Le Pdg d’Africa Development Solutions (Ads), Samba Bathily, a accordé une interview exclusive au journal en ligne Africaguinée.com que nous livrons en intégralité à nos lecteurs. Comme le rappelle Africaguinée.com, Samba Bathily, qui nourrit de grandes ambitions pour l’Afrique, a mis en place avec un de ses partenaires, une structure dénommée “Afro-Champions” pour mieux aider le continent africain à se développer à travers son secteur privé.
Vous avez participé à une série de rencontres dans le cadre d’une initiative d’Hommes d’affaires du continent africain. De quoi s’agit-il exactement ?
C’est une initiative qui s’appelle Afro-champions et qui vise à créer des champions africains dans tous les domaines parce qu’on a vu que tous les continents qui se sont développés l’ont été avec la création d’une classe d’entrepreneurs d’un certain niveau. Il ne peut pas y avoir de développement sans création de richesses et qui parle de création de richesses parle d’emplois. Donc l’initiative Afro-Champion a été créée dans ce sens et c’est une initiative de plusieurs opérateurs économiques africains qui se sont mis ensemble pour pouvoir tirer l’Afrique vers le haut. Si vous prenez par exemple les Etats-Unis qui sont le model du capitalisme dans le monde, il y a eu l’initiative des champions comme les Rock-Feller, JP Morgan, Ford (…), ces derniers ont su tirer ce pays vers le haut, l’Europe a aussi connu la même trajectoire. Donc l’Afrique aussi a besoin de créer cette classe d’entrepreneurs.
Où en êtes-vous à ce jour ?
Nous avons débuté il y a deux ans, mais on est fier puisqu’on vient de signer un mémorandum avec l’Union Africaine qui a compris qu’on ne peut pas développer ce continent en ignorant les opérateurs économiques. Ils peuvent prendre toutes les décisions qu’ils veulent si ce n’est pas appliqué par le secteur privé cela va être difficile. Donc le message là a été bien compris et c’est ce qui a permis la signature de ce mémorandum. L’Union Africaine nous a mis au cœur du programme qui s’articule sur le commerce intra-africain, il sera d’ailleurs signé par plusieurs pays africains au mois de mars à Kigali.
Quel est l’avantage de ce commerce intra-Africain ?
En Afrique, on ne commerce pas entre nous et tant qu’on ne fait pas cela, on ne pourra pas se développer. Si je prends un pays comme la Côte-d’Ivoire qui produit du café et du cacao, ces produits sont transformés sous d’autres cieux et ensuite ramenés en Afrique. Tant que l’Afrique ne comprendra pas la nécessité de faire ce commerce entre nous nos populations ne vont pas s’unir. Le jour où par exemple l’Ivoirien saura que tout son cacao est vendu en Afrique, il aura besoin du consommateur guinéen, malien et autres (…), tout cela va contribuer à renforcer nos liens qui sont séculaires. Vous savez même dans les années 1200, il existait déjà le commerce transsaharien entre nos peuples (…), je crois qu’on doit revenir à cela.
Le commerce intra africain donc va être la clé de l’émergence africaine. Ce qui manque aujourd’hui à ce continent ce qu’on ne regarde pas les avantages qu’offrent nos pays (…), c’est-à-dire, si par exemple l’avantage de la Guinée c’est l’eau et l’énergie qui constituent les richesses de ce pays nous prenons avec elle, et cela va constituer des sources d’entrée de devises pour la Guinée. Si demain le Sénégal développe le secteur du tourisme, nous irons faire du tourisme dans ce pays au lieu de partir dans un autre continent, les exemples ne manquent pas. Ceci va donc nous permettre de créer beaucoup d’emplois en Afrique.
Ma crainte aujourd’hui c’est qu’il y a entre 12 et 13 millions de jeunes africains qui arrivent sur le marché de l’emploi, si ce flux de jeunes arrive, cela constitue un danger pour le continent et même le reste du monde. Si nous ne pouvons pas créer des richesses comment allons-nous donner du travail à ces jeunes ? C’est une question de sécurité nationale pour nos pays et pour le monde. Si vous prenez la Syrie qui est à 10 mille km de l’Europe, vous voyez comment ce peuple est en train de déferler sur l’Europe (…), nous en Afrique nous sommes à un milliard de personnes et d’ici 20 ans nous serons à 2 milliards, si nous ne prenons garde tous ces gens vont envahir l’Europe et personne ne pourra contrôler ce flux. Le fait donc de renforcer le commerce intra-africain est une chance pour l’Afrique et pour le monde.
Est-ce que le volet d’industrialisation est intégré dans le ce projet Afro-champion ?
Bien-sûr que c’est intégré. Qui parle de commerce parle de biens et des services. Ce qui veut dire tout simplement qu’aujourd’hui, la Guinée peut envoyer son énergie au Sénégal, en Guinée-Bissau et au Mali. Ce qu’on n’a pas aujourd’hui certes, c’est le problème de masse critique. Qui parle d’industrialisation parle de masse critique (…), si demain tu ne produis pas assez, tu as en face une concurrence internationale qui produit pour des millions de clients, leur coût va être plus bas. Aujourd’hui il faut qu’il y ait une masse critique et il faut qu’on échange entre nous.
Quel est le niveau d’engagement des opérateurs économiques du continent ?
Beaucoup sont en train de comprendre parce que c’est une question de survie pour tout le monde. Je dis souvent aux opérateurs économiques que l’Afrique est un vaste chantier. Tout est prioritaire dans ce continent. Ce n’est pas la peine de se tirailler. Quand un opérateur économique local gagne un marché dans nos différents pays, cela choque tout le monde, mais quand c’est une structure internationale étrangère qui vient, cela ne choque personne.
Mais cela dépend aussi de la qualité de la prestation de nos opérateurs locaux qui généralement ne sont pas fiables et ne font pas le travail qu’on leur confie convenablement ?
C’est une réalité qu’il faut prendre en compte. Mais il y a aussi d’autres qui excellent et c’est pour quoi on parle de champions.
Est-ce qu’il va y avoir une sorte de spécialisation, c’est-à-dire que chaque champion s’occupe d’un secteur d’activités ?
C’est cela le but. Dans ce sens d’ailleurs, notre agenda phare est le HUB, c’est dire par exemple, si la Guinée qui est un pays phare en matière d’énergie et des mines, qu’on voit quel écosystème on peut créer autour de la Guinée pour que ce pays puisse profiter de ses avantages naturels. Nous allons faire appel à tous les opérateurs économiques africains puisque l’investissement est colossal et c’est vous dire qu’il y a de l’argent dans ce continent. A travers ses avantages, le pays propose de fournir de l’énergie pour le continent, transformer ses mines (…), l’Afrique a besoin d’Alumine et de fer parce que c’est un continent en construction, et comment l’Afrique pourra transformer cet aluminium et ce fer pour le développement. Vous imaginez combien la Guinée perd actuellement en termes de valeur ajoutée avec ses mines. On prendra un pays comme le Mali qui avait l’office du Niger qui à l’époque coloniale était construite pour produire suffisamment de riz pour toute la sous-région Ouest-Africaine. En 2008, j’ai appris que notre sous-région consomme 5 millions de tonnes de riz. A cette époque, la tonne était à 500 dollars, quand on multiplie cette somme par 5 millions on dénote beaucoup de milliards de perte pour l’Afrique. Si par exemple le Mali avait cette somme, il va la dépenser en achetant par exemple le courant avec la Guinée ou la Côte d’Ivoire en termes de produits agricoles. Donc il est crucial pour les africains qu’on prenne conscience de cela.
Comment êtes-vous parvenus à cette initiative ?
C’était au cours d’une discussion au World Economic Forum à Kigali en 2016 avec un docteur Ghanéen du nom d’Edem qui m’a approché (…), dans la discussion il m’a dit qu’il a commencé à travailler sur un indexe sur les opérateurs économiques africains. On a dit qu’il faut que nos gouvernants fassent confiance aux opérateurs économiques de ce continent. Le second problème était la question d’union entre nous parce que la plupart du temps les opérateurs économiques ne sont pas unis. Et enfin le troisième problème était une question de masse critique. Cette masse critique ne peut venir que si on commerce entre nous.
Aujourd’hui on a choisi l’ancien président Sud-Africain comme Thabo M’beki qui avait mis un programme de renforcement des capacités pour les entreprises noires Sud-Africaines quand il était aux affaires. C’est le cas de la naissance de MTN et d’autres secteurs porteurs de croissance. Ensuite, nous avons approché Obasanjo, l’ancien président du Nigéria, qui avait aussi décidé de créer des Champions quand il était aux affaires (…), c’est pour cela dans ce pays nous avons un Dangoté et tant d’autres. L’Union Africaine va même donner des passeports à ces opérateurs champions pour qu’on puisse voyager librement. Si nous prenons un Dangoté qui voyage avec ses assistants, il doit pouvoir circuler librement à travers ces Etats dans lesquels ils voyagent. L’Ethiopie même où réside l’union Africaine, pour venir ici, il nous faut un Visa. Donc tant que ces barrières ne sont pas levées comment pourrions-nous développer notre continent. Quand on ne peut pas circuler librement ou communiquer librement entre nous, ca va être difficile que l’on se développe. C’est pourquoi le passeport est d’abord délivré aux opérateurs économiques parce que c’est eux qui voyagent beaucoup. Il y aura des critères de sélection. Il faut que les entreprises aient des responsabilités sociétales et qu’elles soient exemplaires.
En termes d’implémentation et d’organisation qu’est-ce qui a été mis en place ?
M’Beki est le président côté politique, Aliko Dangoté s’occupe du volet privé. Ils sont assistés de cinq vice-présidents. Le vice-président en Afrique de l’Ouest c’est Jean Louis Billon de la Côte-d’Ivoire, en Afrique du Nord c’est Saouriss le milliardaire Egyptien, en Afrique de l’Est, le Tanzanien Mouteriki et l’Afrique Australe est représentée par une dame qui est la présidente du Conseil d’administration de la bourse de Johannesburg. Maintenant Monsieur Edem et moi, qui sommes les co-fondateurs, nous allons nous charger de la coordination. Dans les jours et mois à venir, chaque patron va travailler avec les organisations patronales des pays de sa zone pour les amener à se mettre ensemble. Pour le travail de ralliement, nous allons ensemble faire des études et des Hub, il va donc arriver des moments où nous allons lever des fonds pour financer des projets de Hub régionaux tout en tenant compte de la force de chaque pays. Il est grand temps pour les africains d’investir en Afrique, car même si on veut que les autres pays investissent avec nous, il faut que nous même nous prenions le risque. Tu ne peux pas demander à quelqu’un d’investir chez toi quand toi tu investis ailleurs (…), cela veut dire que toi-même tu n’as pas confiance en ton pays.
Est-ce que les opérateurs économiques guinéens sont motivés par cette idée ?
Nous sommes au tout début, il fallait d’abord rallier les têtes de proues, partager l’idée avec l’Union Africaine et enfin faire un travail de fond qui est d’ailleurs le mandat des Vice-présidents. Ils doivent travailler avec les organisations patronales. Tout vient dans a communication, c’est une entreprise noble faite pour le développement de tout le continent africain. Sans cela l’Afrique est en danger et le monde avec elle.
Entretien réalisé par Mamadou Hassimiou Souaré
Source: Aujourd`hui mali