L’auteur tient les lecteurs par la main pour les conduire dans le dédale des moeurs politico-amoureuses
Dans ce deuxième roman, Les désillusions de Bouba, (paru aux Editions l’Harmattan-Mali, septembre 2015) Bréhima Touré nous brosse un tableau des mœurs politico-amoureuses de la cité. Et des révolutions nées des frustrations populaires.
L’auteur de La Limite des Grands (Prix du plus jeune romancier de la Rentrée Littéraire de Bamako de 2012) se penche dans cet ouvrage de 138 pages sur les frasques amoureuses des dirigeants et leurs répercussions néfastes sur la conduite des affaires publiques.
Bréhima Touré, visiblement fin connaisseur des mœurs maliennes, nous montre d’abord combien nos politiques, à commencer par les hauts d’en haut, sont friands d’aventures à l’eau de rose. Et qu’ils ne manquent aucune occasion de rencontres publiques pour en chercher une dans la foule !
Dans Les Désillusions de Bouba, l’élue de cœur du Grand Chef serait belle à croquer, nous assure l’auteur. En tout cas, Bouba l’étudiant, l’amant de quelques jours de Titi, ne dira pas le contraire.
Mais Titi n’est pas seulement une belle fille ! Elle est aussi très impliquée dans un réseau de trafic de drogue … pour alimenter la rébellion qui secoue le Nord du pays ! Le Grand Chef le sait-il ?
L’Inspecteur Nango est convaincu que le Grand Chef protège sa belle maîtresse et couvre ses activités illégales. Chose impardonnable, pour lui ! Les affaires de f… et la politique, voire la gestion de la nation peuvent-elles faire bon ménage ? L’auteur nous invite à y réfléchir. Pour le Grand Chef, les relations avec lui permettent de joindre l’utile à l’agréable : il s’offre une belle femme qui lui permet de surveiller la situation au Nord du pays.
Quant à Titi, pour elle ses relations haut placées lui permettent de développer son trafic en défiant la police, et d’alimenter aussi la rébellion. Marché de dupes ? Une chose est sûre : Titi sait ce qu’elle veut. Mais attention, Nango, l’Inspecteur de police, guette le premier faux pas.
Et Bouba, quel rôle joue-t-il dans tout cela ? D’abord Titi le fera enfermer par les policiers car il avait un peu rayé sa rutilante 4×4 avec une moto Jakarta lors d’un accrochage dans la circulation. Puis, au hasard des rencontres, Titi choisira Bouba comme amant pour quelques temps, avant de le livrer à des tueurs.
L’Inspecteur Nango, qui avait sympathisé avec l’étudiant lors de son séjour au commissariat veut se servir de Bouba pour coincer la belle Titi. Pour le malheur de Bouba, soupçonné par son amante de circonstance d’être un indicateur de la police. Ainsi, livré par Titi aux trafiquants de drogue, il sera enlevé et conduit jusqu’à Tombouctou avec l’intention de le liquider. Mais le vent de la rébellion et de la révolution s’est déjà levé !
Après avoir échappé à sa mort programmée par son amante, Bouba retrouve Nango, l’Inspecteur qui lui avoue qu’il fait partie du groupe «d’Officiers Patriotes» qui se sont soulevés pour sauver la nation. Il rencontre aussi son Professeur pour essayer de comprendre comment des «Patriotes» et des «moralisateurs» en viennent à devenir des pillards de biens publics et privés sous le couvert de la révolution.
Les désillusions de Bouba est un roman qui se lit bien : on se laisse prendre au jeu de l’auteur. Les personnages sont bien sympathiques. On finit même par admirer la détermination et le machiavélisme de la belle Titi. On pourrait peut-être regretter un peu que, vers la fin, le journaliste ait voulu doubler le romancier.
Le roman de Bréhima Touré illustre bien cette pensée bambara qui veut que le pouvoir ou l’autorité politique qui court après les trois «mugu» n’a pas le temps de gérer les affaires de la nation. Le premier est le «bobara mugu» (les femmes), le second «nafolo muku» (l’argent ou la fortune) et le troisième «dugu kolo mugu» (les parcelles ou la propriété terrienne). On ne peut courir après ces trois choses et en même temps s’occuper convenablement de la gestion de la nation. Nos dirigeants semblent oublier souvent que la sagesse nous enseigne qu’on ne court pas deux lièvres à la fois.
Yaya TOGORA (Editions Toguna)
Les désillusions de Bouba, Editions l’Harmattan, Prix : 6000 Fcfa à la librairie Ba au Grand hôtel
source : Essor