« chaque malienne et chaque malien que nous n’aurions pas su protéger de l’insécurité est un mort que chaque dirigeant, politique ou ministre du gouvernement, devraient avoir sur sa conscience »
Le Premier ministre, Chef du Gouvernement, Dr Boubou Cissé, accompagné des membres de son gouvernement, dont les ministres de la Défense et des Anciens Combattants, le Général de Division Dahirou Dembélé ; de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Boubacar Alpha Bah et du Chef d’état-major général des Armées, le Général de Division Abdoulaye Coulibaly, était, hier mardi, dans le village de Sobame Da, dans la Commune de Sangha, région de Mopti où des hommes armés soupçonnés d’être des terroristes ont lancé un assaut meurtrier contre des populations civiles dans la nuit du 9 au 10 juin 2019.
L’attaque de ce village dogon a débuté dans la soirée de dimanche, pour s’achever vers le milieu de la nuit, selon des témoignages.
Elle fait suite au massacre, le 23 mars dernier, à Ogossagou, de quelque 160 Peuls, attribué à des chasseurs dogons, dans cette même région frontalière du Burkina Faso, devenue la plus sanglante du pays.
Selon les témoignages des villageois, les assaillants sont entrés « en criant Allah akbar, Allah akbar » (« Dieu est le plus grand » en arabe), a déclaré le gouverneur de la région de Mopti, le général Sidi Alassane Touré, lundi soir, sur la télévision publique, l’ORTM.
Depuis l’apparition, en 2015, dans la région, du groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, agriculteurs qui ont créé leurs « groupes d’autodéfense ».
M. Cissé a quitté mardi matin Bamako en avion pour se rendre dans ce village endeuillé. Le PM et ses accompagnateurs étaient allés pour constater de visu l’horreur de la situation et témoigner aux populations la compassion du Président de la République, Chef de l’État Ibrahim Boubacar Keita et du gouvernement. « Apporter le réconfort de la nation et vérifier que les mesures de sécurité ont été renforcées », a précisé son cabinet à l’AFP.
Sur place, la délégation a pu constater l’horreur que les populations de ce petit village ont subie. Des hommes, des femmes et des enfants indistinctement et aveuglément éliminés, des habitations et des greniers éventrés et brûlés, des animaux froidement massacrés. La furie des assaillants a tout emporté.
Les survivants hébétés ne comprennent toujours pas comment des hommes ont pu, et en toute conscience, se livrer à de tels actes sur leurs semblables, selon la délégation du PM.
Pour le Premier ministre, « c’est une épreuve difficile qui endeuille notre Nation tout entière et même heurte la conscience humaine. Toutes ces victimes de l’horreur et de la barbarie nous rappellent la responsabilité qui nous incombe, en tant que dirigeants, de renforcer et d’accélérer les efforts sécuritaires, économiques et politiques entrepris en faveur de la paix et de la réconciliation ».
La délégation s’est rendue au cimetière du village où elle a prié pour le repos de l’âme des disparus. Toujours sous le coup de l’émotion, le Premier ministre a déclaré aux rescapés : « Puisse l’âme de ces innocentes victimes de la discorde et de la haine reposer en paix. Ceux et celles qui sont partis, froidement et lâchement assassinés, sont nos parents à nous aussi, nos frères, nos sœurs, nos enfants. Votre douleur est la nôtre aussi ».
Avant de prendre congé de ses hôtes, le Premier ministre a, au nom du gouvernement et du sien propre, réitéré ses condoléances aux familles des victimes, à tout le village, à toute la communauté et souhaité un prompt rétablissement aux blessés.
Il a promis que les assassins et leurs commanditaires où qu’ils soient, seront traqués et poursuivis devant la loi. Il n’a pas occulté la responsabilité des pouvoirs publics, car a-t-il confessé : « chaque Malienne et chaque Malien que nous n’aurions pas su protéger de l’insécurité est un mort que chaque dirigeant, politique ou ministre du gouvernement, devrait avoir sur sa conscience ».
Quant au président Ibrahim Boubacar Keïta qui a écourté un voyage en Suisse, il était attendu dans la journée de ce mardi à Bamako.
« Ce n’est pas à un cycle de vengeance, de vendetta, que ce pays doit être conduit », a déclaré lundi soir IBK à Genève. Il a au contraire appelé à des « retrouvailles » entre Maliens, « qui seules vont nous permettre de rebondir et permettre à notre nation de survivre. Car nous sommes en question de survie ».
Les autorités ont attribué l’attaque à des « terroristes », apparemment en référence au groupe de Koufa.
« Le mode d’opération – hommes à moto, référence à Dieu lorsqu’ils sont arrivés, etc. – indique effectivement qu’ils ont utilisé des méthodes jihadistes. Mais la réalité est plus complexe », a estimé le chercheur malien Ousmane Diallo, spécialiste de cette région.
Par Sidi DAO
Info Matin