AFP – “C’est lui, c’est lui le cycliste fou!”, s’exclame un enfant dans le hall d’entrée de l’hôpital d’Evreux (Eure). De son doigt, il pointe Pierre-Michaël Micaletti, sportif de l’extrême lancé pour six jours non-stop à vélo.
Après 90 heures à pédaler et près de 2.000 km avalés sur place, sa tentative, parcourir l’équivalent d’un Tour de France, soit près de 3.000 km, sur un vélo à pignon fixe, était proche du but samedi. Premier coup de pédale mardi à 13h00, dernier tour de roue prévu lundi à la même heure: encore 48 heures de galère pour ce marathonien du vélo.
A travers ce défi sportif et humain, Micaletti, spécialiste des courses sur très grande distance, lance un clin d’oeil à ces épreuves mythiques des Six Jours de la fin du XIXe siècle.
“Je me sens bien, en pleine forme même”, expliquait tout sourire vendredi après-midi ce Marseillais de 47 ans, les muscles tendus par l’effort mais l’attitude décontractée, contrairement à son équipe médicale.
Celle-ci étudie constamment l’évolution de ses paramètres physiologiques grâce aux nombreux capteurs fixés sur son corps, le faisant “quelque peu ressembler à Robocop”, en rigole-t-il.
“Musculairement, il souffre, tout comme son taux sanguin. En temps normal, avec de tels résultats, on demanderait à une personne de tout arrêter”, explique Alexandre Abel, chargé du suivi scientifique et sportif du défi.
Nourrir son mental
La performance de “Mica” prend pourtant ici tout son sens: “Son organisme se reconfigure grâce aux signaux envoyés par son cerveau. Grâce à son mental, son corps est prêt pour un effort de longue durée”, précise M. Abel.
Pour compenser les 7.000 calories que Micaletti brûle chaque jour, et outre les 3 litres d’eau et les multiples fruits qu’il lui faut ingurgiter, tout est bon pour “nourrir le mental”. Quitte à rogner parfois sur la diététique.
Voilà qu’il se met à boire un soda et manger un éclair au chocolat. Depuis le début, “chaque soir je bois une demi-bière. C’est jouissif!”, explique, “en danseuse”, ce sportif qui habituellement ne boit pas une goutte d’alcool.
“Je n’ai rien à prouver. J’ai juste beaucoup d’énergie et j’essaie de la partager”, dit-il. C’est réussi: l’expérience attire un public varié, externe mais aussi interne au service de rééducation.
En fauteuil roulant après un accident de la route, Kassem Erragueb poursuit sa rééducation à l’hôpital: “Cela m’inspire du courage. Ça me donne espoir. En le voyant, je me dis pourquoi pas!”.
D’autres souhaitent l’accompagner -concurrencer?- dans son défi en grimpant sur l’un des trois autres vélos sur rouleaux mis à disposition. S’il leur arrive d’aller plus vite que ses 30 km/h de moyenne, ils abandonnent au bout de quelques kilomètres, laissant le “fada” poursuivre sa longue route, seul.
“Aller au bout!”
“Mica” échange constamment avec les visiteurs, son “bonus de motivation”, explique-t-il. Et les interlocuteurs ne peuvent se déplacer, il leur répond via Facebook sur l’ordinateur devant son guidon.
Vient le moment de sa (courte) pause. Après s’être déchaussé, il s’allonge sur un matelas sommaire. “Je sens le sommeil profond arriver, ça me permettra de récupérer mes jambes et ma tête”, soupire-t-il, avant de s’endormir profondément.
10 minutes plus tard, il se réveille, frais, avant d’entrer au vestiaire pour une petite douche, “le meilleur moment de la journée”.
Cuissard et maillot changés, pommade anti-frottements appliquée, ventilateurs rallumés pour éviter la déshydratation, il se remet en selle pour la suite de son défi.
“Il faut que je change de stratégie. J’étais prudent et je gérais mon effort jusqu’ici. Là, je le sens pas trop mal, et il va falloir aller au bout!”, lâche-t-il sous les yeux ébahis de son équipe.
“On dort plus que lui, mais on craquera avant, c’est sûr!”, conclut Cyril Lebordais, son agent.
Source: RFI