Dans un rapport fourni, la banque d’affaire à capitaux russes Renaissance Capital, a analysé la situation des grands groupes bancaires d’Afrique subsaharienne, notamment Ecobank Transnational Incorporated. Selon leurs analystes, le groupe Ecobank doit envisager à moyen terme de fermer certaines de ses filiales, s’il veut redevenir durablement profitable pour ses investisseurs.
« Nous pensons que le premier problème clé avec l’expansion d’ETI en Afrique est que cela s’est produit trop rapidement. La banque opère actuellement dans 33 pays africains, et, bien que nous reconnaissions qu’ETI est actuellement en phase de consolidation, nous pensons que l’expansion a été mal exécutée », ont indiqué d’emblée les analystes de Rencap.
Les pays dans ligne de mire de cette analyse sont la Guinée Bissau, le Burundi, le Mali, La République Centrafricaine, la Gambie, le Mozambique ou encore le Malawi. Leurs économies sont jugées peu attractives, en raison d’un faible niveau d’instruction des populations, un bas niveau de revenus ou des environnements d’exploitation trop difficiles.
De l’avis de Rencap, plutôt que de multiplier les présences en Afrique, il aurait été plus judicieux de suivre l’exemple de prudence donné par United Bank for Africa.
Chez Renaissance Capital, on pense que le projet panafricain d’Ecobank ne s’est pas traduit par les objectifs attendus, même s’il est vrai que l’équipe dirigeante actuelle ne fait que rattraper les erreurs commises par les précédents dirigeants.
De l’avis de Rencap, plutôt que de multiplier les présences en Afrique, il aurait été plus judicieux de suivre l’exemple de prudence donné par United Bank for Africa. Mais surtout, il fallait d’abord régler le problème de la filiale nigérianne, qui demeure la plus importante pour le groupe et qui rencontre un certain nombre de difficultés.
Ecobank Nigeria se remet peu à peu, mais mérite une sérieuse attention
Entre 2012 et fin 2017, la part des actifs d’Ecobank Nigeria a représenté en moyenne 34% des actifs globaux du groupe, même si elle a baissé à 30% à la fin 2016. La banque d’investissement russe insiste sur le fait que l’un des défis de la filiale nigériane porte sur l’encours de ses créances douteuses, qui ont atteint 780 millions $ à la fin 2016.
De 21% de moyenne entre 2004 et 2010, ils ont baissé dans le portefeuille des prêts pour atteindre 7,5%. Mais cela tient à deux choses. D’une part, la création et le financement d’une entité spéciale de résolution de ce problème qui a absorbé l’essentiel de ces créances pourries, et d’autre part une dévaluation du naira qui a réduit la valeur en dollars.
Dans le même temps, résoudre la question des créances douteuses ne suffira pas à apporter l’équilibre nécessaire à Ecobank Nigeria. La filiale, ces derniers temps, a continuellement perdu des parts de marché au sein de la première économie d’Afrique, pour ce qui est du crédit à l’économie.
Renaissance Capital démontre que cet handicap n’est pas seulement le fait de la faiblesse des capitaux propres, qui limiterait la capacité à prendre des engagements auprès de la clientèle. Les données financières publiées par le secteur bancaire nigérian indiquent en effet, qu’en 2012, Ecobank Nigeria se classait au sixième rang en terme de crédits accordés à l’économie avec une part de 7,5%. A la fin de l’exercice 2016, alors que la part de ses concurentes a augmenté, la filiale d’ETI est restée à la sixième place mais avec une part de marché de seulement 5,9%.
L’UEMOA et le Ghana comme alternatives mais à la durabilité incertaine
Ecobank pourrait aussi s’appuyer sur ses nouveaux relais de croissance, notamment au Ghana et la zone UEMOA. La filiale ghanéenne a fortement contribué à la solide performance du cluster Afrique de l’Ouest anglophone (AWA), dans les réalisations globales. Avec des actifs représentant seulement 13% du total de bilan consolidé d’ETI, la zone AWA a pesé pour 39% dans son bénéfice avant impôts entre la fin de l’exercice 2015 et le troisième trimestre 2017.
Avec des actifs représentant seulement 13% du total de bilan consolidé d’ETI, la zone AWA a pesé pour 39% dans son bénéfice avant impôts entre la fin de l’exercice 2015 et le troisième trimestre 2017.
Mais le miracle ghanéen semble à bout de souffle. Le rendement sur le capital d’Ecobank Ghana affiche effectivement une moyenne de 35% sur les 8 dernières années, une performance assez exceptionnelle pour une banque d’Afrique subsaharienne. Mais après le pic de 45% atteint en 2014, cet indicateur a commencé à baisser au fur et à mesure que s’accumulait les créances douteuses au Ghana. A la fin du troisième trimestre 2017, le retour sur les capitaux d’Ecobank Ghana n’était plus que de 23%.
La zone UEMOA est aussi devenue un bon contributeur du groupe bancaire. Elle représente près de 35% des actifs du groupe et le succès de l’offre publique initiale d’Ecobank Côte d’Ivoire est un indicateur positif, même si, par la suite, son action s’affiche en baisse sur la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières, depuis le début de l’année 2018.
Renaissance Capital défend la logique du tout Nigéria, parce que de son point de vue, c’est la filiale qui présente le plus de valeur potentielle sur le long terme. Toutefois, ses analystes sont conscients de ce que se désengager de certaines de ses filiales ne sera pas une mince affaire pour Ecobank, en raison de nombreuses contraintes, notamment règlementaires : « Alors que nous pensons que la stratégie panafricaine de la banque n’a pas fonctionné, la sortie des filiales en difficulté sera entravée par des limitations réglementaires, et par conséquent ne devrait pas être le principal objectif de la direction. Si nous devions réduire la tâche à une seule filiale, il est clair que ce serait de se concentrer sur le Nigeria. », conclu Rencap.
Un nouvel épisode « Ecobank History » après le scandale des créances douteuses ?
L’Agence Ecofin a approché le groupe ETI pour avoir sa position sur cette analyse, et est toujours dans l’attente de réponses à quelques questions. Avec la publication des résultats de l’exercice 2017 attendus très prochainement, des éléments de précisions pourraient être fournis notamment aux investisseurs.
On peut toutefois rappeler que Renaissance Capital, qui est actionnaire d’Ecobank, a voulu prendre le contrôle du groupe, il y a quelques années. Mais il est apparu par la suite que sa tentative d’offre publique d’achat avait été jugée hostile par les anciens dirigeants du groupe, notamment Arnold Ekpe, initiateur de l’expansion panafricaine d’ETI.
On peut toutefois rappeler que Renaissance Capital, qui est actionnaire d’Ecobank, a voulu prendre le contrôle du groupe, il y a quelques années.
Selon des sources qui avaient été recoupées par l’Agence Ecofin en 2017, la technique de défense avait été de passer par la filiale nigérianne qui, à ce moment là, était la plus solide. Elle aurait prêté de l’argent à des société d’investissement chargées de racheter massivement des actions d’Ecobank afin de diluer la participation de Renaissance Capital. Le prêt étant garanti sur ces actions, leur perte de valeur à la suite de la crise financière de 2008, a creusé un trou béant dans les comptes d’Ecobank Nigeria. S’en est suivie une grosse division au sein des équipes dirigeantes du groupe. Ecobank n’a jamais clairement commenté ces faits et son nouveau management semble vouloir laisser ce mauvais souvenir loin derrière.
Le groupe est désormais focalisé sur le tout digital, dans une logique de réduction de ses charges d’exploitation. Mais il faudra encore patienter pour atteindre les objectifs de rentabilité souhaitée et, pendant ce temps, les actionnaires, surtout les plus petits, attendent sans fin la création de valeur pour leurs investissements dans le capital de la banque.
Source: agenceecofin