Depuis mai 2012, le gouvernement français sous Hollande a surjoué son alignement sur « les Africains » de la Cedeao et du Mali et a prétendu que la France interviendrait si et seulement si les Maliens, les Africains, lui en faisaient la demande, et dans le cadre d’une résolution de l’ONU.
Et en effet, le 11 janvier 2013, elle a décidé de se lancer dans une guerre au Mali à la demande des autorités du pays. Les derniers mois qui ont suivi l’intervention, la France et la Cedeao ont certainement usé de moyens de pression pour obtenir des autorités maliennes qu’elles demandent le soutien militaire de la Cedeao.
Un fait est symbolique de cette réalité : le 5 septembre, c’est Jean-Félix Paganon, le représentant spécial de la France pour le Sahel, qui a annoncé que le gouvernement malien demandait une aide notamment logistique de la CEDEAO, pour recouvrer l’intégrité territoriale du Mali. Une annonce qui a été faite à Abidjan, en présence du chef d’État ivoirien, et au lendemain du passage du diplomate à Bamako pour « porter un message » au président malien. L’hypocrisie est totale : Paganon a prétendu par la suite que la France s’alignait sur les organisations internationales. En réalité, la France se soucie peu de l’avis et de la légitimité des institutions maliennes. Depuis le putsch, la situation politique au Mali est mouvante. Le gouvernement de transition, mis en place sous l’égide de la CEDEAO puis remanié pour devenir « d’union nationale » a une légitimité toute relative, « mise en question non seulement par une partie de la population mais également par les faits politiques eux-mêmes». Ce sont ces autorités qui ont fait à la France une demande d’intervention début janvier 2013.
Pour la France, les solutions à la crise malienne doivent venir de l’extérieur, et il n’est désormais même plus question de faire semblant que la souveraineté du Mali est respectée.
Les médias et la communication des autorités françaises ont peu évoqué la composition et les objectifs du déploiement des forces armées françaises à Bamako et l’objectif de l’intervention qu’il sert, au-delà de la seule façade de « sécurisation des ressortissants ».
En 2012, l’une des fonctions de l’intervention attendue des troupes de la CEDEAO était de « sécuriser les institutions ». Les autorités maliennes s’y opposaient farouchement et préféraient la perspective de créer un corps de militaires maliens à cet effet.
Avec l’intervention française de 2013, cet objectif de « sécurisation de la transition » est repris. Depuis Dubaï, le président François Hollande résumant les buts de l’intervention déclarait le 15 janvier 2013 : « Nous avons un objectif c’est de faire en sorte que lorsque nous partirons, lorsque nous cesserons notre intervention, il y ait une sécurité au Mali, des autorités légitimes, un processus électoral et qu’il n’y ait plus de terroristes qui menacent l’intégrité du Mali». Un des buts de la guerre que la France mène au Mali est donc d’établir des institutions « légitimes ». L’attitude de l’ambassadeur de France au Mali, Christian Rouyer, montre sans équivoque que la forte présence de militaire français à Bamako vise à faire pression sur ce qui reste d’autorité malienne au Mali. Le 16 janvier 2013, évoquant le décret d’état d’urgence promulgué par le Prédisent malien par intérim, il explique de façon décomplexée qu’il attend que l’ordre règne à Bamako : « On ne pouvait pas se réveiller un jour sans savoir quelles manifestations allaient entraver la vie publique. L’activité économique était au ralenti et des gens brûlaient des pneus sur les routes. Il y avait d’autres qui criaient des slogans contre le Président ou le Premier ministre (…) L’Etat d’urgence était nécessaire. L’heure n’est plus aux chicanes ni aux discussions vaines. L’heure est à l’unité. La nation est en danger, le pays doit s’unir contre un adversaire commun ». Un discours de Ministre de l’Intérieur ! En présence d’un bon contingent de soldats français à Bamako, les « conseils » des diplomates français en direction des autorités maliennes seront, à ne pas en douter, entendus sans difficulté. Comme dans la plupart de ses interventions en Afrique, l’action de la France s’apparente à une mise sous tutelle politique du Mali, pour une période indéterminée à laquelle la France contribuerait en première ligne, à l’opposé du processus de reconstruction institutionnelle dont aurait besoin le Mali aujourd’hui.
« Aider le Mali à retrouver sa souveraineté » ? « Établir des institutions légitimes » ? Comment se fier à la France quand les autorités politiques, financières et économiques françaises continuent de soutenir les pires chefs d’État comme Paul Biya au Cameroun, Ali Bongo au Gabon ou Denis Sassou-Nguesso au Congo-Brazzaville, et quand elles ont complaisamment fermé les yeux sur ce qui se passait au Mali par le passé ?
Liberté d’expression contre règne de la pensée unique
La France est connue pour être un pays où l’on se passionne pour le débat et la polémique. Son passé révolutionnaire, l’effervescence intellectuelle, née du siècle des Lumières, qu’elle a su entretenir, participent fortement à ce mythe.
Pourtant cette tradition, cette culture du débat libre et de la polémique est aujourd’hui menacée par le triomphe de la bien-pensance et du politiquement correct.
Aujourd’hui tout le monde se doit d’adhérer à la même idéologie, au même discours dominant, sous peine de marginalisation, voire de diabolisation.
Ainsi nous sommes tous priés de dire que la guerre en Libye fut la guerre du bien contre le mal, que BHL est un défenseur des droits de l’homme, que le mariage homosexuel va permettre à l’humanité de faire un pas de géant, que la dépénalisation des drogues douces est une idée géniale, que l’euthanasie est un acte “humaniste,” que le féminisme des “chiennes de garde” est un exemple pour toutes les femmes, que l’Europe est un projet formidable et émancipateur, que défendre le peuple est une attitude populiste, que le modèle capitaliste et libéral est le seul modèle valable, que le FN est un parti néo-nazi, que l’Islam pose problème dans l’espace républicain, etc. Je m’excuse d’avance auprès des bien-pensants pour n’avoir pas établi un ordre de priorités.
A ces “vérités incontestées et incontestables”, il est interdit d’apporter la moindre contradiction, un autre son de cloche, une autre opinion tout aussi argumentée, sans passer pour un être déraisonnable et infréquentable.
De fait, on vit dans une société où la pensée doit constamment s’autocensurer et la langue tourner plus de sept fois pour éviter de fourcher, sous peine d’être criminalisé et judiciarisé.
On pouvait raisonnablement penser que le monde de la presse, si attaché à sa liberté d’expression et à son indépendance d’esprit, serait le plus sûr et le plus puissant rempart contre ce totalitarisme d’un nouveau genre. Il n’en est rien. Pire, il participe avec un incroyable zèle à cette police de la pensée (qui se cache derrière les habits de la vertu), contribuant à son tour à scléroser et à cadenasser le débat citoyen.
Oui, le bon vieux temps où on pouvait s’exprimer et s’indigner sur tout est bel et bien révolu. Désormais place aux expressions toutes faites, aux indignations sélectives et aux condamnations d’office (même quand il n’y a pas matière à faire tout un plat). Fini les blagues potaches et marrantes sur Shlomo, Momo, Mamadou, les Ch’tis, la taille de Mimi Mathy, les drag queens, le look de garçon de Caroline Fourest, sur la nullité du PSG, etc.
Tout le monde est sommé de se tenir à carreau, car des “agents Smith” (expression moderne pour désigner les spécialistes de la délation et de l’inquisition) veillent à ce que le troupeau soit bien gardé et que pas une brebis ne sorte du lot. Et dire qu’un jour quelqu’un a eu l’outrecuidance de s’exclamer: “Voltaire, reviens! Ils sont devenus fous!”.
La Rédaction