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Soldats condamnés pour viols au Soudan du Sud: le difficile combat des victimes

Témoignage exclusif pour RFI, celui d’une travailleuse humanitaire présente lors de l’attaque d’un hôtel par des soldats sud-soudanais à Juba en juillet 2016. Dans la capitale, les combats faisaient rage entre l’armée du président Salva Kiir et les hommes de son vice-président Riek Machar.

Comme quatre autres femmes, Sabrina a été violée par ce groupe d’une dizaine de militaires, qui a également assassiné le journaliste John Gatlouak. Ce jeudi, deux d’entre eux ont été condamnés à la réclusion à perpétuité par une cour martiale, les sept autres à 14 ans de prison. Sabrina était la seule des victimes présentes lors de ce procès et son témoignage a été déterminant.

RFI : Quelle a été votre première réaction après ce verdict ?

Sabrina : La journée d’hier a été très importante pour moi. Ma première réaction a été : j’ai gagné, nous avons gagné, les femmes ont gagné. Ce procès est crucial pour les Sud-Soudanais, car c’est la première fois que la justice reconnait le viol comme une arme de guerre. C’était donc important pour toutes ces femmes, pas juste dans ce pays, mais dans tous les pays en guerre, où le viol n’est pas considéré comme un crime. Cela faisait deux ans que je me battais. J’ai commencé tout de suite après cet incident, je ne voulais pas rester silencieuse, j’avais besoin d’obtenir justice. Ce n’était pas facile, car je ne pouvais pas retourner dans ce pays, mais je ne voulais pas non plus abandonner, même si beaucoup de gens, autour de moi, m’ont conseillé d’abandonner, car selon eux il n’y aurait pas de vrai procès. Mais je n’ai pas abandonné, et donc hier ça été la preuve qu’on peut obtenir gain de cause. Et que c’est important de croire en la justice.

Pourquoi avez-vous décidé de retourner au Soudan du Sud et de témoigner ?

La cour martiale voulait abandonner ce procès parce que personne ne voulait venir témoigner dans le pays. Et la cour ne voulait pas accepter que les victimes témoignent par vidéo-conférence. Quand j’ai su qu’ils avaient besoin d’un témoin, ça été très dur pour moi de prendre la décision de revenir. L’idée de me rendre à Juba et d’être confrontée à ceux qui m’avaient persécuté était horrible. Cela me faisait faire des cauchemars, aujourd’hui encore d’ailleurs. Mais j’en ai parlé à ma famille, et ils m’ont encouragé. Ils m’ont dit qu’ils étaient fiers de moi. Et j’ai décidé de venir témoigner, même si j’y allais seule. Parce qu’aucune des victimes ne voulait y retourner ce que je comprends tout à fait. Mais je me suis dit qu’il ne fallait pas attendre quoi que ce soit de ce procès. Si mon témoignage sert à quelque chose, tant mieux, sinon je pourrais me dire que j’ai fait ce que j’ai pu.

Certaines critiques disent que ceux qui ont été condamnés ne sont que de simples soldats, que leur hiérarchie a été protégée et ne sera jamais inquiétée. Qu’en pensez-vous ?

Bien sûr qu’ils sont coupables, j’ai été violée par cinq soldats et j’en ai reconnu quatre. Un autre ne m’a pas violée, mais il m’a battu tellement violemment qu’aujourd’hui encore, j’ai des problèmes de dos. Je les ai reconnus tout de suite. Comment est-ce que je peux oublier des gens qui m’ont fait ça ? Je ne peux pas oublier leur visage, jamais ! Ils sont coupables. Ils ont décidé de me violer et de violer des femmes. Savez-vous combien de Sud-Soudanaises sont victimes de viols tous les jours et souffrent en silence parce qu’elles ne peuvent pas parler ? Pour moi, ces soldats sont coupables. Maintenant est ce qu’il y a eu des ordres au-dessus d’eux ? Est-ce que leur supérieure hiérarchique aurait dû être tenue responsable ? Je ne sais pas, mais j’espère vraiment que ce procès permettra de faire changer le comportement des soldats de ce pays.

Ce procès est le premier qui a permis de condamner au Soudan du Sud des soldats pour viols. Certains disent qu’il n’a été possible uniquement parce que les victimes étaient des étrangères, et qu’il y a eu des pressions sur le gouvernement sud-soudanais.

Bien sûr, le fait que les victimes soient toutes des étrangères, cela a donné plus d’ampleur à ce procès. Mais je veux rester positive. J’espère que cela servira de précédent pour ce genre de crime. De toute façon, le verdict est positif, il y a maintenant un précédent et ça, c’est important. J’espère qu’à l’avenir les femmes de ce pays auront le courage de parler, de dénoncer et qu’elles seront protégées. Car comment peuvent-elles dénoncer ces crimes si elles ne sont pas protégées ?

RFI

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