Les deux héros du commando Hubert sont les premiers soldats disparus dans une opération de sauvetage décidée par le chef de l’Etat.
La mort, dit-on, hante le Palais de l’Elysée. Elle escorte chaque jour son illustre occupant. C’est dans les sous-sols de ce lieu en apparence paisible, dans le PC Jupiter, que se nouent bien souvent la vie et la mort de concitoyens, soldats comme otages, ou d’ennemis de la Nation. Selon que le président appuie sur le bouton, des Français regagnent le pays sain et sauf, ou dans des cercueils ceints du drapeau tricolore.
Les deux héros du commando Hubert sont en ce sens, du moins officiellement, les premiers morts d’Emmanuel Macron dans une opération de libération d’otages. C’est lui qui a pris jeudi dernier, en trente minutes depuis la Roumanie, la décision ultime d’envoyer les forces spéciales. « C’est la solitude du pouvoir, relève un proche. Il est le chef des armées. On lui a suffisamment reproché d’avoir été dur avec le général De Villiers. A la fin des fins, c’est lui qui prend la décision ! »
« La question ne se pose pas comme ça pour lui. Il considère comme président, porteur d’une certaine vision de la France, que le principe est qu’on ne touche pas à un Français, sinon on en paie le prix », décrypte un conseiller.
« Présider la France, c’est épouser son malheur »
C’est François Hollande, dont la voix tremble encore lorsqu’il évoque les 239 victimes du terrorisme durant son mandat, qui en parle avec les mots les plus poignants. « La mort durant ces cinq ans ne m’a jamais quitté », écrit-il dans « Les Leçons du pouvoir » (Stock). « Présider la France, c’est épouser son malheur. C’est accompagner le long cortège de nos défunts », dit-il, marqué au fer rouge par la soirée du 11 au 12 janvier 2013, lorsqu’il dut déclencher en même temps l’intervention militaire au Mali et la tentative de libération de l’agent Denis Allex en Somalie. La nuit se solda par quatre morts, trois soldats et l’otage.
Des proches de Nicolas Sarkozy considèrent,
Des proches de Nicolas Sarkozy considèrent, pour leur part, que ce dernier a senti le poids de la charge s’abattre sur ses épaules en août 2008, lors de la cérémonie organisée aux Invalides en hommage aux dix soldats français tombés dans l’embuscade d’Uzbin, près de Kaboul.
Cette question de la vie et du trépas, cette responsabilité écrasante, Macron en parle régulièrement en privé. Lui qui était ministre lors des attentats de 2015 s’y était préparé. « Sa différence avec ses prédécesseurs, c’est qu’il est le premier président en état d’urgence de fait. Sarkozy a été président avant les attentats, qui se sont produits pendant le mandat de Hollande. Emmanuel est entré dans les habits du chef de l’Etat avec ce background, relève l’ancien porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, candidat à la mairie de Paris. Dès les premiers jours, il a eu sur les épaules le poids du risque terroriste, il savait qu’il allait être amené à prendre des décisions qui pouvaient emporter la vie de commandos marine, de paras, pour combattre le terrorisme. »
«Macron ne prend pas ça à la légère, regardez-le!»
« Président, ce n’est pas une fonction, c’est plus profond que ça, parce qu’on a en charge les raisons profondes de vivre d’un pays, et entre les mains la responsabilité, la vie, la mort, le sacrifice et le risque », analyse François Bayrou, proche parmi les proches. « Macron ne prend pas ça à la légère, regardez-le ! Cette dimension parfois tragique ne le quitte pas », achève un ami en évoquant ses cheveux blanchis et son visage prématurément vieilli.
Paradoxe, ce jeune homme de 41 ans a pour l’heure, dans sa vie personnelle, été relativement épargné. Mais la disparition en 2013 de sa grand-mère Manette, l’autre femme de sa vie, qui a rendu son dernier souffle dans ses bras à 96 ans, l’a ravagé.
La mort, décidément, rôde autour du président. Au soir du 15 avril, alors que le feu gagne le beffroi nord de Notre-Dame, menaçant la survie même de la cathédrale, c’est Macron encore qui, comme il l’a raconté le lendemain à quelques amis, a donné le feu vert final aux pompiers pour envoyer des hommes dans les escaliers des tours. Au risque, majeur, qu’ils s’y trouvent pris au piège. L’unique moyen d’éviter que l’édifice ne s’effondre.
« Ils ont pris la décision ensemble, ça a été pour lui une très grande émotion », rapporte un confident. Lorsque le président quitte les lieux avec son épouse en milieu de soirée, il a le ventre noué. Mais la tragédie, cette nuit-là, a été évitée.
Source: leparisien