Alors que la CEDEAO maintient la pression, les militaires au pouvoir sont réticents quant à la publication de la Charte de la transition censée définir les missions de la transition, mais surtout celle de ses acteurs. Et pourtant, des journées de concertations ont été organisées du 10 au 12 septembre dernier, pour tenter de donner ce semblant de légitimité à ce document devant servir de guide et référence durant cette période d’exception. L’histoire est-elle en train de donner raison au M5-RFP qui avait pourtant crié à la manipulation des recommandations des participants à ces journées ?
La CEDEAO refuse toujours de relâcher la corne, malgré la désignation du Président de la transition et d’un Premier ministre civil. Elle pose trois conditions pour que la corde soit détendue : la libération des détenus, la dissolution du CNSP et la clarification du rôle du vice-président. Bientôt deux mois donc, après le coup d’État qui a chassé le Président Ibrahim Boubacar KEITA du pouvoir, c’est toujours le statu quo à Bamako : pas de gouvernement, les 2/3 du pays échappent toujours au contrôle des autorités, l’insécurité urbaine est à son comble et le pays demeure sous embargo de l’organisation communautaire de la CEDEAO. C’est un véritable coup dur pour les finances publiques et le panier de la ménagère.
Au lieu de trouver rapidement une solution à ces préoccupations, la junte militaire qui a renversé le pouvoir démocratique du Président IBK s’illustre par ses jeux troubles. Après avoir driblé son ‘’partenaire stratégique’’ du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), c’est aux chefs d’État de la CEDEAO et le peuple souverain du Mali qu’ils tiennent tête. En effet, conformément à la volonté des chefs d’État de la CEDEAO, les autorités de Bamako peinent toujours à publier la Charte de la Transition, qui pourtant, est en train d’être malicieusement glissée en lieu et place de la Constitution du 25 février 1992, malgré que les militaires refusent d’admettre qu’il y a eu coup d’État et que le texte fondamental reste valable. Pourquoi ce texte auquel l’on confère une telle importance n’est pas encore publié au journal officiel et reste étranger aux Maliens ? Selon un observateur, « le CNSP risque de perdre toute crédibilité, en voulant gérer le pouvoir alors qu’il n’a pas eu le courage d’assumer le coup d’État ».
Pour mieux comprendre ce jeu de cache-cache auquel jouent actuellement les militaires, il faut remonter à la fin des concertations des 10, 11 et 12 septembre 2020. Dès la fin de ces travaux, le M5-RFP a fait constater ‘’que le document final lu lors de la cérémonie de clôture n’était pas conforme aux délibérations issues des travaux’’.
L’ancien Mouvement de contestation qui se considérait comme ‘’partenaire stratégique’’ des militaires leur reproche d’avoir tripatouillé les conclusions des concertations, « notamment sur les points suivants : la reconnaissance du rôle du M5-RFP et des martyrs dans la lutte du Peuple malien pour le changement ; le choix majoritaire d’une transition dirigée par une personnalité civile… »
Le Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) accuse le Comité national pour le salut du peuple d’avoir, par fait de prince, introduit dans la charte ses propres desiderata qui n’ont jamais été soumis aux débats : les prérogatives du Vice-président de la transition ; la composition et le mode de désignation des membres du collège de désignation du Président de la transition ; l’acte fixant la clé de répartition entre les composantes du Conseil National de Transition.
Pire, le M5-RFP, par la voix de SY Kadiatou SOW, s’était insurgé contre “la volonté de confiscation du pouvoir par le CNSP et ceux qui le soutiennent” et dénoncé un charcutage du rapport général qui devait être adopté à l’issue des Journées de concertation nationale sur la transition dans notre pays. Voilà que les militaires de Kati, qui semblent désormais dans la logique de s’éloigner des champs de bataille au nord et au centre du pays, cherchent désespérément à se faire une place au soleil avec la complicité d’une catégorie de Maliens prête à faire son jeu par intérêt ou par ignorance.
Avec des trous béants dans les caisses de l’État occasionnés par les pertes d’impôts et de taxes, liées à la situation de non-gouvernance, la priorité des priorités pour un pays en guerre contre le terrorisme demeure la levée des sanctions de la CEDEAO. Pour cela, nous devons aller au-delà d’un nationalisme suicidaire pour collaborer avec la CEDEAO pour le bonheur du Mali et des Maliens.
Par Sidi DAO
Source : INFO-MATIN