Le nouvel émissaire de l’ONU pour le Sahara occidental, Horst Koehler, a débuté lundi à Rabat sa première tournée régionale dans la plus grande discrétion, avec pour mission de relancer la médiation entre le Maroc et les indépendantistes du Polisario afin de sortir ce vieux conflit de l’impasse.
L’ex-président allemand, nommé en août par le nouveau secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, a mené différents entretiens lundi, notamment avec le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, selon une source diplomatique informée. Il doit poursuivre ses entretiens mardi avant de partir mercredi matin pour la région de Tindouf, selon la même source.
Sa tournée prévue jusqu’au 25 octobre doit ensuite le conduire à Alger puis Nouakchott, selon un responsable communication aux Nations-Unies à New York.
La plus grande discrétion entoure cette première visite. Le programme précis de ses entretiens n’a pas été rendu public, hormis des éléments diffusés par le Front Polisario sur son déplacement à Tindouf, à l’extrême sud-ouest de l’Algérie, où 100.000 à 200.000 réfugiés –selon les sources, en l’absence de recensement officiel– vivent dans des camps.
Pendant sa visite mercredi et jeudi, Horst Koehler doit rencontrer la population de ces camps et avoir des entretiens à huis clos avec les responsables du Front, selon la représentation sahraouie à Alger.
– ‘Nouer les contacts’ –
La presse marocaine est restée peu diserte sur la tournée: le quotidien Akhbar Al Yaoum, qui cite une source diplomatique marocaine, affirmait lundi que cette visite « protocolaire » visait principalement à « nouer les contacts ».
Le quotidien francophone Le Matin notait pour sa part que le Maroc célébrait lundi le 42e anniversaire de l’annonce par Hassan II de la « Marche verte », le 16 octobre 1975, qui avait « abouti à la libération des provinces du sud ».
Le Maroc contrôle depuis lors une grande partie de cette ancienne colonie espagnole qui couvre une immense étendue désertique de 266.000 km2. Soutenu par l’Algérie, le Polisario, qui a proclamé une République arabe sahraouie démocratique (RASD), réclame un référendum d’autodétermination.
Depuis 2007, Rabat propose comme solution de « compromis » une autonomie sous sa souveraineté.
Après des années d’impasse, le nouveau secrétaire général de l’ONU a affirmé en avril vouloir impulser une « nouvelle dynamique » autour de ce conflit qui empoisonne les relations Alger-Rabat et entrave plus largement la coopération maghrébine.
Dans la foulée, le Conseil de sécurité a adopté une résolution de soutien à une reprise des négociations et prolongé jusqu’à la fin avril 2018 le mandat des casques bleus de la Minurso, notamment chargés de surveiller le cessez-le-feu signé en 1991.
– Tensions –
M. Koehler succède comme émissaire à Christopher Ross, qui avait démissionné en mai après huit ans d’une mission marquée par des tensions entre le Maroc et l’ONU.
L’accusant de « partialité », Rabat avait retiré en 2012 sa confiance au diplomate américain, avant de revenir à contre-cœur sur cette décision.
Echaudé par un projet de résolution américaine prévoyant d’élargir le mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l’Homme, le Maroc avait ensuite exprimé son courroux, en 2016, après une visite de Ban Ki-moon à Tindouf lors de laquelle le patron de l’ONU avait parlé « d’occupation » du Sahara occidental.
En représailles, Rabat avait expulsé la majeure partie des membres civils de la Minurso, avant d’accepter le retour d’une partie de ce personnel.
La mission du nouvel émissaire intervient par ailleurs dans un contexte de questionnements sur le rôle de l’ONU mais aussi d’enjeux sécuritaires persistants dans la bande sahélo-saharienne, théâtre d’attaques jihadistes.
Rabat, qui a mené ces derniers mois une activité diplomatique intense sur le thème de la stabilité régionale, met régulièrement en avant la nécessité d’éviter toute forme de balkanisation.
Le dossier a été abordé lors des récentes visites à Rabat du Premier ministre russe Dimitri Medvedev et du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Ce dernier a réitéré la position de Paris, pour qui la proposition d’autonomie marocaine « est une bonne base de négociation ».
Le dernier épisode de tensions entre le royaume et le Polisario remonte à fin 2016, autour d’une zone contestée à la frontière avec la Mauritanie, sur un axe stratégique vers l’Afrique subsaharienne.
Situé sur la côte Atlantique, le Sahara occidental est le seul territoire du continent africain dont le statut post-colonial n’a pas été réglé. Un « mur de défense », comme l’appellent les autorités marocaines, a été érigé dans les années 1980 sur une longueur de 2700 km. Il coupe l’ex-colonie du nord au sud.