Dix ans. Le 10 février 2005, la Corée du nord se déclarait puissance nucléaire. Une décennie après cette assertion, qu’en est-il réellement et quelle est l’étendue de l’arsenal à la disposition de Kim Jong-un? Eléments de réponse avec Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique et expert des questions de non-prolifération.
Depuis 2005, comment a évolué le programme nucléaire de la Corée du Nord?
Depuis cette date, Pyongyang s’est affirmé, réalisant trois essais nucléaires. Nous n’avons pas d’informations très précises sur le degré de succès de ces essais, mais il est certain qu’ils ont été réalisés, ce qui signifie que la Corée du Nord progresse et teste ses dispositifs, même si, parmi les huit pays réputés pour avoir l’arme nucléaire, elle est celui sur lequel on a le plus de doutes sur ses capacités techniques et opérationnelles.
Connait-on l’étendue de l’arsenal nucléaire nord coréen?
C’est un pays qui n’a pas d’énormes ressources, et qui ne possède pas un arsenal nucléaire très important. Selon les estimations, la Corée du Nord aurait un peu moins de cinq à une quinzaine d’équivalents d’armes nucléaires au maximum. Et on estime que quelques armes nucléaires sont assemblées.
Sans compter ses missiles balistiques…
Oui, et c’est le plus inquiétant. La Corée du Nord mène depuis la fin des années 1990 en parallèle de son programme nucléaire un programme de missiles balistiques. Elle a effectué en 1998 un premier test, avec le Rodong-1 (un missile à portée moyenne, jusqu’à 1.600km), puis en 2006, le test du missile Taepodong 2 (dont la portée est estimée à 6.700 km) et enfin celui de la fusée Unha, emportant un satellite, en 2009.
Cela montre sa progression dans la fabrication de missiles de longue portée: en quelques années, elle est passée d’une portée régionale à pratiquement toute l’Asie, voire au territoire américain. Or, l’inquiétude de la communauté internationale est de voir ces deux programmes -nucléaire et missiles-, se rejoindre, et permettre à la Corée du Nord de fabriquer des missiles suffisamment gros pour emporter une tête nucléaire, avec une portée intercontinentale.
Alors que les sanctions sont de peu d’influence…
Tout à fait. La Corée du Nord est un pays extrêmement fermé et isolé, donc peu sensible aux sanctions économiques, à la différence de l’Iran par exemple, qui a besoin de vendre son pétrole, son gaz… Et, même s’il existe un processus diplomatique, il est dans l’impasse, et n’a pas pu empêcher les essais précédents de se produire.
Faut-il craindre que la Corée du Nord utilise ses armes nucléaires contre ses voisins?
Cela va bientôt faire 9 ans que le premier essai a été réalisé, et Pyongyang n’a pas commis de bêtise depuis, même s’il n’a pas particulièrement fait preuve de retenue envers ses voisins (nombreux incidents avec la Corée du Sud, tir de missile au-dessus du territoire japonais,…). Les Nord-coréens savent que l’emploi de l’arme nucléaire entraînerait forcément une réaction tout aussi violente.
Mais, dans le cas de ce régime hyperdictatorial, hypermilitarisé et aux réactions imprévisibles et erratiques, comme l’a montré la guerre cybernétique lancée contre Sony pour un film comique, il n’est pas possible d’exclure ce scénario catastrophe, même si ce n’est pas le plus vraisemblable. J’espère que Kim Jong-un ne commettra pas l’erreur de déclencher une guerre nucléaire, mais si un homme au monde est capable de le faire, c’est bien lui.
Source: 20minutes.fr