La France a annoncé que la mission Barkhane de lutte antiterroriste au Sahel n’allait pas subir de modifications liées au Covid-19. Mais, sur le terrain, des pays comme le Burkina Faso ont déjà réadapté leur dispositif sécuritaire en fonction de l’épidémie.
A 67 ans, Idriss Déby repart au front. L’ancien rebelle, arrivé au pouvoir avec la complicité de la France en 1990, a promis de laver l’honneur de son armée après l’attaque des jihadistes de Boko Haram, lundi sur la presqu’île de Boma, dans la région du lac Tchad. Bilan : au moins 92 militaires tchadiens tués, dont plusieurs parmi les renforts envoyés sur place.
Les combattants de la secte islamiste ont aussi détruit des blindés et emporté une partie du matériel de la garnison. Mardi, après l’enregistrement de son message à la nation, le président Déby s’est immédiatement rendu dans la région des combats à bord d’un hélicoptère militaire, rejoignant son ministre délégué à la Défense, Mahamat Abali Salah, et le chef d’état-major général des armées, Abakar Abdelkerim Daoud, arrivés la veille.
« Je refuse cette défaite, la réplique doit être foudroyante », a-t-il dit, installant temporairement ses quartiers à Baga Sola pour superviser personnellement la riposte. Le scénario de l’attaque ressemble à celui du camp de Chinagoder au Niger, à la mi-janvier. Elle avait coûté la vie à une centaine de soldats nigériens.
Le bilan de l’attaque de lundi est le plus lourd que l’armée tchadienne ait subi dans la lutte antiterroriste. Les jihadistes, visiblement bien informés, ont profité d’une réduction des effectifs de la base pour intervenir. « Cette unité a été dégarnie un peu pour des raisons opérationnelles ailleurs », a reconnu Idriss Déby.
Dans un premier temps, des informations ont circulé sur un retrait du contingent tchadien récemment envoyé à la frontière du Burkina et du Niger pour affronter les terroristes. Un déploiement décidé pour intensifier la lutte après le sommet de Pau, début janvier. Mais la présidence tchadienne a réfuté tout retrait.
« Les représailles risquent d’être terribles dans une région où vivent des populations, loin des regards »
Certains accusent aussi la force Barkhane de ne pas avoir porté assistance aux forces tchadiennes alors que le quartier général et les avions du dispositif français sont à N’Djamena. « C’est faux, rétorque un diplomate français. Les Tchadiens nous ont simplement demandé d’apporter une aide médicale, mais pas d’intervenir militairement. Les représailles risquent d’être terribles dans une région où vivent des populations, loin des regards. »
Confinement. Une autre inquiétude voit le jour. La progression du coronavirus a contraint les autorités burkinabe à alléger leur dispositif sécuritaire au nord du pays. Cela pourrait inciter les groupes terroristes à accroître leurs actions.
« Nous craignons également que les enlèvements d’Occidentaux reprennent après la libération, le 13 mars au Mali, de la Canadienne Edith Blais et de son compagnon italien, Luca Tacchetto », poursuit le diplomate.
Mais c’est pourtant un Malien, le leader de l’opposition Soumaïla Cissé qui a été enlevé récemment alors qu’il était en campagne pour les législatives dans la région de Tombouctou, un secteur où opèrent des jihadistes affiliés à al-Qaïda. « Ses ravisseurs vont certainement demander une rançon, estimant qu’il dispose de moyens financiers », confie l’un de ses proches.
Les derniers développements sécuritaires au Niger et au Tchad pourraient compromettre les efforts de la lutte antiterroriste au Sahel. La progression du Covid-19, en Europe comme en Afrique, est un autre sujet de préoccupation. Jusqu’à maintenant, aucun soldat français engagé en opérations extérieures (Opex), dont ceux de Barkhane, n’a été diagnostiqué positif. Mais l’armée compte des militaires touchés en France. Se pose donc la question de la relève des troupes. Les rotations sont maintenues, mais les soldats sont dorénavant confinés quatorze jours avant de rejoindre les Opex.