Ségou, 11 octobre (AMAP) Il est 16 heures, au marché du quartier Somono, à Ségou. Le site est installé au bord de la route, en face de l’hôpital Nianakoro Fomba. Les vendeuses de poisson tiennent ici le haut du pavé.
Les commerçantes sont assises le long de la route qui passe devant une grande banque de la place. Elles attirent les clients autour de leurs produits exposés sur une table confectionnée à cet effet. Ambiance ! Les commerçantes, les clients et les nettoyeuses animent l’espace. Les ménagères sont certaines d’avoir, ici, du bon poisson frais pour régaler leur famille. Ce marché, très sollicité par les amateurs de poisson frais, est dominé par les femmes bozo. La vendeuse Fatoumata Labinta est assise devant une table surchargée de poissons de diverses tailles et une balance.
A côté de l’étal, sont empilés des paniers remplis de marchandises. Fatoumata révèle qu’elle écoule du poisson, sur cette même place, depuis plus de 20 ans. «Elle est devenue grossiste. Elle sert plusieurs vendeuses ambulantes qui achètent pour aller revendre en ville. Comme pour anticiper ma question, Mme Labinta enchaîne : « Depuis cette date, je n’ai rencontré aucune difficulté pour bien tenir mon foyer. L’entente est parfaite entre mes copines vendeuses».
La solidarité et l’entraide sont agissantes entre les vendeuses. En effet, l’une n’hésite pas à orienter un client vers l’autre, si elle ne peut pas satisfaire la demande. Notre interlocutrice s’en sort très bien. Cette activité lui permet de participer aux dépenses de son foyer. Après son mari, qui n’est pas pêcheur, Mme Labinta est le deuxième soutien de la famille aujourd’hui. Fatoumata est ravitaillée matin et soir par de fidèles fournisseurs bozo.
Elle propose du capitaine, du tilapia et d’autres espèces qui peuplent le fleuve Niger et ses affluents. « Le prix du poisson indique t-elle, souriante, dépend de la qualité et de l’espèce de poisson. Le kilogramme est cédé entre 2.250 et 3.000 Fcfa », dit-elle. Ce qu’elle ne dit pas, par contre, c’est que le prix est, aussi, fixé à la tête du client. En effet, nous avons observé que les habitués bénéficient de prix d’ami.
L’optimisme de notre commerçante est tempéré. Le marché est morose en ce moment. Mme Labinta souligne que « les temps sont durs pour nous. Nous avons un problème de conservation de nos marchandises. Souvent, nous sommes obligées de bazarder nos poissons ou de les vendre à crédit ».
Non loin de notre première interlocutrice, est assise la jeune Fatoumata Djiré. Elle est déscolarisée depuis quelques années. Peu après avoir abandonné les bancs de l’école, la jeune dame a suivi les traces de sa mère Bintou Founè. Celle, qui est issue d’une grande famille somono à Ségou, connaît tout sur le poisson. Elle avoue, fière, que ce métier est comme un héritage. Ce commerce, espère Fatoumata, aidera sa maman à réunir son trousseau de mariage. La jeune femme ambitionne de se prendre en charge dans l’avenir. Elle est convaincue que pour l’équilibre du foyer, en ces temps durs, chaque conjoint doit contribuer aux dépenses de la famille.
PROBLEME DE CONSERVATION –Grâce à cette activité, elle arrive à satisfaire ses besoins fondamentaux sans dépendre de personne. Apeine a-t-elle fini cette phrase qu’elle aborde un client en lui proposant plusieurs espèces de poissons fraichement pêchées dans le fleuve. La jeune vendeuse de poissons propose le tas de 4 à 5 petits poissons entre 500 et 1.000 Fcfa « C’est vrai qu’ils sont petits. Tout le monde n’a pas les moyens d’acheter les gros ou même les moyens. Ces tas de petits poissons me font faire de bonnes affaires», témoigne Fatoumata. Le seul problème auquel elle fait face est la conservation de sa marchandise. Pour ne pas tout perdre, « je cède ma marchandise à un prix inacceptable. Plusieurs clients profitent de cette faiblesse du marché», se plaint la jeune Fatoumata Djiré. Avant de plaider la cause de ses « collègues » de travail confrontées elles, aussi, à ce handicap.
Elle lance un appel aux autorités, aux associations de femmes et à toutes les bonnes volontés de les aider à résoudre ce problème de conservation. Le poisson, correctement réfrigéré, restera frais plus longtemps que le poisson n’ayant fait l’objet d’aucune forme de conservation. Les techniques de froid, notamment le recours à la glace, prolongent, effectivement, la fraîcheur du poisson et d’intensifient la capture. Les opérations de pêche sont rentabilisées. D’où, de meilleures retombées économiques pour les pêcheurs. Les produits présentés à la vente dans un bon état de conservation se vendent à un bon prix, en gros ou au détail.
Nous nous transportons au milieu du marché du « Petit château », à Hamdallaye. L’histoire de la vieille dame qui nous accueille est intéressante. L’expérimentée Aminata Djiré alias « Bayini » est commerçante de poissons depuis 35 ans. La vieille a commencé sa carrière en nettoyant les poissons achetés par les clients. Très populaire dans ce marché, « Bayini » est, aujourd’hui, une grande distributrice de poissons. Au début, elle faisait le « porte à porte » pour vendre ses poissons. Cet effort a porté fruit. Elle a économisé et, surtout, elle a appris à mieux connaître le monde du poisson dans lequel elle voulait évoluer. « Dieu merci. Je ne me plains pas. Je vis bien de mon activité », explique-t-elle.
Notre interlocutrice est entourée de clients et de revendeurs. Mais, elle ne s’affole pas. Elle arrive à calmer le jeu. Chez « Bayini», toutes les bourses trouvent leur compte. Par ailleurs, à côté des espèces tirées du fleuve, notre commerçante propose des poissons de mer moins prisés. Le kilo de cette catégorie va de 2.000 Fcfa à 3.000 Fcfa quand le kilogramme de capitaine du fleuve est cédé à 3500 Fcfa. « Mais parfois, le marché est tellement lent qu’on est obligé de revoir les prix à la baisse pour écouler vite la marchandise, parce que les produits pourrissent vite », dit « Bayini ».
L’avantage de ce commerce est que les familles des vendeuses consomment le poisson sans trop dépenser. Cette source de revenus aide les maris à faire face aux imprévus. Pourquoi le marché de poissons est dominé par les femmes dans la Cité des Balanzans ? Ce phénomène n’est pas propre à Ségou. Depuis toujours, les pêcheurs allaient pêcher. Mais leurs épouses se chargeaient de vendre les produits au marché pour faire face aux besoins de la famille. « Les données ont changé avec le temps », explique « Bayini ». Aujourd’hui, à Ségou, une femme n’a pas besoin d’être épouse d’un pêcheur pour exercer le commerce du poisson.
AT/MD (AMAP)