A coup de gaz lacrymogène, les forces de l’ordre sénégalaises empêchaient jeudi la tenue de manifestation à Dakar, interpellant selon l’opposition des dizaines de personnes, dont un ancien Premier ministre, venues protester contre l’adoption d’une révision du code électoral, à moins d’un an de la présidentielle.
Ces incidents se déroulent au moment où le président Macky Sall, élu en 2012 et probable candidat à sa succession en février 2019, effectue une visite en France, où il sera reçu vendredi par son homologue, Emmanuel Macron.
A Dakar, « plus de 50 personnes ont été arrêtées », a affirmé à l’AFP Mayoro Faye, le chargé de communication, du Parti démocratique sénégalais (PDS), le principal parti de l’opposition, dirigé par l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012). La police n’était pas joignable dans l’immédiat.
M. Faye a également fait état de 12 arrestations à Saint-Louis (nord), huit à Mbacké (centre) et d’au moins quatre à Thiès (ouest). Les manifestations ont également touché Guédiawaye, près de Dakar, Ziguinchor (sud), Diourbel et Kaolack (centre), selon l’opposition et des médias locaux.
L’ex-Premier ministre Idrissa Seck (2002-2004), qui envisage de se présenter en 2019, a été interpellé dans la matinée alors qu’il était « en route pour l’Assemblée », selon son parti.
Dans une Assemblée nationale sous haute protection, les députés ont entamé, dans une atmosphère par moments houleuse, l’examen d’un projet de loi imposant un parrainage à tous les futurs candidats à la présidentielle. Une rixe a éclaté entre élus lorsque des députés mécontents ont tenté d’envahir la tribune, puis un élu à déchiré le texte.
Après six heures de débats, les discussions, retransmises en direct à la télévision publique, étaient toujours en cours.
– Opposants condamnés –
Le texte impose aux candidats de recueillir le parrainage d’1% du corps électoral, soit environ 65.000 personnes, réparties dans au moins sept des régions du pays, à raison de 2.000 par région au minimum.
Les autorités affirment vouloir prévenir, par souci d’économie et de meilleure organisation du scrutin, une inflation du nombre de candidats à la présidentielle dans un pays qui compte près de 300 partis, rappelant la présence de 47 listes aux législatives de juillet 2017.
« Le but unique de cette forfaiture est évident aux yeux de tous: empêcher les candidats de l’opposition » de se présenter, estime la coalition de l’opposition, appelant à s’opposer au « coup d’Etat constitutionnel du président Macky Sall ».
L’opposition s’inquiète d’une autre modification du Code électoral, qui imposerait aux candidats de jouir de leurs droits civiques, exigence jusqu’à présent absente du texte et qui pourrait barrer la route à l’ex-ministre et fils d’Aboulaye Wade, Karim Wade.
Condamné en 2015 à six ans de prison pour « enrichissement illicite », Karim Wade a été gracié en juin 2016 par le président Sall et réside depuis à l’étranger.
Une autre figure de l’opposition, Malick Gakou, a également été interpellée avec trois des militants de sa formation, le Grand Parti, le rappeur Kilifa, membre du mouvement « Y’en a marre » et le militant Guy Marius Sagna.
Dans le quartier des ministères, les policiers ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser des manifestants qui avaient érigé une barricade de branchages et lancé des pierres sur les véhicules de la police, selon des journalistes de l’AFP.
De nombreux commerces et des écoles étaient fermés. Près du grand marché Sandaga, des pots de fleurs ont été renversés par des manifestants, dont plusieurs ont été embarqués par les policiers.
L’opposition et des associations de la société civile avaient appelé à protester jeudi, malgré l’interdiction des manifestations dans le quartier de Dakar-Plateau, qui abrite les principales institutions du pays.
Amnesty International a appelé le pouvoir à « respecter le droit de manifester pacifiquement et de s’exprimer, dans un contexte de répression de la dissidence » dans un pays généralement cité en modèle de démocratie en Afrique.
L’élu Barthélémy Dias, proche du maire d’opposition de Dakar Khalifa Sall, condamné le 30 mars à cinq ans de réclusion pour « escroquerie », a écopé mardi d’une peine de six mois de prison ferme pour « outrage à magistrat » après avoir critiqué cette décision, a rappelé l’ONG.
La rédaction