et à la santé pour le développement du capital humain. La paix que nous poursuivons ne serait possible que lorsque les femmes ont les moyens entre leurs mains », a-t-il soutenu. Sous de fortes acclamations, il a déclaré : « Les femmes sont fatiguées des petits sous, de la microfinance et du petit maraichage qui ne rapportent pas de revenus substantiels ».
L’ambassadeur de France au Mali, Evelyne Decorps, a salué les participantes françaises pour avoir fait le déplacement de Bamako. Elle a profité de l’occasion pour transmettre un message de solidarité des Européennes à leurs sœurs africaines. « Ce que vous connaissez, nous l’avons connu. Nos mères et grand-mères l’ont connu. Il est nécessaire que les gouvernements prennent des mesures pour la promotion des activités féminines », a insisté la diplomate française, comme pour interpeller les décideurs du monde.
Se disant consciente des défis à relever, le ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Sangaré Oumou Bah, a égrené un chapelet de mesures prises pour l’autonomisation de la femme malienne. Comme pour dire que « le développement de l’entreprenariat féminin est à la fois un gage du progrès et une des pierres angulaires à l’édification d’une économie nationale prospère ».
Parmi ces projets qui prouvent la volonté politique des autorités à faire de la femme l’un des acteurs du développement, Sangaré Oumou Bah a, à titre d’exemple, cité le démarrage effectif des Programmes nationaux pour le développement des plateformes multifonctionnelles de lutte contre la pauvreté, de développement de la filière karité et autres pour un montant de plus de 2 milliards de Fcfa. Elle a aussi fait mention du fonds d’appui à l’autonomisation de la femme et à l’épanouissement de l’enfant, de l’octroi aux femmes et jeunes de 10% des terres aménagées dans le cadre de la loi d’orientation agricole…
Au plan politique, le ministre Sangaré Oumou Bah a salué les retombées de la loi relative à la promotion du genre aux postes nominatifs et électifs. Pour elle, ce texte a fait naître une nouvelle génération de femmes. Pour preuve, elle a cité la participation (selon les résultats provisoires) de plus de 26 000 candidates aux élections municipales du 20 novembre dernier, sanctionnée par l’élection de 2.830 d’entre elles. « Avec 51,87% de taux de participation, les femmes ont damé le pion aux hommes », s’est-elle réjouie, avant de saluer le Premier ministre pour son appui constant. Ce dernier, après s’être un peu ressourcé au travers de la musique de l’ensemble instrumental du Mali, a rappelé : « Nos ancêtres associaient les femmes à toutes les décisions qu’ils prenaient et qui intéressaient la vie de la société ou de la nation ». Le chef du gouvernement a insisté sur la fonction sociale de la femme tout en soulignant sa fonction économique qui n’est plus à démontrer.
« La présence de deux objets (le couteau et l’aiguille) dans les trousseaux de la femme est significative. Celle-ci ne doit pas être tel un couteau pour couper les liens de sang ou sociaux. Comme une aiguille sert à coudre les habits, la femme doit œuvrer pour la paix et la cohésion sociale, en usant, s’il le faut, de ses larmes comme de son sourire », a recommandé le patron de l’exécutif dans un bambara châtié.
C. M. TRAORE
Source : L’ Essor