60.000 jeunes à Abidjan pour chanter la gloire du Christ à l’occasion de la troisième édition du pèlerinage diocésain mais aussi prier pour la paix et le bon déroulement des élections à venir dans leur pays ; de l’autre côté de la frontière des dizaines de millions de fidèles à travers tout le Mali pour louer le maitre de l’Univers, Allah Azzawajal à l’occasion de l’Aïd El fitr.
Mais l’actualité de ce 31 mars est loin d’une vaine et impossible opposition entre le Mali et la Côte d’ivoire, deux pays que tout lie (l’histoire, la géographie, les enjeux stratégiques actuels et défis d’avenir) ; entre Jésus et Mohamed (tous des prophètes et donc des frères), entre l’islam et le christianisme (toutes des religions du Dieu unique de l’univers, Allah).
Ce dont il s’agit, c’est bien la comique distance que nos Républiques s’efforcent à préserver avec la religiosité à travers la constitutionnalisation de la laïcité à la française reproduite mécanique tout en se gardant d’être antireligieux.
En effet pour être en phase avec l’opinion religieuse dominante du peuple, les autorités républicaines s’obligent d’afficher leur foi et leur religiosité (comportement vestimentaires et attitudes sociales). Au risque d’être pris à partie par les radicaux à travers de virulentes prêches qui les font passer presque de Kafrs.
L’interpellation injurieuse du très polémiste Imam Mahin Ouattara en l’endroit de l’ancien président de la République, le Pr Alpha Oumar Konaré, au sujet du monument Kontron ni Sané aurait retenu l’attention des Maliens si la République ne baignait pas dans un syncrétisme laïc depuis sa naissance ; syncrétisme dont les Maliens s’accommodent fort bien.
Aussi Mahi Ouattara fait-il un mauvais procès à Alpha du moment où il ne prêche pas contre le Kaba bulon, et le Sita Dudun et autres sanctuaires animistes au Jitumu et au Bélédugu.
Lorsque l’Etat construit, à travers la coopération, la Grande mosquée de Bamako pour les musulmans, l’entretient et l’équipe récemment de panneaux solaires, pourquoi Mahi Ouattara et tous ceux qui ne voient dans le monument Kontron et Sane qu’un Boli (une idole), Cheytané, n’invoquent-ils pas la laïcité ?
Qu’est-ce que le monument Kontron ni Sané a de maléfique ?
Haut de sept mètres, il symbolise les trois personnages emblématiques de la chasse traditionnelle, activité essentielle au Mandé. C’est à l’intérieur de la confrérie des chasseurs que se formaient ceux qui avaient la charge de défendre la société des agressions extérieures (plus tard l’armée).
Les associations de chasseurs, toujours puissantes en Afrique de l’Ouest, constituent des cadres à l’intérieur desquelles se transmettent des savoirs anciens et une certaine vision du monde.
En haut du monument, on reconnaît les figures du Simbo (maître des chasseurs), du Sora (musicien animateur inséparable du chasseur) et un Donso (chasseur).
La consécration de cette place fait suite à la promesse de l’ancien président de la République, Alpha Oumar Konaré, lors de la Rencontre des chasseurs de l’Ouest africain de dédier une place aux chasseurs. La première manifestation de ce genre au Mali et en Afrique de l’Ouest s’est tenue à Bamako de janvier à février 2011. Cela voue-t-il Alpha Oumar Konaré à la Géhenne ?
Si beaucoup d’extrémistes musulmans comme l’Imam Mahin pensent qu’il est totalement interdit de sculpter des statues, d’autres juristes libéraux limitent l’interdiction des statues aux mosquées, aux représentations de Dieu, de ses prophètes et aux compagnons de Mohammed.
Par ailleurs, notre prophète n’a interdit que les monuments mémoriaux qui mènent au polythéisme.
Or, Kontron ni Sané n’a aucune vocation religieuse. Ce n’est point un lieu d’adoration. Le monument ne représente aucune divinité, ni aucune personne qui est adorée sur cette terre.
A moins que Mahin Ouattara comme les djihadistes qui ont détruit les mausolées à Tombouctou, ne pense que sur cette terre de tolérance, d’amour et fraternité point ne devrait avoir droit de cité que l’Islam ?
Rien que l’Islam et seulement l’islam selon eux. Exactement comme les fanatiques et les terroristes qui travestissent cette religion de paix à travers le monde notamment, dans l’espace sahélien à la solde de sponsors mus par des intérêts impérialistes.
Que Mahin Ouattara pousse sa logique islamiste radicale jusqu’au bout en demandant de détruire tous les moments qui représentent une personne ou une créature vivante ; puisque susceptible d’être adorées. Comme dans l’histoire du peuple de Noé…
Par Abdoulaye OUATTARA
