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Services publics : L’INVASION DU PETIT COMMERCE

Nos administrations sont devenues des marchés où l’on achète et vend un peu de tout par la faute des vendeurs ambulants mais aussi des fonctionnaires-commerçants

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La rue était, il y a encore peu, l’unique territoire de prédilection du commerce informel. Mais la situation évolue et ce négoce, qui fait vivre un segment non négligeable de notre société, a fait irruption dans les bureaux de l’administration publique notamment dans les grandes villes comme les capitales régionales et les chefs-lieux de cercle. Aujourd’hui, dans ces administrations tout s’achète et se vend comme au marché du coin.

A Bamako, par exemple, personne ne sursaute en croisant des camelots, les bras chargés d’articles les plus divers, arpenter les allées d’un ministère ou d’une direction nationale en quête de potentiels acheteurs, au mépris de tout contrôle.

Paradoxalement, beaucoup de travailleurs de ces administrations semblent s’accommoder parfaitement de cette pratique qui leur permet d’acquérir sur place des articles dont ils ont besoin, souvent même à crédit jusqu’à la fin du mois.

L’extraordinaire développement de cette pratique, pourtant nuisible au rendement et à l’image de l’administration, dénote pas tant d’une absence de réglementation spécifique contre le phénomène mais plutôt d’un laisser-laisser des responsables des services publics qui ferment les yeux plutôt que d’apparaître « méchants » ou « mesquins ».

Yaya Kaba, chargé de communication au Commissariat au développement institutionnel (CDI), n’en revient pas. Il estime que le cadre du travail doit être serein pour permettre aux agents d’être le plus efficace possible. Il y va aussi de leur propre sécurité. « Mais quand on laisse n’importe qui pénétrer dans un service sans pour autant savoir ce qu’il porte, on expose tout le monde sur cet espace au danger, surtout en ces temps où notre pays est la cible convoitée d’islamistes radicaux ». De fait, Yaya Kaba déplore la passivité des agents d’accueil et des services de sécurité chargés du contrôle des entrées et des sorties dans les administrations où ils officient.

La présence d’agents de sécurité à l’entrée des services devrait en principe empêcher cette anarchie, estime-t-il. Depuis l’avènement des sociétés de gardiennage dans l’univers de la sécurité, les établissements publics louent leurs services afin de garantir la sécurité dans les services. Mais ces agents, très peu professionnels il est vrai, semblent ignorer leur rôle et montrent peu de rigueur dans le contrôle des personnes qui accèdent aux locaux.

Abdoulaye A. Touré, un agent de sécurité à l’Institut national de prévoyance Sociale (INPS), avoue que la tâche n’est pas du tout aisée. Toutefois, assure-t-il, les vigiles font de leur mieux pour appliquer les consignes de l’employeur. « Nous avons reçu comme consigne d’identifier les usagers en vérifiant leur identité. Notre employeur nous a formellement interdit de laisser les vendeurs pénétrer dans l’espace de travail avec leurs marchandises », assure Touré qui déplore les agissements intempestifs de certains cadres qui intiment l’ordre aux vigiles de laisser passer leurs protégés, en dépit des consignes. Pire, des agents subalternes, souvent des femmes, s’adonnent au commerce au sein même des services, écoulant un éventail infini de produits.

Léon Traoré, lui, vend des parfums. Nous l’avons rencontré à la direction nationale des impôts, il juge que son activité n’entrave en rien le bon fonctionnement des services qu’il fréquente. Il est même persuadé qu’il fait gagner un temps précieux à ses clients à qui il épargne un déplacement jusqu’au marché pour acheter un parfum, des rasoirs ou des chemises. La pratique du commerce dans les bureaux est, soutient-il, vieille comme l’histoire de la bureaucratie au Mali. Mais l’essor de ce type de négoce n’est-il pas imputable au laisser-aller général qui s’est emparé de l’administration trois décennies et même plus ? Notre vendeur se garde bien de répondre à cette question qui n’est d’ailleurs pas de son ressort.

L’idéal pour lutter contre le phénomène, pensent certains experts du développement institutionnel que nous avons rencontrés, aurait été de loger toutes les administrations d’Etat à la cité ministérielle où le contrôle du flux des usagers est relativement aisé. La cité a justement été conçue pour offrir un cadre de travail harmonieux et sécurisé aux agents d’Etat. Mais, même son enceinte, on croise aujourd’hui des marchands ambulants.

Pour le moment, l’absence de texte interdisant spécifiquement cette pratique permet toutes sortes de dérives. Le directeur adjoint de la fonction publique, Broulaye Traoré, confirme cette absence de textes répressifs néfaste à l’environnement du travail. Ce déficit réglementaire interpelle, de son point de vue, tous les décideurs. Il faut, estime-t-il, plus de vigilance des agents de surveillance et une règlementation plus stricte du domaine public des administrations. D’ici là, Broulaye Traoré invite les chefs de service et tous ceux à qui incombent la responsabilité de gérer le service public, à prendre des mesures drastiques pour freiner ce phénomène qui cause beaucoup de tort au fonctionnement normal de l’administration d’Etat.

Lougaye ALMOULOUD

 

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