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Secteur agro-industriel : Des financements à redynamiser

Le développement des filières agro-industrielles est essentiel à la construction d’un avenir durable pour le Mali, pays en développement. De l’amélioration des rendements et des opérations de collecte dans les exploitations agricoles jusqu’au transport et à la distribution des produits sur les marchés, en passant par les activités liées à la transformation et au stockage, le relèvement de ce défi implique d’importants investissements afin de développer toute la chaîne de valeurs.

 

Mais, aujourd’hui encore, véritable frein à l’essor des entreprises agro-alimentaires, la question des financements est loin d’être réglée. Si des actions d’envergure ont été initiées par le gouvernement pour faire face à cette situation, le secteur bancaire s’active également pour apporter son appui aux projets agro-industriels.

Dans un pays essentiellement agricole, l’économie du Mali repose également sur un secteur industriel qui, bien que peu développé, contribue à créer une grande valeur ajoutée  et est pourvoyeur de milliers d’emplois. La transformation des produits issus de l’agriculture offre au pays un secteur agro-alimentaire qui bénéficie d’importantes potentialités.

Parmi celles-ci, on peut relever entre autres la disponibilité en ressources agricoles et forestières, l’expérience et le savoir-faire séculaires des populations en matière d’utilisation des produits agricoles, l’ancrage de certains produits transformés traditionnels dans les habitudes alimentaires et l’existence d’une forte demande potentielle en produits locaux transformés.

« Le climat malien est favorable à la production d’une gamme très variée de produits, dont les céréales, les fruits et légumes, le bétail, le poisson, les tubercules et racines, les graines protéo-oléagineuses et les plantes stimulantes », relève Mahalmoudou Touré, Directeur adjoint de la Direction nationale de l’industrie.

Appuis aux financements

Pour financer le secteur agro-industriel au Mali, les banques essaient d’accompagner les entreprises et les particuliers porteurs de projets rentables afin qu’ils puissent développer leurs unités de production.

Aussi, la Banque nationale de développement agricole (BNDA), principal pourvoyeur d’appui financier au secteur, et dans son rôle de banque de développement au sens large, accorde une importance particulière au financement du l’agro-industrie.

Elle a financé en 2018 ce secteur, inclus dans sa segmentation du rural, à hauteur de 53% de ses octrois totaux, qui se chiffraient à près de 460 milliards de francs CFA. La BNDA offre une large gamme de financements aux entreprises agro-industrielles, notamment les financements à court terme, qui constituent ceux des besoins en fonds de roulement, et les financements à moyen et long terme que sont les investissements.

« Les financements à court terme concernent essentiellement les achats de matières premières et de crédits de commercialisation. Ils se font sous forme de crédit direct, c’est-à-dire des avances sur stock ou sur marché, et d’engagement par signature, comme le crédit documentaire ou la lettre de garantie, tandis que le financement des investissements peut concerner l’implantation d’une nouvelle unité, l’accroissement de la capacité de production d’une unité déjà existante, l’achat d’équipements de remplacement ou encore celui de matériels roulants, en l’occurrence les camions ou véhicules de livraison, entre autres », explique Hamadoun Ousmane Bocoum, Directeur des grandes entreprises et des institutionnels à la BNDA.

Pour lui, même si un constat général de difficulté d’accès à ces financements pour certaines entreprises se dégage, il faut le relativiser, parce que c’est la résultante d’autres facteurs, tels que la mauvaise structuration ou organisation, la concurrence déloyale et le coût moyen de production, élevé. Néanmoins, la banque s’efforce d’appuyer dans la mesure du possible un grand nombre d’entreprises.

« Nos conditions de financements sont assez souples et nous permettent même d’accompagner quelques très petites unités agro-industrielles dans l’huilerie et l’aliment bétail, qui sont plus ou moins dans l’informel. En plus, nous jouons un rôle de conseil financier pour permettre à certaines d’entre elles de s’organiser, de se formaliser, d’améliorer leur structure financière et, in fine, d’avoir des projets bancables », souligne M. Bocoum.

Contraintes diverses

Bien que de nombreuses initiatives existent au niveau des banques pour le financement du secteur agro-industriel au Mali et que l’État ait créé les conditions pour l’accroissement de ces financements, des contraintes de taille subsistent encore. Elles sont principalement de trois ordres, selon Hamadoun Ousmane Bocoum. « Le problème de compétitivité par rapport aux produits importés, le problème de fiabilité des informations financières fournies et le caractère informel d’une très grande majorité de ces entreprises ».

Par ailleurs, la non rentabilité de la plupart des projets freine également leur accès aux financements de la part des banques. « Nous analysons les projets. Nous regardons surtout le business plan, la rentabilité. Parce que souvent c’est là que se situe le problème. Les porteurs ont des idées, mais elles ne sont pas rentables. Quand vous développez un projet qui ne convainc pas la banque sur son aspect rentabilité, elle ne pourra pas apporter de financement », confie une source interne à Orabank Mali.

Les difficultés d’accès aux zones de production, à des fournitures locales de qualité, ainsi que l’absence d’infrastructures d’appui opérationnelles constituent également un grand frein au plein essor du secteur agro-industriel dans le pays.

Mais, comme pour rappeler que malgré l’existence de difficultés d’accès aux financements, avec l’autofinancement et la volonté inébranlable de chaque porteur de projet, les initiatives dans le secteur agro-alimentaire peuvent aboutir sur de très grands résultats. La société Amina Konaté, créée en 2008 avec des moyens financiers très limités, avec ses produits de la marque Bara Mousso, se positionne aujourd’hui comme l’une des plus grandes réussites industrielles du Mali.

« J’ai commencé avec un fonds de démarrage de 120 000 francs CFA que l’une de mes sœurs m’avait octroyé. Deux ans après, j’ai créé Bara Mousso avec 800 000 francs CFA, en me débrouillant et avec la confiance des fournisseurs. Aujourd’hui, par la grâce de Dieu, notre chiffre d’affaire va de 8 à 18 milliard de francs CFA », témoigne Boureima Doumbia, fondateur de la société Aminata Konaté et créateur de la marque Bara Mousso.

« Il n’y a pas de petit fonds. L’essentiel est de croire en ce que l’on fait pour atteindre les objectifs fixés, même si  vous commencez avec 10 000 francs CFA », conseille celui dont la quinzaine de variétés de produits sur le marché est très prisée par les ménages au Mali et même dans la sous-région.

Mesures incitatives

En vue de promouvoir le secteur agro-industriel et de faciliter l’accès aux financements des projets, le gouvernement du Mali a engagé une série d’actions d’appui au secteur sur le long terme.

Parmi elles, la relecture et l’adoption du Code des investissements, en vue d’instaurer un régime douanier et fiscal plus incitatif et d’offrir des garanties supplémentaires aux investisseurs, ainsi que le renforcement des moyens opérationnels du Guichet unique, notamment à travers l’informatisation des opérations d’enregistrement et la réduction des délais de formalités de création d’entreprises et de traitement administratif des dossiers.

Ensuite, l’adoption de textes législatifs et réglementaires portant sur l’aménagement et la gestion des zones industrielles, en vue de permettre aux investisseurs d’accéder à des parcelles à usage industriel viabilisées au moindre coût, l’élaboration et l’adoption d’un plan d’actions pour l’amélioration du climat des affaires, de même que l’opérationnalisation de l’Agence pour la promotion des investissements au Mali (API-Mali) et le renforcement du Fonds de développement économique (FDE) .

Enfin, l’adoption d’une Loi d’orientation du secteur privé, la création de l’Agence pour la promotion des exportations (APEX) et la mise en place d’un Fonds national d’investissement et d’un Fonds de garantie.

Toutefois, bien qu’on ne puisse parler d’un sous-financement du secteur agro-industriel au Mali, le nombre total des industries dans le pays, d’une façon générale, reste très faible comparé à celui des pays voisins. Un peu plus de 900 unités, selon les chiffres de la Direction nationale des industries, contre  plus de 4 000 au Sénégal et plus de  6 000 en Côte d’Ivoire.

C’est pourquoi, il parait aujourd’hui plus que jamais nécessaire que l’État consolide la dynamique déjà enclenchée de mesures favorisant l’épanouissement du secteur agro- industriel. « Les banques ne resteront certainement pas en marge d’une telle initiative de développement du tissu industriel de notre pays », conclut M. Bocoum. 

Journal du mali

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