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Sociétés de sécurité privée : En marche vers la professionnalisation

À Bamako et ailleurs dans le pays, l’insécurité et les actes de criminalité augmentent  de plus en plus au fil des années. Des particuliers ou des entreprises diverses sollicitent donc des agents civils de sécurité auprès des sociétés de gardiennage et de surveillance. Alors que le secteur se professionnalise, ses acteurs s’adaptent, pour faire face à des menaces jusque-là inconnues.

 

« En novembre 2017, j’ai perdu malheureusement cinq de mes éléments, dès la première rafale, dans l’attaque du camp de la MINUSMA de Tombouctou. Nous sommes par la force des choses devenus la tête de proue d’un monde que nous ne maîtrisons pas ». Ces propos sont ceux du Directeur général du groupe Securicom Perfect, Président du Groupement national des entreprises de gardiennage, de  surveillance, de transport de fonds et de protection des personnes et des biens (GNEGSTFPPB), Mamadou Sidibé. Le secteur de la sécurité privée au Mali, particulièrement à Bamako, est en plein essor. 406 sociétés sont agréées sur le territoire, mais beaucoup d’autres n’ont pas pu être recensées. Une prolifération qui s’explique par une demande croissante de la part des particuliers, des banques et des entreprises. L’insécurité et le banditisme sont devenus des phénomènes avec lesquels il faut désormais composer. Et, pour ce faire, une bonne règlementation et une professionnalisation du domaine sont nécessaires. C’est pour cela qu’un bureau composé de 17 membres, issus de différentes sociétés de gardiennage et de surveillance, a lancé le 21 décembre 2018, à l’ex-Cres de Badalabougou, ses activités, sous le patronage du ministre de  la Sécurité et de la protection civile, le général Salif Traoré.

Règlementer et professionnaliser

« Les sociétés privées sont régies par la loi 94-020 du 21 février 1996 et ses décrets de modalités d’application », rappelle l’inspecteur général de police Moro Diakité, du ministère de la Sécurité et de la protection civile. Un texte qui ne répond plus aux exigences actuelles. C’est pourquoi il a été revu en 2018. « De 1996 à nos jours, la situation sécuritaire n’est plus la même. C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire de revoir les aspects qui peuvent être mis à jour, ce qui nous a amenés à modifier cette loi et son décret d’application », explique l’inspecteur général.

Dans la loi de 1996, il était spécifié que toute société qui souhaitait s’installer faisait une demande au ministère de la Sécurité et de la protection civile pour obtenir un agrément. Mais rares sont celles qui ont respecté ces prescriptions. « Il y a des conditions, comme avoir un siège, un capital, un personnel formé. Au niveau de Securicom Perfect, nous avons un agrément depuis 2004 », souligne Mamadou Sidibé, le Directeur. Depuis des années, l’anarchie et le désordre se sont invités dans la pratique de l’activité et les demandes de récépissés se sont multipliées. Sur le territoire national, le ministère indique que de la multitude de sociétés de gardiennage et de surveillance existante, seulement une vingtaine seulement fonctionne normalement. « Plus de 2/3 de ces sociétés n’existent que dans un sac. Elles sont  fictives et, en plus, certains des agents de celles qui travaillent ne sont pas déclarés à l’INPS et ne payent pas d’impôts. C’est pour cela que le groupement mis en place essaye de canaliser et de contrôler ce secteur d’activités », reconnait Mamadou Sidibé, qui dirige également le GNEGSTFPPB.

Dans l’objectif de circonscrire les demandes de création de sociétés et de décourager d’éventuels promoteurs indélicats, le ministère a mis la barre haut. Les conditions d’obtention d’un agrément ont été durcies. « Avant, il suffisait de payer cent mille francs au niveau du Trésor, comme frais d’étude du dossier, pour avoir l’agrément, mais nous avons pris l’année dernière un décret interministériel (Ministères de la Sécurité et de la protection civile, de l’Économie numérique et du Commerce) indiquant qu’il faut désormais cinquante millions de capital pour les entreprises qui veulent  exercer à Bamako et trente pour celles de l’intérieur du pays », détaille l’inspecteur général Moro Diakité.

En outre, la nouvelle loi modifiée apporte des innovations dans le cadre de l’armement et de la professionnalisation. « La loi de 1996 et son décret d’application disaient simplement que les sociétés privées de gardiennage pouvaient utiliser des armes de 2ème et de 3ème catégorie et que les sociétés de protection de personnes  n’étaient pas habilitées à être armées. Mais, avec l’évolution de la situation sécuritaire, nous avons réfléchi sur la manière par laquelle ces sociétés pourraient être armées », explique l’inspecteur général. Il ajoute, « à la faveur de la relecture des textes, nous avons autorisé les fusils à pompe et l’usage de chiens, tout cela dans le cadre de la professionnalisation de l’activité ».

 

Nécessaire port d’arme ?

« De nos jours, la criminalité a augmenté et beaucoup de nos clients demandent des agents armés. Nous avons sollicité auprès du ministère de la Sécurité la formation de nos éléments en maniement d’armes, parce que même si ce sont des fusils de chasse, s’ils ne savent pas les manipuler, ils peuvent être un danger pour eux et pour autrui », souligne Mamadou Sidibé. Selon lui, le ministère les assiste en autorisant leurs « éléments à aller se former à l’École nationale de police ou à celle de la gendarmerie ». Lui-même est promoteur d’un « Centre agréé de formation professionnelle en sécurité » (CFPS). Une exigence du ministère dont il relève.

« À partir du moment où l’on a autorisé les agents à porter des armes, il leur faut une formation. Ils ne vont plus être recrutés dans la rue. Il faut qu’ils passent par un centre de formation agréé ou par un centre de formation de l’État, pour qu’à leur sortie ils aient une attestation », insiste l’inspecteur  général Moro Diakité. Les armes sont uniquement au compte et sous la responsabilité de l’entreprise employeuse. « Tous les fusils sont déposés dans un lieu approprié, conçu spécialement à cet effet. À la fin du service de chaque agent, il le remet », précise le chargé de mission. Certaines sociétés privées ont le souci d’un service de qualité. C’est le cas de la Société de gardiennage et de surveillance de Bamako (SOGESBA). « Un client peut solliciter un vigile armé. On étudie la possibilité, ainsi que la moralité du gardien qui doit porter l’arme pour assurer le service », rapporte Modibo Traoré, Directeur administratif et financier.

Des sociétés indispensables ?

Les défis sécuritaires auxquels le pays est confronté obligent l’État à se concentrer sur ses priorités. Bien que le banditisme et la délinquance soient notoires dans les centres urbains, la menace terroriste reste le souci majeur. « Le niveau de dangerosité de la ville de Bamako a augmenté. N’importe qui peut faire n’importe quoi. En 1966, le gardien pouvait dormir, mais maintenant, si on lui donne pas une arme et un gilet pare-balles, il peut mourir », analyse le président du GNEGSTFPPB. Il poursuit « nous sommes des civils, non des militaires, mais le niveau de criminalité exige qu’on ait une réaction militaire ». Ces sociétés, sur le chemin de la professionnalisation, sont désormais d’un grand intérêt pour les autorités. Une masse de ressources humaines. « À Bamako, il n’y a pas un seul quartier où il n’y ait pas une société de gardiennage. Nous avons l’œil sur tout ce qui se passe. Nous sommes un potentiel formidable pour nos forces de défense et de sécurité, mais nous sommes totalement ignorés », estime le directeur de Securicom Perfect.

Une grande opportunité pour les autorités, à un moment où l’essentiel de leurs effectifs est déployé sur le terrain. « Avec la situation sécuritaire que nous connaissons dans le pays, surtout au centre et au nord, nous sommes tous les jours sollicités par les privés, les banques, les assurances et des personnalités, qui demandent une garde rapprochée », détaille l’inspecteur général de police Moro Diakité.

Avec la professionnalisation du secteur, un partenariat pourrait bien se nouer avec le ministère de tutelle pour la sécurité des personnes et de leurs biens.

Acherif Ag Ismaguel

Journal du Mali

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