Créés pour la conquête et l’exercice démocratique du pouvoir, ils sont aujourd’hui nombreux les partis politiques de notre pays à ignorer cette vocation. Pour preuve, de plus en plus, des présidents de partis politiques optent pour la voie du raccourci pour exercer le pouvoir en se contentant d’un simple portefeuille ministériel. Si la pratique donne moins de soucis pour le parti au pouvoir qui aura moins d’adversaires pour les futures joutes électorales, elle compromet le jeu démocratique, cause des frustrations au sein des partis et laisse le peuple orphelin.
Au Mali, depuis l’avènement du multipartisme, des partis politiques n’ont jamais caché leur ambition de rester des satellites du parti au pouvoir. Ainsi, ils trouvent toujours le moyen de se faire représenter au gouvernement.
Mais là où il y a l’appréhension, c’est que c’est de plus en plus des chefs de parti qui vont représenter leur formation politique au gouvernement, ne faisant certainement plus confiance à aucun autre cadre. Ainsi, dans la nouvelle équipe gouvernementale, formée en fin de semaine dernière, ils sont au moins six présidents de partis à signer leur entrée dans le gouvernement du Premier ministre Modibo Keita. Certes, il n’est pas interdit à un parti politique d’être membre d’une mouvance présidentielle, mais de là à s’identifier au parti au pouvoir, dénote d’un manque de vision et d’ambition pour ces « bénis oui oui » dont certains ne se plaisent qu’à se voir éternellement ministre. Car animés par un seul dessein : assouvir leurs intérêts personnels au détriment du parti et du peuple pour lequel, il a promis changement et mieux-être. Les chefs de partis, en s’embarquant au gouvernement, embarquent avec eux le parti sinon toutes les têtes brûlées. La formation politique sera ainsi un satellite du parti au pouvoir qui aura peu de marge pour la critique et la défense de son propre programme politique qui n’est pas forcement identique à celui du parti exerçant le pouvoir.
Par ailleurs, le choix peut être un facteur de stabilité politique, mais non propice à la démocratie. En effet, la démocratie suppose le pluralisme des idées. Quant aux partis politiques, ils restent les principaux animateurs du débat politique. Ils réagissent à chaud aux événements, ils analysent en permanence la situation du pays, ils l’évaluent en fonction de leurs valeurs de référence, disent les solutions qu’ils proposent pour faire face aux problèmes du moment et critiquent les projets et réalisations du gouvernement. Les grands leaders de chaque parti sont en permanence sollicités pour réagir à l’actualité, ce sont eux qu’on invite le plus souvent dans les débats télévisés et qui, sous l’aiguillon des questions des journalistes, sont censés éclairer l’opinion et aider les citoyens à se forger des convictions.
Dans ce contexte, la mise sous tutelle des chefs de ces formations politiques peut s’avérer une menace sérieuse pour l’illusion des citoyens.
C’est vrai, selon un adage bambara « Tiè bô dan yé yèrè bô ye » (on est mieux servi que par soi-même). S’agissant de la représentativité des partis d’une majorité au sein d’un gouvernement, le constat établit depuis avec des années d’expérience démocratique prouve que le choix du chef de parti, constitue un véritable blocage pour la promotion des autres cadres. Même si dans notre contexte, certains chefs de parti résument le parti à leur propre personne. Aussi, la pratique est-elle source de frustration et même parfois de départ pour bon nombre de jeunes vers d’autres horizons où ils jugent le vent plus favorable.
Par Sékou CAMARA
Source: info-matin