De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la mainmise du militaire sur le politique en cette période de transition. D’autant plus que cela n’aurait point permis à améliorer la situation sécuritaire du pays. Outre l’embuscade de Tessit qui fut 33 morts cotés FAMa, de nombreux autres attaques tendent à prouver que la place des tenants du pouvoir actuel seraient plus au front que dans le confort mondain des séminaires et autres ateliers. Donc, la situation sous IBK et celle actuelle seraient la même, et beaucoup se mettent à se demander si c’était vraiment la peine de faire chuter le président IBK.
D’entrée de jeu, il faudra préciser une chose d’une grande importance. La gestion d’IBK à la tête du pays n’aura pas été à la hauteur des attentes placées en lui. Alors qu’il paraissait aux yeux de tous comme un homme d’Etat à poigne et pouvant remettre force à l’autorité, très rapidement, il est apparu comme un chef d’Etat sans véritable vision, et surtout faible. Mais, fallait-il pour autant le faire démissionner tout en sachant le périlleux état dans lequel le pays se trouve, et ce en plein mandat ? Le seul départ d’IBK et de « son système » aurait-il suffi à mettre le Mali sur les rails, même si à l’époque, la coalition civilo-politique qui avait le vent en poupe promettait que cela serait suivi par des actes forts et bien réfléchis ? Autant de questions qui, dans l’apparence paraissent périmées, restent encore à l’ordre du jour.
Jeudi 16 aout 2018, Ibrahim Boubacar Keita est réélu à la tête du pays pour un deuxième mandat. Le renversement électoral tant promis par une grande frange de la classe politique n’eut pas lieu, et Soumaila Cissé, était un challenger bien trop solitaire pour pouvoir remporter la manche face au président sortant. Malgré le mercure social qui était en ébullition, et une grande hostilité de la part de nombre de politiques maliens, IBK reste président. Moins de deux ans plus tard, les problèmes du pays sont toujours là, et surtout, les frustrations atteignirent un niveau rarement vécu de mémoire Malien. Le régime d’IBK, déjà aux abois et fortement affaibli par une gouvernance qui aura montré toute ses limites, se retrouve fortement menacé par le M5 RFP, la CMAS et EMK, coalitions société civile- partis politiques. Ces derniers, après avoir sondé le pouvoir en place, et avoir remarqué qu’il était fortement ramolli, auraient préféré, comme qui dirait, asséné le coup de grâce. Peu importe qu’une telle démarche soit anti démocratique ou anti constitutionnelle, il fallait changer d’habillage gouvernemental, car le peuple avait trop souffert.
Pourquoi donc, deux ans auparavant, les hommes politiques qui auront fréquenté les circuits du pouvoir sous le premier mandat d’IBK et qui se sont regroupés au sein, entre autres, du M5 RFP n’ont pas eu la grande idée de se fédérer pour battre IBK, le « seul véritable problème du Mali » ? Il s’agissait de l’occasion idéale de rectifier le tir, et ce, en accord avec la loi et toutes les principes démocratiques. Surtout qu’en 2018 lors des élections, comme en 2020 lors des fameuses manifestations sur la place de l’Indépendance, les problèmes qui assaillaient le Mali étaient les mêmes. IBK, aussi chaotique que fut sa gestion, ne pouvait être « démissionné » pour la simple raison que cela était contre tous principes démocratiques.
Les figures de proue du M5 RFP, de la CMAS et d’EMK, « expertes » de la chose politique, n’auraient pas mesuré la gravité de leur démarche. Car forcer un président élu à démissionner, même s’il l’a été dans des conditions qui ne grandissent point la démocratie malienne, s’apparente quelque peu à un coup d’Etat. Et ce qui est malsain dans une telle démarche, c’est qu’aucune autre alternative n’aura été soumis au peuple malien de leur part, afin d’éviter au pays un autre cas de figure semblable à celui de 2012. Vraisemblablement, elles auraient surfé sur la vague des frustrations du moment pour couler le régime en place déjà abois.
Mais pour quelle raison ? Il semblerait que ces personnalités ayant pour beaucoup fait partie du paysage politique malien depuis des années voudraient se remettre au cœur du jeu. Il aurait été bien plus facile d’accompagner le régime IBK en proposant des débuts de solutions pour chaque secteur-clé, et en même temps, moraliser autant que possible le peuple afin de semer dans l’imaginaire collectif des réflexes d’équité et de justice pour tous. Au lieu de ça, il semblerait que le Mali aurait adopté la fâcheuse tendance de commettre un putsch à chaque fois que le pouvoir vacille. La classe politique a une grande part de responsabilité et il est fort à parier que des années plus tard, le même scénario se répète.
Aujourd’hui, le coup d’Etat profite aux militaires qui auront pris la responsabilité de commettre le putsch car beaucoup de postes clés de la nation sont occupés par eux. Chose qui reste en travers de la gorge des dirigeants des mouvements du M5 RFP et compagnie. Ils auraient tellement voulu être à la place de ces derniers. Tel est pris qui croyait prendre, pourrait-on ainsi résumer.
Ils essayent à nouveau de se fédérer et de rassembler autour d’eux. Mais entre temps, ils auront déçus nombre de leurs partisans, et surtout, l’exaspération et la lassitude auront pris le pas sur tout.
Ahmed M. Thiam
Source: Infosept